Passage de relais diplomatique
Au ministère des Affaires étrangères, la poignée de main entre Jean Claude Gakosso et Mariavittoria Ballotta a scellé, début mai, l’arrivée officielle de la nouvelle représentante de l’Unicef au Congo-Brazzaville, succédant à Chantal Umutoni dans une continuité saluée par les partenaires.
Le bref cérémonial protocolaire masque des enjeux considérables : l’agence onusienne gère un portefeuille annuel supérieur à vingt millions de dollars, alloués aux secteurs clés de la santé maternelle, de l’éducation de base et de la protection contre les violences faites aux enfants.
Une experte au parcours international
Originaire d’Italie, Ballotta affiche vingt-sept ans de carrière au sein des Nations unies, de Kaboul à Dakar en passant par New York, où elle fut conseillère en planification stratégique auprès du Bureau exécutif de l’Unicef.
Sa dernière fonction, cheffe régionale des programmes pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre, lui a fourni une compréhension fine des réalités sociopolitiques d’un espace confronté à la poussée démographique la plus rapide du monde et aux chocs climatiques récurrents.
Les défis de l’enfance congolaise
Au Congo, près de quarante pour cent de la population a moins de quinze ans, selon la Banque mondiale, et un enfant sur trois souffre encore de retard de croissance, malgré les progrès salués par le rapport social 2023 du gouvernement.
La fermeture prolongée des écoles durant la pandémie a également aggravé les disparités d’apprentissage entre zones urbaines et rurales, un écart évalué à deux années scolaires par l’Institut national de la statistique.
Dans le département du Likouala, les inondations répétées ont déplacé plus de neuf mille personnes l’année dernière, dont la moitié d’enfants, soulignant l’urgence d’intégrer la résilience climatique dans les programmes éducatifs et sanitaires.
Collaboration gouvernementale renforcée
Les autorités congolaises ont, depuis 2021, inscrit la protection sociale dans le Plan national de développement, objectif que la nouvelle représentante qualifie de “base solide pour accélérer l’agenda 2030” lors d’un entretien accordé à la presse locale.
Dans le même esprit, le ministre de la Santé, Gilbert Mokoki, a rappelé que la vaccination contre la rougeole venait d’atteindre le seuil de quatre-vingt-dix pour cent de couverture, grâce au cofinancement conjoint de l’État et de l’Unicef.
Ballotta prévoit de s’appuyer sur ce bilan pour développer des mécanismes de financement mixte mobilisant le secteur privé, à l’image du dispositif « Société à impact » lancé au Nigéria, qu’elle estime réplicable à Brazzaville d’ici deux ans.
Priorités du cadre stratégique 2024-2028
La feuille de route 2024-2028, actuellement en consultation, comporte quatre piliers : survie de l’enfant, apprentissage précoce, inclusion sociale et gouvernance des données.
Selon une note interne consultée par notre rédaction, plus de soixante-quinze pour cent du budget envisagé sera consacré aux provinces septentrionales, où l’accessibilité logistique reste limitée par l’enclavement routier et la faiblesse de la couverture numérique.
L’équipe de Ballotta entend également renforcer l’usage de la télémédecine pour le suivi néonatal, option déjà expérimentée au CHU de Brazzaville avec le soutien de la start-up congolaise HealthTech, dont le président vante « une collaboration exemplaire entre État et innovation ».
Regards d’observateurs régionaux
Pour l’universitaire Armand Malonga, spécialiste des politiques publiques, « l’arrivée de Mme Ballotta intervient à un moment charnière où le Congo veut consolider son capital humain afin de diversifier son économie au-delà du pétrole ».
À Genève, Richard Danziger, analyste du Centre pour les études humanitaires, souligne que la stabilité politique du Congo offre aujourd’hui « un laboratoire régional pour tester de nouvelles modalités de coopération Sud-Sud, notamment avec le Gabon et l’Angola en matière de chaînes d’approvisionnement vaccinales ».
De leur côté, plusieurs bailleurs européens estiment que l’expérience de la diplomate italienne dans la planification fondée sur des données probantes facilitera la reddition de comptes, élément jugé crucial pour élargir les fonds climatiques dédiés à l’adaptation des écoles rurales.
Innovation et diplomatie numérique
Le bureau Unicef de Brazzaville vient par ailleurs de signer un protocole d’accord avec l’Agence congolaise pour l’économie numérique afin de développer une plateforme de données en temps réel sur les indicateurs d’enfance, couplée au système d’état civil modernisé.
Cet outil, inspiré de l’initiative Data For Children de l’Union africaine, permettra aux préfets de suivre la fréquentation scolaire et les ruptures de stocks de vaccins depuis un simple tableau de bord, renforçant ainsi la prise de décision décentralisée.
Selon Ballotta, « la diplomatie numérique est le nouveau terrain de jeu du développement ; elle rapproche le citoyen, le gouvernant et le bailleur autour d’une même source de vérité ». Une affirmation partagée par le ministre des Postes Léon Juste Ibombo.
Mission de terrain imminente
Dans l’entourage de Ballotta, on confie que la représentante souhaite effectuer sa première mission de terrain à Impfondo, frontalière de la République démocratique du Congo, afin d’évaluer personnellement le dispositif de prise en charge des enfants réfugiés centrafricains.
Ce séjour, prévu en juillet, devrait marquer le lancement d’un nouveau cycle de consultations communautaires, démarche que le ministère des Affaires sociales considère comme un vecteur de redevabilité et de cohésion nationale.
