Un rendez-vous sportif à la longévité exemplaire
Au fil de quinze éditions désormais bien ancrées dans la mémoire collective, le tournoi Ouenzé Lisanga s’est hissé au rang de véritable institution communautaire. Lancée en 2008, l’initiative du député Juste Désiré Mondélé a su installer, chaque période de vacances, un rituel sportif partagé par les dix quartiers du cinquième arrondissement de la capitale. L’ouverture solennelle du 20 juillet dernier, tenue dans l’enceinte historique du lycée technique 5 février 1979, a rappelé combien la continuité est devenue la signature de cette manifestation consacrée à la jeunesse.
En mobilisant seize équipes pour trois semaines de compétition réparties sur trois terrains, la 15ᵉ édition confirme la résilience d’une organisation dont la popularité ne se dément pas. La présence, aux côtés des riverains, d’anciennes gloires comme Ange Ngapi ou Franchel Ibara, témoigne de l’épaisseur mémorielle sur laquelle s’appuie l’événement. Dans un pays où la pratique populaire du football demeure un ciment identitaire, un tel rendez-vous installe un pont intergénérationnel qui consolide la cohésion locale.
La jeunesse comme priorité stratégique nationale
Dans le discours d’ouverture, Juste Désiré Mondélé a rappelé que le véritable vainqueur du tournoi serait « la jeunesse de Brazzaville ». Cette formule, au-delà de l’effet oratoire, rejoint l’orientation affichée par les autorités envers le capital humain congolais. Le gouvernement, engagé dans la mise en œuvre du Plan national de développement 2022-2026, mise sur la formation des nouvelles générations pour assurer la diversification économique. Le sport, vecteur de discipline, d’esprit d’équipe et de visibilité internationale, s’inscrit de plein droit dans cette matrice.
L’octroi d’équipements sportifs complets aux participants, initiative financée par la circonscription, illustre une micro-politique d’investissement social : soutien matériel immédiat, espoir de carrières professionnelles à moyen terme, et renforcement d’un sentiment d’appartenance à long terme. Sur des terrains où l’informel domine souvent la vie quotidienne, cette injection de ressources concrètes agit comme catalyseur d’opportunités et réduit la tentation de l’oisiveté en période de vacances.
Une diplomatie intérieure de la cohésion sociale
Au-delà du simple loisir, Ouenzé Lisanga déploie une forme de diplomatie intérieure. La compétition juxtapose des quartiers aux identités diverses, parfois marquées par des rivalités historiques. La règle tacite du fair-play, réaffirmée avant chaque rencontre, institue un espace de dialogue informel où les divergences s’expriment par le sport plutôt que par le conflit. Cette méthode, discrète mais efficace, contribue à pacifier l’espace urbain et à consolider le vivre-ensemble que promeut la vision présidentielle.
En invitant d’anciens internationaux, les organisateurs traduisent aussi un souci d’exemplarité. Le témoignage de Chaleur Mouyabi, évoquant « le football de la rue » dont il est issu, rappelle aux jeunes qu’une réussite personnelle peut servir d’argument convaincant en faveur de la paix civile. Le tournoi agit ainsi comme une scène pédagogique, où chaque geste technique devient un message de discipline collective.
La quête de talents, maillon de la visibilité internationale
Le Congo-Brazzaville nourrit depuis longtemps l’ambition de réapparaître sur la carte africaine des compétitions majeures. La dernière participation des Diables Rouges à une phase finale de Coupe d’Afrique des nations remonte à 2015 ; depuis, la stratégie de rajeunissement de l’effectif national nécessite un vivier élargi. C’est précisément sur ce point que des tournois comme Ouenzé Lisanga jouent un rôle prospectif majeur : ils constituent un observatoire décentralisé pour les recruteurs des clubs de Ligue 1 nationale et, par ricochet, pour les sélectionneurs.
La détection précoce de profils offensifs ou défensifs polyvalents, habitués aux contraintes d’un football de proximité, correspond à l’exigence moderne de la compétition internationale. Dans un contexte où les budgets fédéraux demeurent contraints, identifier tôt les talents permet de rationaliser l’investissement et d’offrir aux jeunes perspectives académiques via les centres de formation reconnus par la Confédération africaine de football.
Impact économique local et résilience citoyenne
Toute manifestation sportive d’envergure, fût-elle circonscrite à un arrondissement, engendre un micro-écosystème économique. Les matches attirent vendeurs ambulants, imprimeurs de maillots, transporteurs urbains et acteurs culturels. À l’échelle des quartiers de Ouenzé, la circulation monétaire induite par trois semaines de tournoi contribue à soutenir les revenus d’appoint de nombreux ménages. Dans un environnement encore marqué par les répercussions macro-économiques de la pandémie, cette dynamique vaut comme soupape de résilience.
La visibilité associée au tournoi élargit par ailleurs l’offre de sponsoring de proximité. Entreprises de téléphonie, maisons de pari sportif et petites marques de boissons investissent des sommes modestes mais répétées, créant un cercle vertueux dans lequel les clubs amateurs peuvent trouver de nouvelles ressources. Cette échelle infranationale correspond aux orientations de diversification économique prônées par le ministère en charge des Sports et de la Jeunesse.
Perspectives d’essaimage et recommandation d’experts
Plusieurs techniciens interrogés sur place estiment que le modèle Ouenzé Lisanga pourrait inspirer d’autres arrondissements, voire des localités rurales éloignées des grands stades. Selon l’entraîneur Licelott Makaya, « la décentralisation de la compétition sportive demeure la meilleure voie pour un maillage territorial équilibré ». Dans cette optique, une coordination renforcée entre municipalités, fédération et partenaires privés permettrait de mutualiser les arbitrages, la formation des encadreurs et l’entretien des infrastructures.
Les experts de l’Institut congolais de la Jeunesse recommandent également d’accompagner chaque édition de modules d’éducation citoyenne sur la santé, l’environnement et l’entrepreneuriat. Intégrer ces sessions en marge des rencontres ajouterait une dimension holistique, en phase avec l’Agenda 2063 de l’Union africaine, qui souligne le rôle du sport dans la transformation socio-économique.
Un terrain d’avenir pour la diplomatie sportive congolaise
En définitive, Ouenzé Lisanga s’impose comme bien plus qu’une compétition estivale. Son maintien sur quinze ans, son ancrage dans la communauté et son alignement avec les priorités nationales en font un prototype de diplomatie sportive apte à consolider la cohésion interne tout en nourrissant les ambitions internationales du Congo-Brazzaville. La stabilité institutionnelle dont bénéficie l’événement participe à renforcer la confiance entre citoyens et décideurs, élément clé pour l’atteinte des objectifs de développement durable.
À l’heure où les capitales africaines rivalisent d’inventivité pour conjuguer sport et soft power, Brazzaville dispose, avec Ouenzé Lisanga, d’une plateforme crédible pour façonner l’avenir de ses talents et projeter une image dynamique, pacifique et unie sous l’impulsion d’une gouvernance attentive aux aspirations de sa jeunesse.