Une candidature sans surprise mais à haute portée symbolique
À quatre ans de la célébration du demi-siècle de son arrivée au pouvoir, le président Yoweri Kaguta Museveni a scellé, via un sobre communiqué publié sur les réseaux sociaux, son intention d’être de nouveau le porte-étendard du Mouvement de résistance nationale en 2026. La décision était attendue par les observateurs, tant la scène politique ougandaise s’est progressivement calquée sur la trajectoire de son leader. Pourtant, sa confirmation n’en laisse pas moins planer une onde de choc dans les chancelleries, soucieuses d’anticiper l’impact d’un mandat supplémentaire sur la gouvernance régionale et la stabilité intérieure.
Quatre décennies de pouvoir : bilan économique et militaire
Depuis 1986, l’ancien chef rebelle a articulé son magistère autour d’un couple développement-sécurité qu’il présente comme indissociable. L’Ouganda affiche aujourd’hui une croissance moyenne de 5 % sur la dernière décennie, un taux de scolarisation primaire passé de 57 % à 92 % et une inflation relativement maîtrisée (Banque mondiale). Sur le front sécuritaire, Kampala demeure un acteur de premier plan au sein de l’AMISOM en Somalie et au cœur des missions régionales de lutte contre les Forces démocratiques alliées. À l’interne, la modernisation des Forces de défense du peuple ougandais, couplée à une doctrine de « dissuasion proactive », participe à la projection d’une image d’État pivot de la Corne de l’Afrique.
La réforme constitutionnelle, pierre angulaire d’un système politique singulier
Les amendements de 2005 et 2017, ayant respectivement supprimé la limitation des mandats et l’âge plafond de 75 ans, constituent le socle institutionnel de la longévité présidentielle. Approuvés par le Parlement, ces ajustements traduisent un consensus au sein de la majorité, mais ils nourrissent également un débat persistant sur l’élasticité du pacte démocratique. Pour le chef de l’État, la Constitution doit demeurer un instrument « évolutif » capable d’accompagner la maturation socio-économique nationale, un argument qu’il articule autour de la théorie des « cinq phases de transformation », la dernière visant à hisser le PIB à 500 milliards de dollars en cinq ans.
Une opposition sous pression mais toujours présente
Face à cette mécanique institutionnelle bien huilée, l’opposition conduite par Robert Kyagulanyi, alias Bobi Wine, cherche à fédérer la jeunesse urbaine, le secteur informel et une diaspora numérique active. Les réseaux sociaux constituent leur principal amphithéâtre, terrain sur lequel la communication gouvernementale orchestre toutefois une riposte habile, conjuguant messages de cohésion nationale et mises en garde contre les « aventures populistes ». Des ONG telles que Human Rights Watch pointent des restrictions croissantes à la liberté de réunion, tandis que la Commission électorale assure qu’elle « ne transigera sur aucun standard international ».
Enjeux régionaux : stabilité ou statu quo stratifié
L’annonce de Museveni intervient dans un contexte où la Communauté d’Afrique de l’Est se redessine, entre l’adhésion de la RDC et les tensions récurrentes autour du Nil. Kampala s’affirme comme un relais incontournable entre les intérêts éthiopiens et kenyans sur le corridor pétrolier de l’Albertine Rift. Pour plusieurs diplomates accrédités, la continuité politique ougandaise garantit la prévisibilité des flux commerciaux et sécuritaires. D’autres analystes estiment que l’absence de renouvellement du leadership pourrait cristalliser les crispations sociales et créer une volatilité sous-régionale latente.
Scénarios prospectifs pour 2026 et au-delà
À court terme, le régime devrait capitaliser sur la récente découverte de gisements de graphite et sur le chantier du pipeline EACOP pour afficher une dynamique d’investissement record. Sur le moyen terme, la montée en puissance d’une classe moyenne urbaine connectée pourrait se traduire par une demande accrue de gouvernance participative, exigeant un raffinement de la mécanique institutionnelle. Enfin, sur le temps long, la question de la succession — que nul au sein du NRM ne formule encore ostensiblement — demeurera l’arbitre silencieux des équilibres internes. Pour l’heure, l’option majoritaire consiste à consolider autour du président sortant un mandat perçu comme la pierre finale d’un édifice de quatre décennies, édifice que le chef de l’État présente, non sans emphase, comme « l’expérience la plus aboutie d’ingénierie politique africaine contemporaine ».