Une enquête-statisticienne au service de la santé publique
L’Institut National de la Statistique a inauguré, le 20 juin 2025, la première session ordinaire du Comité de pilotage de l’EDSC-III, confirmant la volonté de l’exécutif congolais de disposer de données démographiques et sanitaires à la précision désormais comparable aux standards internationaux. Conduite sous la houlette du Directeur de cabinet du ministre de l’Économie, la réunion a entériné un calendrier exigeant qui fait de la statistique un levier central d’anticipation des politiques sociales, en particulier dans la lutte contre le paludisme et le VIH. Les tests biologiques intégrés pour la première fois à l’enquête élargissent en effet le champ analytique bien au-delà des indicateurs classiques de fécondité ou de mortalité infantile.
Un partenariat financier et technique pluriel
Cette troisième édition bénéficie d’un montage financier inédit. Le Fonds mondial, via Catholic Relief Services, et la Banque mondiale, à travers les projets KOBIKISSA et HISWACA, mobilisent des ressources qui soulignent la confiance internationale accordée aux autorités congolaises. Dans un contexte où la santé est de plus en plus appréhendée comme un bien public mondial, la convergence d’acteurs multilatéraux et confessionnels atteste d’une diplomatie de la santé maîtrisée par Brazzaville. L’assistance technique de l’International Coaching Federation parachève l’architecture d’une enquête qui conjugue souveraineté nationale et expertise globale, un équilibre salué par plusieurs observateurs onusiens comme « une configuration exemplaire de gouvernance partagée ».
Cap sur le terrain : logistique et capital humain
Au-delà des salons ministériels, l’EDSC-III s’incarne dans un déploiement logistique méticuleux. Les cartographes, formés depuis fin mai, sillonnent déjà les treize départements, munis de tablettes géoréférencées et de guides actualisés grâce aux observations du pré-test achevé le 31 mai 2025. De Pointe-Noire à Ouésso, ils identifient ménage après ménage les unités statistiques qui serviront d’échantillon. L’effort est colossal : plus de 15 000 kilomètres parcourus, 300 équipes supervisées quotidiennement, sans oublier la chaîne du froid indispensable à la conservation des réactifs pour les prélèvements sanguins. Le recrutement, désormais finalisé, de plus de 500 enquêteurs garantit, selon le responsable logistique de l’INS, « un maillage territorial suffisant pour réduire la marge d’erreur en deçà de 5 % ». L’ambition est claire : livrer des données dont la fiabilité nourrira aussi bien les programmes de vaccination que les négociations budgétaires au Parlement.
Quelle valeur ajoutée pour les décideurs ?
La valeur stratégique de l’EDSC-III dépasse le seul registre sanitaire. Ses indicateurs alimenteront la préparation du prochain Plan national de développement ainsi que les rapports périodiques adressés à l’Union africaine et aux agences onusiennes. Les premières simulations laissent entrevoir un recalibrage des investissements dans la santé communautaire, avec une possible réallocation vers les zones forestières où la prévalence du paludisme demeure persistante. Pour Koumba Mawawa, consultante indépendante auprès de la Banque mondiale, « disposer d’estimations robustes de la malnutrition chronique permettra d’articuler plus finement les volets agriculture, genre et résilience climatique ». L’enquête contribuera ainsi à la diplomatie budgétaire du Congo, en apportant des arguments chiffrés aux tables rondes de bailleurs et en renforçant la crédibilité déjà obtenue lors de l’adhésion à l’initiative Global Financing Facility.
Perspectives régionales et diplomatiques
Dans la sous-région d’Afrique centrale, le Congo s’illustre avec cette opération comme un laboratoire statistique dont l’impact s’étendra au-delà de ses frontières. Le partage prévu des protocoles méthodologiques avec la Communauté économique des États de l’Afrique centrale nourrit l’idée d’une convergence sanitaire régionale, chère aux chefs d’État depuis la crise de la Covid-19. Par ricochet, la réussite de l’EDSC-III confèrera à Brazzaville un capital politique supplémentaire dans les négociations sur la couverture sanitaire universelle. La boucle est vertueuse : des données mieux sourcées débouchent sur des politiques plus performantes, lesquelles, une fois évaluées, renforcent la confiance des partenaires techniques et financiers. Le président Denis Sassou Nguesso, rappelant récemment la « primauté de la donnée sur la conjecture », inscrit ainsi sa diplomatie dans une temporalité où la rationalité statistique devient instrument de stabilité et de projection internationale.
L’enquête, pierre angulaire d’une planification éclairée
À terme, la publication des résultats, attendue pour fin 2026, devrait orienter la cartographie des priorités sanitaires, de la stratégie nationale de lutte contre le VIH à l’extension des mutuelles de santé rurales. La communauté diplomatique, attentive à la cohérence entre engagements internationaux et réalités nationales, y trouvera un référentiel solide pour l’évaluation conjointe des Objectifs de développement durable. En arrimant la collecte de données à une vision de long terme, le Congo confirme son positionnement d’acteur responsable et ambitionne de transformer la statistique en vecteur de compétitivité dans un environnement global de plus en plus guidé par l’évidence scientifique.