Ce qu’il faut retenir
Cinq cent familles autochtones de Moufilou bénéficient depuis septembre d’un programme d’accompagnement inédit. Porté par la ministre Irène Marie-Cécile Mboukou-Kimbatsa, le dispositif combine allocations Telema, formation et accès aux services de base pour bâtir un modèle national d’inclusion.
La phase pilote s’appuie sur des partenaires de poids, du Programme alimentaire mondial à un consortium canadien. Étalé sur quatorze mois, le projet finance micro-entreprises, kits scolaires et couverture santé, avec un volet data destiné à guider les futures politiques publiques.
Contexte : la persévérance congolaise en matière d’inclusion
Depuis l’adoption en 2011 de la loi portant promotion et protection des peuples autochtones, le Congo-Brazzaville s’est forgé une réputation de pionnier continental. Cette législation consacre l’accès à l’éducation, à la santé et à l’emploi, tout en prohibant toute forme de discrimination.
Le premier Congrès mondial des peuples autochtones et des communautés locales, tenu à Brazzaville en mai, a hissé la « Déclaration de Brazzaville » au rang de référence internationale. Cette dynamique externalise la vision nationale et conforte les investisseurs sur la stabilité réglementaire.
La Lekoumou, riche en forêts et en gisements de fer, demeure toutefois marquée par des poches de pauvreté qui touchent d’abord les communautés pygmées. Selon le ministère du Plan, six enfants autochtones sur dix n’achèvent pas le cycle primaire, un défi majeur d’inclusion.
Les enquêtes du Centre national de la statistique et des études économiques estiment le taux de pauvreté monétaire à 64 % chez les autochtones, contre 37 % pour la moyenne nationale. L’écart s’explique par l’isolement géographique et la faible scolarisation, deux facteurs au cœur du projet pilote.
Les contours du projet pilote de Moufilou
Le dispositif s’articule autour de trois composantes. La première livre une aide monétaire conditionnée à la scolarisation et aux consultations prénatales. La seconde installe un centre d’apprentissage artisanal où charpente, vannerie et mécanique vélo sont enseignées avec un outillage neuf.
La troisième composante renforce le plateau sanitaire local. Un dispensaire mobile, doté par le PAM, parcourt déjà les campements pour les vaccinations et les consultations de nutrition. Les ONG partenaires testent une application hors-ligne permettant de tracer les dossiers médicaux malgré l’absence de réseau.
Un comité de pilotage participatif, où siègent chefs de clans et autorités locales, valide les micro-projets et suit les indicateurs. « Nous voulons éviter le syndrome des programmes importés », insiste Léon Mavoungou, directeur départemental des affaires sociales, soulignant la co-gestion comme gage de durabilité.
Le point juridique/éco : une loi pionnière et des financements innovants
Sur le plan légal, la Loi 5-2011 impose aux institutions publiques d’intégrer un quota d’agents autochtones. Elle exempte également les micro-entreprises tenues par des populations pygmées de certaines taxes les deux premières années. Le projet exploite ces dispositions pour réduire le coût de lancement.
Côté finances, l’enveloppe de 1,2 million de dollars provient d’un reliquat du crédit IDA alloué au projet Telema, complété par 200 000 dollars du programme canadien Voix et Leadership. Une clause de résultat prévoit un décaissement additionnel si 70 % des familles franchissent le seuil de pauvreté extrême.
Selon la Banque mondiale, chaque dollar investi dans l’enseignement primaire des autochtones génère jusqu’à trois dollars de revenu futur. Cet argument économique alimente l’adhésion des élus, d’autant que la diversification post-pétrole demeure une priorité du Plan national de développement 2022-2026.
Scénarios : quels impacts à douze mois ?
Le scénario optimiste table sur la création de 150 micro-entreprises et le maintien de 95 % des enfants au primaire dès la fin 2024. Les projections s’appuient sur des données collectées via KoboToolbox, agrégées sur une carte interactive mise en ligne par la Direction générale des statistiques.
Un scénario intermédiaire envisage un taux de réussite de 60 % pour l’insertion professionnelle, avec un risque de décrochage si le marché local sature. Les experts du PAM recommandent d’identifier très tôt des débouchés régionaux, notamment vers Sibiti et Dolisie, desservis par la route nationale.
Le scénario prudent, enfin, alerte sur les aléas climatiques. Les fortes pluies attendues entre octobre et janvier pourraient retarder la livraison des kits agricoles. Une carte de vulnérabilité climatique, élaborée avec l’Agence spatiale européenne, guide déjà le choix des parcelles potagères résistantes aux inondations.
Et après ? Vers un modèle national d’inclusion
Si les indicateurs s’avèrent concluants, le ministère prévoit d’étendre le modèle à 22 autres districts d’ici 2026, en priorisant les zones frontalières où la mobilité traditionnelle des peuples forestiers complique l’accès aux services publics. Un budget prévisionnel de dix millions de dollars est évoqué.
Un partenariat avec l’Agence nationale de l’état civil prévoit également de doter chaque bénéficiaire d’un acte de naissance numérisé. Cette avancée administrative facilitera l’ouverture de comptes bancaires et l’inscription au lycée, verrou essentiel pour rompre le cercle de l’exclusion.
À Moufilou, la ministre Mboukou-Kimbatsa martèle que « l’inclusion n’est pas une faveur, c’est un droit ». L’écho rencontré auprès des partenaires internationaux illustre la confiance placée dans la gouvernance congolaise. Pour les familles pygmées, le pari est simple : transformer cet engagement en quotidien durable.
