Ce qu’il faut retenir
Ce qu’il faut retenir : Près de 15 000 écoles fermées d’Abuja à Bamenda, plus de trois millions d’enfants privés de classe, risques accrus de violences et de mariages précoces ; la crise éducative liée aux conflits atteint un seuil critique en Afrique de l’Ouest et centrale.
Contexte sécuritaire régional
Selon le dernier rapport conjoint de l’ONU, de l’Unicef et du Norwegian Refugee Council, l’essentiel des fermetures se concentre au Nigeria et au Cameroun, deux pays dont les foyers d’insécurité chronique repoussent sans cesse la réouverture d’établissements essentiels à la cohésion sociale.
Des campagnes militaires contre Boko Haram dans le nord-est nigérian aux tensions séparatistes dans les régions anglophones camerounaises, la violence déplace familles et enseignants, détruit infrastructure et entrave les objectifs de développement durable fixés pour 2030.
Nigeria, épicentre de la crise éducative
Nigeria : Dans l’État de Zamfara, presque chaque collège rural a fermé après une série d’enlèvements collectifs. Le ministère fédéral de l’Éducation souligne que 497 écoles restent verrouillées, soit plus d’un million d’élèves touchés, un record inédit depuis l’insurrection de 2009.
« Nous assistons à une paralysie éducative qui sape les fondements de la stabilité à long terme », alerte Toby Fricker, porte-parole de l’Unicef, rappelant que chaque fermeture prolongée accroît la probabilité d’un décrochage définitif des adolescents les plus pauvres.
Cameroun, l’éducation anglophone à l’arrêt
Cameroun : dans les départements du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, plus de 80 % des écoles publiques sont à l’arrêt. À Bamenda, certains établissements servent de casernement improvisé, d’autres ont été incendiés, forçant 600 000 écoliers à suivre des cours irréguliers en ligne ou en foyer d’accueil.
« Derrière chaque porte de classe close se cache un enfant portant des cicatrices invisibles », confie Hassane Hamadou, directeur régional du NRC, soulignant les conséquences psychosociales de la peur permanente et de la rupture des routines scolaires.
Risques humanitaires et économiques majeurs
Les adolescentes paient le prix le plus lourd : mariages précoces, grossesses non désirées et violences basées sur le genre se multiplient dans les secteurs miniers informels où se regroupent les familles déplacées.
Le choc scolaire se double d’un impact macroéconomique. La Banque mondiale estime qu’une année sans école peut réduire de 9 % le revenu futur d’un élève nigérian moyen, freinant l’émergence d’une classe moyenne indispensable à la diversification hors pétrole.
Financement et réponses gouvernementales
Pourtant le financement reste modeste. En 2023, l’appel humanitaire éducation de l’ONU pour l’Afrique centrale n’a été couvert qu’à 38 %. Les partenariats public-privé, expérimentés à Kano ou Douala, peinent à convaincre faute de garanties sécuritaires durables.
Les gouvernements nigérian et camerounais ont ratifié la Déclaration sur la sécurité dans les écoles. Des unités spécialisées de gendarmerie accompagnent désormais certains bus scolaires, mais l’extension de l’initiative reste limitée par le coût et la difficulté de couvrir des zones rurales étendues.
Innovation numérique face aux fermetures
Le numérique apparaît comme solution d’appoint. Les start-up edu-tech locales proposent des classes hors-ligne sur tablettes, alimentées par énergie solaire. Néanmoins, l’accès à la connectivité demeure inégal et les contenus doivent être traduits en haoussa, pidgin ou bassa pour toucher les communautés déplacées.
Coopération régionale et leviers politiques
Une coopération régionale émerge. La Cedeao et la CEEAC échangent des bonnes pratiques sur la sécurisation des internats et la formation d’enseignants résilients, inspirées par les expériences positives du Congo-Brazzaville lors des crises du Pool de 1998 et 2016.
Scénarios prospectifs d’ici 2025
Scénarios : Si la déscolarisation se poursuit au rythme actuel, les projections du cabinet Bendou Consulting évoquent jusqu’à 5,4 millions d’enfants non scolarisés d’ici 2025, avec un déficit annuel de 230 000 enseignants et un coût d’opportunité de 2,8 milliards de dollars.
À l’inverse, un retour rapide à la sécurité permettrait de récupérer selon la Brookings Institution près de 70 % des pertes d’apprentissage en trois ans, via des classes accélérées, le doublement du temps d’enseignement et la revalorisation salariale des instituteurs.
Et après ? Les pistes d’action urgentes
Et après ? Les acteurs humanitaires plaident pour un financement pluriannuel intégrant reconstruction d’écoles résistantes, soutien psychosocial et renforcement des services de protection de l’enfance, afin de faire de chaque campus un bouclier plutôt qu’une cible.
Une carte interactive produite par l’Institut de géographie de Yaoundé localise les fermetures par district, tandis qu’un graphique, basé sur les données OCHA, visualise l’évolution mensuelle depuis 2019, illustrant la corrélation directe entre pic de violence et chute de présence scolaire.
Le point juridique/éco
Le point juridique : Les États concernés ont l’obligation, en vertu de la Charte africaine des droits de l’enfant, de garantir l’accès à l’éducation même en période de crise. Le manquement répété pourrait ouvrir la voie à des recours devant la Cour africaine des droits de l’homme.
Dernier avertissement des agences onusiennes
Sans action urgente, préviennent les agences onusiennes, l’effet combiné de la pauvreté et des armes transformera la crise scolaire en bombe démographique. Inversement, investir dans la protection des écoles serait, selon l’Unicef, « l’assurance-vie des économies de demain ».
Dans les villages qui ont rouvert, les cloches scolaires résonnent comme un signal de résilience partagée.