Un palmarès hors norme en quête de renouveau
Depuis la création de la Coupe d’Afrique des nations féminine en 1991, le Nigéria a bâti une hégémonie quasi mystique : neuf titres, quarante-huit victoires en soixante-et-une rencontres et une réputation qui a longtemps découragé la concurrence. Pourtant, la quatrième place concédée en 2022, la plus faible jamais enregistrée par les Super Falcons, a rappelé que la domination n’est jamais éternelle. L’écosystème continental a mûri, l’Afrique du Sud et la Zambie ont élevé leurs standards de préparation, et l’ombre d’une décélération plane sur le géant ouest-africain. Cette prise de conscience nourrit aujourd’hui la détermination d’une équipe qui veut démontrer que, malgré l’érosion apparente de son invincibilité, son ADN victorieux demeure intact.
L’effet « Mission X » sur un vestiaire recomposé
Nommé sélectionneur intérimaire en septembre dernier, Justin Madugu assume la lourde succession de Randy Waldrum avec une approche mêlant continuité et transition générationnelle. Asisat Oshoala, six fois Ballon d’or africain, et Francisca Ordega, quadruple vainqueur de la compétition, côtoient ainsi les révélations de la Coupe du monde 2023 comme Chiamaka Nnadozie ou Rasheedat Ajibade. Près de la moitié des finalistes de 2022 ont pourtant disparu de la liste, signe d’un chantier encore ouvert qu’admet sans détour le technicien. Rebaptisée « Mission X », la quête d’un dixième sacre est érigée en mantra, censé galvaniser les débutantes comme rappeler aux cadres l’urgence de transmettre la culture du titre.
Les rivales africaines resserrent l’écart compétitif
La récente montée en puissance de nations jusque-là considérées comme outsiders oblige le Nigéria à réviser ses certitudes. L’Afrique du Sud, championne sortante, a posé les jalons d’un projet fédéral cohérent. La Zambie, forte de son bronze en 2022, bénéficie d’un réservoir offensif redoutable. Quant au Maroc, pays hôte, il capitalise sur l’effet Coupe du monde 2022 et sur d’importants investissements dans le football féminin. Ainsi, si les Super Falcons conservent le rang symbolique de numéro un africain au classement mondial, l’intervalle technique et tactique s’est nettement réduit. Pour Madugu, la clé consistera à transformer la pression historique en avantage psychologique, sans sous-estimer des adversaires désormais capables d’imposer des séquences de possession et une discipline défensive dignes des standards européens.
Turbulences administratives et résilience des joueuses
En dehors du rectangle vert, la sélection nigériane affronte des vents contraires récurrents : primes impayées, logistique approximative et conflits ouverts avec la Fédération. À l’issue de la Coupe du monde 2023, où les coéquipières de Nnadozie avaient poussé l’Angleterre aux tirs au but, plusieurs différends financiers demeuraient non réglés. Cette adversité chronique, loin de fracturer le groupe, a paradoxalement nourri une solidarité interne. « L’adversité nous rend plus fortes », confiait récemment Michelle Alozie à la presse américaine (BBC Sport). La technicité individuelle se double ainsi d’un ressort mental forgé dans la contestation, condition sine qua non pour négocier les phases à élimination directe où la marge d’erreur se réduit à la portion congrue.
Calendrier et enjeux diplomatiques d’une CAN au Maroc
Le Nigéria ouvrira sa campagne le 6 juillet face à la Tunisie, avant d’enchaîner contre le Botswana le 10 juillet puis l’Algérie le 13 juillet. Au-delà du strict résultat sportif, la présence des Super Falcons constitue un marqueur d’influence régionale pour Abuja : chaque succès nourrit la diplomatie du soft power que le pays projette sur le continent. Dans un contexte où les sommets de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest se penchent sur la place des femmes et de la jeunesse dans la gouvernance, la visibilité d’une équipe féminine championne potentialise un discours d’autorité culturelle sans équivalent. Une dixième couronne, inédite, conforterait cette posture, tout en offrant à une population en proie à des défis sécuritaires et économiques un rare instant d’unité nationale. Telle est, en définitive, la véritable portée de « Mission X » : un enjeu bien plus large qu’une simple étoile de plus sur un maillot.