Ce qu’il faut retenir
Sur les rives du fleuve Congo, 19 centres de santé intégrés viennent d’obtenir le sésame de la certification Mavimpi Ya Mboté, scellant trois années d’expérimentation qui ont porté la performance moyenne des districts pilotes de 49 % à plus de 76 %.
L’initiative, menée par le ministère de la Santé et l’UNICEF avec l’appui de Gavi et du Canada, vise un objectif clair : garantir à chaque mère et à chaque nouveau-né un contact rapide avec un personnel formé, des intrants essentiels et des procédures d’urgence normalisées.
Une dynamique née au premier niveau de soin
Inspirée par les déclarations d’Alma-Ata et d’Astana, l’approche replace l’agent de santé communautaire au cœur de l’offre primaire, encourage la participation des familles dans le suivi prénatal et établit des tableaux de bord collaboratifs pour corriger chaque semaine les écarts de qualité observés.
De Pointe-Noire aux plateaux de la Likouala, les formations sanitaires pilotes ont introduit des séances de simulation d’accouchement, l’analyse quotidienne des décès maternels évités et la mise en réseau par radio VHF des sages-femmes référentes, générant un climat d’émulation rarement observé dans la sous-région.
Des résultats mesurés district par district
Les audits externes menés le 27 novembre par des évaluateurs indépendants révèlent une couverture vaccinale infantile en hausse de 18 points et une baisse de 35 % des complications post-natales dans les dix districts concernés, dont Makelekele, Loandjili et Mfilou.
À Brazzaville, le centre Makélékélé II affiche désormais un taux d’accouchement assisté par un personnel qualifié de 94 %, contre 62 % avant l’intervention, tandis que le temps moyen de référence obstétricale a été réduit de deux heures à quarante-cinq minutes.
Des moyens logistiques renforcés
Pour consolider ces acquis, le ministère a réceptionné deux canots rapides, quatre pick-up polyvalents et des stocks de compléments de fer, d’antibiotiques pédiatriques et de kits d’accouchement stériles, soit un investissement global de 432 millions de francs CFA financé par le budget national et des partenaires.
Les embarcations, déjà en service sur la Sangha et l’Oubangui, réduisent de moitié le délai d’évacuation des urgences obstétricales dans les localités enclavées, démontrant, selon le directeur départemental de la santé fluviale, « que l’équité d’accès est désormais une réalité concrète ».
Contexte international et partenariats
L’approche s’inscrit dans le mouvement global pour les soins de santé primaires relancé à Astana et rejoint la feuille de route du programme action accéléré sur la mortalité maternelle de l’Union africaine, dont l’échéance de réduction à 70 décès pour 100 000 naissances reste fixée à 2030.
Gavi a, de son côté, facilité l’introduction du vaccin contre le rotavirus dans les districts pilotes, tandis que le gouvernement du Canada soutient un fonds d’innovation dédié au dépistage précoce de la pré-éclampsie, donnant au Congo une visibilité accrue dans les cercles internationaux de la santé.
Scénarios pour une mise à l’échelle nationale
Trois scénarios sont aujourd’hui étudiés par les techniciens : une extension progressive district par district, un déploiement accéléré dans les zones à mortalité maternelle élevée et un modèle hybride combinant mentorat à distance et renforcement logistique centralisé, le tout adossé au budget-programme 2026-2028.
Selon la Direction générale de la planification sanitaire, l’option hybride nécessiterait 14 milliards de francs CFA sur trois ans et pourrait éviter 1 900 décès maternels supplémentaires, un ratio jugé « coûtefficace » par la Commission parlementaire des finances lors des débats budgétaires d’octobre.
Le point économique et social
Chaque franc investi dans les soins maternels génère en moyenne neuf francs de productivité, rappelle une étude conjointe Banque mondiale-Université Marien-Ngouabi, laquelle chiffre à 0,6 point de PIB le gain potentiel si la couverture Mavimpi Ya Mboté atteignait 90 % d’ici 2030.
Pour les ménages, la réduction des frais d’évacuation et des achats de médicaments hors ordonnance représente une économie annuelle estimée à 35 000 francs CFA par famille, soit l’équivalent d’un mois de scolarité secondaire, ce qui explique l’adhésion observable dans les communautés.
Et après ?
Le ministre de la Santé, Gilbert Mokoki, a annoncé qu’un comité conjoint gouvernement-UNICEF remettra en février un plan chiffré assorti d’indicateurs trimestriels, intégrant la télé-expertise pédiatrique et un module d’intelligence artificielle pour prédire les pics de paludisme pendant la saison des pluies.
Mariavittoria Ballotta, représentante de l’UNICEF, insiste : « Les témoignages de mères confirmant que leur enfant a survécu grâce au protocole Mavimpi Ya Mboté prouvent que l’approche est prête à franchir le dernier kilomètre ». Un message relayé par plusieurs influenceurs de la diaspora congolaise sur les réseaux sociaux.
Soutenue par des indicateurs solides, une volonté politique affichée et l’engagement constant des partenaires, la démarche pourrait faire de la République du Congo une référence sous-régionale en matière de soins maternels et infantiles, ouvrant la voie à de nouvelles collaborations transfrontalières au sein de la CEMAC.
À court terme, les équipes entendent documenter la satisfaction des usagers grâce à un outil mobile de collecte anonyme, tandis que les facultés de médecine de Brazzaville et de Pointe-Noire intégreront dès la rentrée prochaine un module Mavimpi Ya Mboté dans le cursus des sages-femmes.
