L’adoption sénatoriale, un signal diplomatique
Le 2 août, dans l’hémicycle feutré du Palais du Peuple, les sénateurs congolais ont voté à l’unanimité la loi autorisant la ratification de la Convention portant création de l’Organisation internationale pour la médiation. Si l’acte paraît technique, le geste revêt une portée symbolique forte : il inscrit la République du Congo dans la dynamique d’une diplomatie de prévention des conflits encouragée par l’Organisation des Nations unies depuis l’article 33 de sa Charte. « La médiation, par essence, préserve la souveraineté des États tout en favorisant des solutions mutuellement acceptables », a rappelé le ministre de la Coopération internationale et du Partenariat public-privé, Denis Christel Sassou Nguesso, devant la Chambre haute.
Un pas décisif vers une diplomatie préventive
En rejoignant les trente-trois premiers signataires de la Convention, Brazzaville consolide un positionnement historique : celui d’un État promoteur du règlement pacifique, déjà illustré par ses engagements au sein de l’Union africaine ou du Conseil de paix et de sécurité de l’ONU. Le futur organisme offrira une plateforme permanente où les différends, qu’ils soient étatiques, transnationaux, commerciaux ou entre investisseurs et États, pourront être désamorcés avant de se transformer en contentieux. Cette approche, inspirée du principe de subsidiarité chère aux praticiens du droit international, devrait contribuer à désengorger les juridictions régionales et internationales tout en redonnant de la souplesse aux négociations diplomatiques.
Les ressorts juridiques de la nouvelle architecture
La Convention érige une structure tripartite : un conseil d’administration formé des États membres, un secrétariat général chargé de la gestion quotidienne et des organes consultatifs composés d’experts. Elle s’appuie sur des principes classiques : égalité souveraine, non-ingérence, bonne foi, coopération loyale. Le mécanisme n’a pas vocation à remplacer les cours d’arbitrage existantes ; il intervient en amont, à la manière d’un sas de désescalade, pour favoriser des solutions consensuelles et moins coûteuses. Interrogé sur d’éventuels chevauchements avec la Cour commune de justice et d’arbitrage de l’OHADA, le ministre a précisé que la médiation « constitue un rempart préventif plutôt qu’une concurrence procédurale ».
Brazzaville et le multilatéralisme pragmatique
Pour la diplomatie congolaise, cette ratification s’inscrit dans une logique de multilatéralisme pragmatique. Au-delà du discours de principe, le Congo entend renforcer son image de partenaire fiable, capable de faciliter des compromis dans une Afrique centrale parfois marquée par la volatilité géopolitique. Les ambassadeurs accrédités à Brazzaville y voient déjà une opportunité de « soft power juridictionnel », apte à attirer conférences et séminaires sur le règlement pacifique, tout en positionnant la capitale congolaise comme hub de médiation sur le continent.
Des retombées attendues pour les acteurs économiques
La portée de la Convention n’est pas que diplomatique. Dans un contexte où les investissements directs étrangers réclament sécurité juridique et rapidité de règlement, l’institutionnalisation d’un outil de médiation internationale rassure les entreprises. Les litiges liés aux partenariats public-privé, aux concessions minières ou aux infrastructures pourront trouver un terrain d’entente sans cristalliser d’hostilité. En filigrane, c’est la compétitivité de l’environnement des affaires congolais qui se trouve consolidée, conformément aux priorités du Plan national de développement 2022-2026.
Entre complémentarité et souveraineté judiciaire
Certains observateurs redoutaient une dilution des compétences nationales au profit d’une instance internationale. Le texte, pourtant, veille à préserver la latitude des juridictions congolaises : la médiation n’est déclenchée qu’avec l’assentiment explicite des parties et ne produit d’effet obligatoire qu’une fois l’accord homologué par les tribunaux compétents. Cette articulation garantit à la fois la dimension consensuelle du processus et la primauté de la souveraineté judiciaire, répondant ainsi aux inquiétudes de juristes attachés à l’indépendance de l’ordonnancement interne.
Perspectives régionales et place de l’Afrique centrale
Alors que l’Union africaine promeut depuis 2020 le « silence des armes », la mobilisation autour de la médiation trouve un écho particulier en Afrique centrale. Libreville, Yaoundé ou Kinshasa ont déjà manifesté leur intérêt. La constitution d’un réseau d’experts locaux, formés aux standards internationaux, favoriserait la résolution de crises électorales ou frontalières avant qu’elles ne requièrent l’engagement de forces régionales. Pour le Congo, la Convention offre un levier supplémentaire afin de consolider son rôle de médiateur, rôle déjà mis en lumière lors des pourparlers inter-libyens de Brazzaville en 2014.
Renforcer la paix par la médiation, un pari mesuré
En sanctionnant la ratification, les sénateurs congolais réitèrent le choix d’une diplomatie de responsabilité. L’adhésion n’efface pas les défis structurels susceptibles de nourrir les conflits : disparités socio-économiques, pressions climatiques, compétition pour les ressources. Mais elle fournit un instrument supplémentaire pour y répondre sans que la logique judiciaire ne prenne le pas sur la recherche de compromis. Reste à pourvoir l’organisation en ressources humaines qualifiées et à veiller à l’équilibre géographique de sa gouvernance. À l’heure où le multilatéralisme traverse des turbulences, la démarche de Brazzaville rappelle qu’une « petite » puissance régionale peut apporter sa pierre à l’édifice de la paix en misant sur l’outil humble, mais souvent décisif, de la médiation.