La nationalisation de SOMAIR : un acte de souveraineté
Le 19 juin 2025, le Conseil des ministres du Niger annonçait la nationalisation de la Société des mines de l’Aïr (SOMAIR), dont la majorité des actions étaient détenues par l’entreprise française Orano. Cette initiative, perçue comme un geste audacieux de souveraineté nationale, est accompagnée d’une prise de contrôle intégrale par l’État nigérien, invoquant une gestion plus saine et durable des richesses minières du pays.
Contexte et tensions géopolitiques
Cette décision intervient dans un climat tendu entre le Niger et la France, exacerbée depuis le coup d’État du 26 juillet 2023 qui a vu l’accession au pouvoir des militaires. Depuis cet événement, les relations se sont détériorées, avec Paris condamnant le changement de pouvoir et appelant à la restauration de l’ordre constitutionnel. Ce conflit politique n’a cessé d’alimenter une méfiance croissante à l’égard des intérêts étrangers et en particulier français dans le secteur minier.
Orano est accusée par le Niger de plusieurs actes défavorable, dont le désengagement des ressortissants français des opérations de SOMAIR et la déconnexion du système informatique du réseau international du groupe. Ces actions ont contribué à l’accumulation de griefs contre l’entreprise française, motivant la nationalisation.
Réactions et perspectives juridiques
La réponse d’Orano ne s’est pas fait attendre ; la société conteste la nationalisation devant le Centre International pour le Règlement des Différends relatifs aux Investissements (CIRDI), soulignant que cette décision unilatérale nuit à ses droits et menace ses intérêts commerciaux. Elle affirme également la prise d’actions juridiques internationales contre le Niger, prévoyant de défendre fermement ses prétentions sur les réserves d’uranium.
Les procédures juridiques en cours illustrent le conflit en cours entre l’affirmation de la souveraineté nationale du Niger et les intérêts des multinationales. La situation complexe du pays, marquée par une crise économique exacerbée par les tensions politiques internationales, a poussé le gouvernement à rejoindre d’autres pays de la région dans une dynamique similaire de nationalisation des ressources naturelles.
L’Alliance des États du Sahel : un bloc en gestation
Le Niger, en développant l’idée de nationalisation, s’aligne avec le Burkina Faso et le Mali, pays également conduits par des juntes militaires ayant opté pour une gestion souveraine de leurs ressources minières. Face à l’hostilité de la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), ces nations ont décidé de former l’Alliance des États du Sahel (AES), affirmant un cadre de coopération axé sur le contrôle et l’exploitation directe de leurs richesses naturelles.
Ces stratégies de nationalisations représentent des actes de défiance mais aussi de pragmatisme économique, cherchant à minimiser la dépendance aux opérateurs étrangers et à maximiser les bénéfices économiques directs pour les populations locales, malgré les risques d’isolement sur la scène internationale.
Implications économiques et géopolitiques de la nationalisation
Cette vague de nationalisations soulève des questions cruciales quant à la gouvernance des ressources naturelles et à l’interaction entre les pouvoirs étatiques et les multinationales. Les implications économiques restent complexes, avec des bénéfices immédiats pour les pays au niveau de la souveraineté et du contrôle des richesses, mais posent également la question de la capacité de ces États à assumer seuls la gestion et l’exploitation de ces ressources face à un manque potentiel d’expertise technique et financière.
Le paysage géopolitique de la région sahélienne se redessine ainsi, mettant en avant les intérêts stratégiques inhérents à la possession des ressources naturelles critiques comme l’uranium. Au-delà des enjeux économiques, ces choix politiques reflètent la volonté affirmée des gouvernements militaires de marquer leur indépendance et d’affirmer leur légitimité sur la scène internationale.