Un atelier au cœur des réformes
Réunis à Brazzaville les 27 et 28 août, une cinquantaine d’experts congolais et internationaux ont examiné l’ossature du nouveau dispositif de passation des marchés publics. Les travaux, pilotés par le Programme accélérer la gouvernance institutionnelle et les réformes, ont mis la validation d’une matrice d’indicateurs au centre des débats.
L’Autorité de régulation des marchés publics, bras technique de l’État en matière d’achat public, a co-organisé l’événement. Son directeur général a salué « un moment charnière où la technicité rencontre la volonté politique », rappelant l’importance stratégique de chaque franc mobilisé pour le développement national.
Le conseiller économique et de la prospective auprès du ministre d’État, Antoine Ngakosso, a ouvert les discussions. Devant les participants, il a souligné que la modernisation du système d’acquisition est une « impérieuse exigence » pour garantir l’efficacité de l’action publique et renforcer la confiance des partenaires financiers.
L’enjeu d’une matrice d’indicateurs
Le document passé au crible condense l’approche internationale MAPS, cadre d’évaluation prisé par de nombreux bailleurs. Il doit servir de mètre étalon pour mesurer la performance du système congolais, détecter rapidement les goulots d’étranglement et proposer des corrections basées sur des preuves.
En pratique, la matrice regroupe des indicateurs quantitatifs et qualitatifs couvrant l’ensemble du cycle de la commande publique, de la planification à l’exécution des contrats. Chaque indicateur est assorti d’objectifs chiffrés, de délais de réalisation et d’acteurs clairement identifiés, afin d’éviter la dilution des responsabilités.
Une fois entérinée par le secrétariat international du MAPS, la matrice ouvrira la voie à une évaluation exhaustive. Cette étape conditionnera, à terme, l’alignement de l’aide internationale sur les procédures congolaises, permettant des gains de temps et des économies substantielles pour l’État.
Quatre piliers pour moderniser l’achat public
Le premier pilier s’intéresse au cadre législatif, réglementaire et politique. Les juristes préconisent une consolidation des textes existants, un renforcement des sanctions en cas d’irrégularités et la simplification de certaines procédures, jugées encore trop lourdes par les entreprises locales.
Le second pilier porte sur le cadre institutionnel et les capacités de gestion. Ici, la formation continue des agents, la professionnalisation des commissions d’évaluation et l’interconnexion des bases de données sont considérées comme prioritaires pour fiabiliser la chaîne de dépense publique.
Les pratiques d’acquisition constituent le troisième pilier. L’accent est mis sur la préparation rigoureuse des dossiers d’appel d’offres, la publicité électronique et l’utilisation d’outils analytiques pour détecter les offres anormalement basses, source potentielle de contentieux.
Enfin, le quatrième pilier couvre responsabilité, intégrité et transparence. Le projet prévoit la généralisation de la déclaration d’intérêts des décideurs, la publication systématique des contrats et un mécanisme de plainte accessible aux PME, afin de stimuler la concurrence loyale.
Rôle moteur du Pagir et de l’ARMP
Lancé en 2022, le Pagir vise à accélérer les réformes administratives et financières. Son coordinateur rappelle que « l’efficacité de la dépense publique est le carburant indispensable aux ambitions du Plan national de développement ». Les marchés publics, qui représentent une part substantielle du budget, en sont la pierre angulaire.
L’ARMP, institution indépendante placée sous la tutelle du Premier ministre, supervise la régulation et la formation. Durant l’atelier, elle a présenté un tableau de bord numérique permettant de suivre en temps réel l’avancement des procédures et les économies réalisées grâce aux enchères électroniques.
Les deux structures travaillent en synergie. Leur complémentarité devrait réduire les délais de passation, accroître les économies budgétaires et renforcer l’image du Congo auprès des investisseurs, selon plusieurs observateurs présents à Brazzaville.
Appui stratégique des partenaires internationaux
La Banque mondiale accompagne financièrement et techniquement cette modernisation. Son représentant à Brazzaville a rappelé que « l’intégrité des systèmes nationaux conditionne la rapidité de l’appui budgétaire ». L’institution prévoit un appui additionnel si les indicateurs MAPS démontrent les progrès escomptés.
D’autres partenaires, dont la Banque africaine de développement et l’Union européenne, ont manifesté leur intérêt pour la démarche, la considérant comme un modèle reproductible dans la région d’Afrique centrale. Les échanges ont déjà débuté pour partager outils et retours d’expérience.
Les organisations de la société civile, invitées aux discussions, voient dans la publication systématique des données d’achat une opportunité majeure pour exercer un contrôle citoyen. Le président du Conseil congolais des ONG a salué « une avancée qui ouvre la porte à un débat public informé ».
Regards croisés des parties prenantes
Le secteur privé, représenté par la Chambre de commerce, a plaidé pour une meilleure prise en compte des capacités des PME. Selon ses responsables, l’ajustement des exigences de garantie et la segmentation des lots favoriseraient la participation locale, facteur essentiel de création d’emplois.
Les experts universitaires ont mis en avant la nécessité d’un observatoire statistique de l’achat public. Alimenté par les données de la nouvelle plateforme, il pourrait orienter la recherche et guider les réformes futures. Le ministère de l’Enseignement supérieur explore des partenariats en ce sens.
Au terme des travaux, un consensus s’est dégagé : la matrice d’indicateurs constitue un pas décisif vers une gouvernance plus efficiente. Les prochaines étapes porteront sur la finalisation des outils numériques et la formation des agents, avec un suivi trimestriel pour mesurer les premiers impacts sur le terrain.