Situation sanitaire du chef de l’État centrafricain
Le déplacement précipité du président Faustin-Archange Touadéra, le 21 juin, vers un centre hospitalier de Bruxelles a suscité une effervescence immédiate à Bangui. Officiellement, son entourage évoque une « intervention digestive planifiée ». Officieusement, plusieurs sources médicales parlent d’une occlusion liée à une tumeur avancée.
Admis à l’Hôpital Delta, le chef de l’État a été suivi par le Dr Serge Landen, spécialiste belge réputé. Selon un diplomate présent, « le protocole thérapeutique est complexe, car le président cumule diabète, hypertension et obésité ». Aucun bulletin officiel n’a encore précisé son temps de convalescence.
Enjeux institutionnels autour de la vice-présidence
Sa fragilité physique fait resurgir la question cruciale de la continuité de l’exécutif, d’autant que la Constitution de 2023 a innové avec la création d’un poste de vice-président. Cette fonction, nommée mais non élue, est chargée d’assurer l’intérim en cas de vacance du pouvoir.
Le président a sollicité plusieurs proches pour occuper ce fauteuil stratégique. Simplice Mathieu Sarandji, actuel président de l’Assemblée nationale, a décliné, préférant « préserver l’équilibre des pouvoirs ». Sa décision rallonge le suspense alors que la campagne présidentielle doit officiellement s’ouvrir dans moins de quatre mois.
Rivalités d’acteurs internes et externes
Dans les couloirs du Palais de la Renaissance, le nom d’Hassan Bouba, ex-chef rebelle bénéficiant d’appuis russes, circule avec insistance. L’éventualité d’une telle nomination crispe plusieurs ministres, soucieux de maintenir l’influence française et l’aide budgétaire de l’Union européenne, toujours sensibles aux signaux démocratiques.
Autour du président, les conseillers insistent sur un critère intangible : la loyauté personnelle. « Le vice-président devra protéger le bilan sécurité-énergie du mandat », confie un membre du cabinet. Cette priorité répond aux engagements pris avec les partenaires russes, chinois et congolais pour sécuriser les routes minières.
Question complexe de la nationalité présidentielle
Parallèlement à la bataille institutionnelle, la question de la nationalité d’origine du chef de l’État ressurgit. L’article 82 de la Constitution exige que tout prétendant soit né de parents centrafricains. Or, la filiation paternelle de Faustin-Archange Touadéra reste officiellement non documentée depuis son accession au pouvoir en 2016.
Le silence de la présidence alimente les conjectures. Dans l’opposition, Anicet Georges Dologuélé réclame « une transparence totale sur l’acte de naissance ». Des diplomates ougandais rappellent que la controverse, si elle perdure, pourrait susciter des recours pré-électoraux devant la Cour constitutionnelle, avec un effet paralysant pour l’administration.
Pour ses partisans, la polémique relève d’une campagne de déstabilisation. « Le président n’a jamais renoncé à sa centrafricanité », assure le ministre de la Communication, Serge Guérette. Toutefois, aucune pièce d’état civil n’a été produite jusque-là, laissant à chacun le soin d’interpréter le vide documentaire.
Impact sur la campagne électorale
Ces incertitudes nourrissent une atmosphère électrique dans la capitale. Les affiches de campagne, déjà installées sur l’avenue Koudoukou, présentent un président souriant, tandis que les réseaux sociaux débordent de rumeurs. Les partenaires économiques, dont la Banque mondiale, surveillent l’évolution, craignant un ralentissement des chantiers d’infrastructures routières.
Chez certains bailleurs, la santé du chef de l’État conditionne la signature de nouveaux décaissements. Un fonctionnaire européen souligne que « l’imprévisibilité politique augmente la prime de risque pays ». Le Trésor centrafricain, fragile, a donc intérêt à clarifier rapidement la succession pour éviter un renchérissement du service de la dette.
Perspectives régionales et diplomatiques
Dans la sous-région, les chancelleries observent avec prudence. Le Congo-Brazzaville, médiateur traditionnel, multiplie les messages de soutien sans s’immiscer. « La stabilité chez nos voisins demeure une priorité commune », confie un diplomate congolais, insistant sur la nécessité de préserver les corridors logistiques vers le port de Pointe-Noire.
À Moscou, des responsables du groupe paramilitaire Wagner suivent la situation, conscients que leur statut en Centrafrique dépend de la continuité politique. Pékin, pour sa part, souhaite sécuriser ses investissements miniers et a proposé une assistance médicale, selon un câble diplomatique, proposition poliment déclinée par Bangui pour l’instant.
Washington et Paris, après avoir pris acte de l’hospitalisation, insistent sur un processus électoral inclusif. L’ONU, dont la MINUSCA reste déployée, redoute qu’un vide institutionnel ne rouvre des fronts armés dans l’est. Les forces de sécurité, renforcées par des instructeurs russes, affichent néanmoins une présence accrue à Bangui.
Scénarios de sortie de crise
Plusieurs scénarios se dessinent désormais. Le premier miserait sur un retour rapide du président, lui permettant d’engager une campagne éclair et de nommer un vice-président de confiance. Le second verrait l’intérim confié au président de l’Assemblée, ouvrant une compétition sourde entre factions militaires et civiles.
Un troisième scénario, moins évoqué publiquement, serait le report du scrutin sous couvert de force majeure sanitaire. Une telle option satisferait certains bailleurs de fonds sécuritaires, mais heurterait la société civile, mobilisée depuis décembre pour réclamer des élections dans les délais constitutionnels.
Quelle que soit l’issue, l’épisode rappelle que la santé d’un dirigeant reste un élément stratégique. À court terme, la transparence sur l’état du président Touadéra et sur ses racines familiales apparaît comme la clé pour désamorcer la crise. Faute de quoi, Bangui pourrait vivre une séquence d’incertitude prolongée.
