Un témoignage venu du cœur de la finance congolaise
Paru aux éditions Jets d’encre, « Problématiques et souvenirs de management » déploie, sur cent douze pages denses, une réflexion qui tranche avec les manuels techniques souvent austères. L’auteur, banquier central ayant servi dans plusieurs capitales d’Afrique centrale avant d’ancrer son expertise à Brazzaville, s’appuie sur des décennies d’observation des organisations publiques et privées pour proposer une lecture vivante du rôle du manager dans un environnement économique en mutation accélérée. Le choix de publier depuis la République du Congo n’est pas anodin : il souligne la place croissante de Brazzaville dans la conversation africaine sur la gouvernance et l’innovation managériale, place confortée par les initiatives gouvernementales visant à moderniser l’administration et à soutenir la compétitivité des entreprises locales.
Théorie et pratique entre Drucker et l’agilité africaine
Dès les premières pages, Ondaye-Ebauh convoque Peter Drucker, Henri Fayol et d’autres pionniers pour rappeler que la pensée managériale possède un socle universel. Toutefois, il s’empresse de nuancer cette universalité : les prescriptions élaborées dans les conglomérats américains du milieu du XXᵉ siècle nécessitent une adaptation constante aux réalités socioculturelles et démographiques du continent. L’auteur plaide ainsi pour une hybridation des modèles, où l’approche processuelle de Fayol dialogue avec l’esprit d’improvisation qui caractérise de nombreuses PME africaines. Cette mise en tension théorique s’adosse à une littérature internationale solide, mais la narration reste accessible grâce à l’infusion de récits personnels extraits de réunions de comité de crédit ou de sessions de restructuration bancaire vécues par l’auteur.
Leadership, responsabilité et quête de sens
Au fil du texte, le lecteur suit le parcours d’un cadre propulsé à des responsabilités qui excèdent parfois les descriptions de poste traditionnelles. L’auteur décrit, avec une lucidité teintée d’humour, la solitude du décideur face à la volatilité des marchés et à la pression des parties prenantes. Le manager, écrit-il, « n’est pas un théoricien en surplomb ; il est une présence active, appelée à inscrire son action dans la durée et à laisser une trace réformatrice ». L’ouvrage insiste sur la nécessité pour le dirigeant contemporain de conjuguer performance financière, cohésion du collectif et épanouissement individuel. La quête de sens, régulièrement invoquée par les nouvelles générations de salariés, n’est plus un luxe mais un impératif stratégique, surtout dans les économies émergentes où les talents hautement qualifiés sont mobiles.
Vers une gouvernance éthique et collaborative
L’essai dépasse le simple constat en formulant des propositions concrètes, inspirées des expériences de transformation déjà engagées par plusieurs institutions publiques congolaises. Ondaye-Ebauh promeut une gouvernance fondée sur l’écoute active, la transparence des indicateurs de performance et la responsabilisation graduelle des équipes. Il observe que les hiérarchies pyramidales cèdent progressivement le pas à des réseaux de compétences, plus aptes à absorber les chocs externes, qu’ils soient technologiques, sanitaires ou climatiques. Le propos résonne avec les objectifs officiels de diversification économique affichés par Brazzaville, lesquels misent sur la création d’un climat de confiance entre administration, investisseurs et société civile. Ainsi se dessine une convergence subtile entre la modernisation managériale défendue par l’auteur et le programme de réforme économique poursuivi par les autorités congolaises.
Une contribution à la diplomatie économique du Congo
Au-delà de sa portée académique, l’ouvrage participe au rayonnement diplomatique de la République du Congo. En offrant une voix africaine crédible sur les enjeux de management, il projette l’image d’un pays attentif aux meilleures pratiques internationales, et capable de produire une réflexion endogène. Dans un contexte de relance post-pandémie, où les partenaires au développement scrutent la solidité des dispositifs de gouvernance, cet essai rappelle que le capital humain et l’ingénierie organisationnelle constituent des leviers essentiels de croissance. Les diplomates en poste à Brazzaville ne manqueront pas d’y voir un outil de soft power : chaque concept, chaque anecdote de salle de conseil invite au dialogue, à l’échange de bonnes pratiques, et conforte l’idée qu’un management agile est désormais indissociable d’une politique publique tournée vers la performance et la stabilité.