Une solennité pentecostale à haute valeur symbolique
Le 8 juin 2025, Pointe-Noire a laissé résonner les cloches d’un double anniversaire : la solennité de la Pentecôte et le jubilé d’or de la paroisse Saint-Esprit de Mpaka. Cinquante ans après la pose de la première pierre, l’édifice spirituel du troisième arrondissement Tié-Tié jouit d’un ancrage populaire incontestable. À l’heure où nombre de capitales s’interrogent sur l’articulation entre foi et cohésion sociale, la célébration conduite par Mgr Abel Liluala rappelle que le Congo-Brazzaville continue de puiser dans son héritage chrétien les ressorts d’une unité vigilante.
Trois nouvelles voix sacerdotales pour une Église en expansion
Au cœur de la liturgie, l’archevêque métropolitain a imposé les mains sur les pères Borjalvin Dalbertone Sila, Céti Césaire Bantsimba Moukanzan et Crisvel Guelor Koukouikila. Avec ces ordinations, la Congrégation du Saint-Sacrement confirme sa vitalité dans le territoire national, joignant le souffle missionnaire à la modernité pastorale. « Soyez disciples avant d’être ministres », a rappelé Mgr Liluala, exploitant l’exégèse de Jean 14 pour souligner la responsabilité des nouveaux prêtres dans l’édification d’une société pacifiée. Dans un pays où se côtoient divers cultes, l’accroissement du clergé catholique représente un capital humain au service du dialogue interreligieux.
Présences civiles et militaires, signe d’une synergie institutionnelle
Les bancs réservés aux autorités civiles et militaires de Tié-Tié témoignaient d’une volonté de collaboration sans équivoque. Dans l’imaginaire congolais, l’Église demeure un acteur historique de médiation, apte à canaliser les aspirations locales vers l’intérêt général. En honorant l’invitation, les représentants de l’administration rappellent qu’un partenariat respectueux entre sphère publique et structures confessionnelles peut renforcer les fondamentaux républicains. Un officier supérieur confiait en aparté que « la stabilité d’une nation se nourrit d’abord de la stabilité de ses consciences ». Le message, discret mais limpide, salue la contribution pastorale à la sécurité collective.
Soft power religieux et rayonnement régional
Sous les voûtes récemment rénovées, on distinguait des délégations venues de Brazzaville, de la République Démocratique du Congo et même de la diaspora européenne. Au-delà de la ferveur, l’événement agit comme une vitrine de la diplomatie religieuse congolaise : capacité à rassembler, à rayonner, à exporter un discours de paix. Cette forme de soft power, longtemps sous-estimée, sert aujourd’hui l’image d’un État soucieux de promouvoir une gouvernance apaisée. La présence de Mgr Miguel Angel Ollaverri, archevêque émérite, ajoute une touche internationale à la liturgie, entrelacée d’espagnol et de lingala.
Le discours pastoral, catalyseur de cohésion
En s’appuyant sur la métaphore du feu pentecostal, l’archevêque a insisté sur la filiation, la liberté intérieure et la mémoire vivante du Christ. Ces thématiques résonnent particulièrement dans un contexte où la jeune génération aspire à conjuguer modernité numérique et racines communautaires. La dimension mémorielle – « l’Esprit nous visite » – renvoie aussi aux pages parfois tourmentées de l’histoire nationale. Or, plutôt que de les occulter, l’homélie invite à sublimer le passé pour consolider le futur, posture alignée sur la politique de réconciliation promue par les autorités.
Un modèle de solidarité locale
Sitôt franchi l’Amen final, les prêtres originaires de Mpaka ont remis une enveloppe destinée à la construction d’une nouvelle chapelle. Le geste peut paraître anecdotique ; il symbolise toutefois la subsidiarité qui irrigue les communautés ecclésiales de base. Les fidèles, exhortés par le président du Conseil pastoral, se projettent déjà vers les prochains défis : cadre liturgique adapté à l’accroissement de la population, programmes de catéchèse, actions sociales ciblées. Là encore, l’Église agit comme relai des ambitions de développement local portées par les autorités municipales.
Paroles de remerciement et continuité du charisme eymardien
Au nom des ordinands, le père Borjalvin Dalbertone Sila a remercié « Dieu, l’Église et la nation qui nous a vus grandir ». Dans le même souffle, le père Jean-De-Dieu Passy a appelé à imiter le Christ via la règle de vie de saint Pierre-Julien Eymard, apôtre de l’Eucharistie et de la fraternité. Cette évocation du fondateur rappelle l’inscription de la Congrégation dans la longue durée et sa compatibilité avec les orientations stratégiques du pays, en particulier la promotion d’une citoyenneté responsable et solidaire.
Une Pentecôte qui nourrit la diplomatie intérieure
En définitive, l’anniversaire de la paroisse Saint-Esprit de Mpaka dépasse le cadre strict de la liturgie. Il illustre la place que le tissu religieux tient dans l’architecture de la paix nationale, dans la projection d’un leadership serein et dans l’affirmation d’un Congo-Brazzaville confiant dans ses ressorts culturels. Alors que les projecteurs internationaux se focalisent volontiers sur les indicateurs macroéconomiques, l’événement rappelle qu’il existe un capital immatériel, fait de ferveur et de solidarité, qu’aucun tableau statistique ne saurait pleinement saisir.