Discours du 15 août: enjeux stratégiques
À l’occasion du soixante-cinquième anniversaire de l’indépendance, Denis Sassou Nguesso a livré, depuis le palais du peuple, une adresse de dix minutes. Le chef de l’État y a articulé un triple message : consolidation de la paix, redressement économique et engagement continental.
Clamant que « nul développement n’éclot sous les bombes », il a averti que l’environnement géopolitique africain, marqué par la résurgence de conflits, pourrait ralentir les efforts déjà engagés pour contenir la crise post-pétrolière et améliorer la résilience budgétaire.
Sécurité régionale et impératif de paix
Brazzaville souligne depuis plusieurs années la corrélation entre stabilité sécuritaire et croissance. Les réformes de défense, dont la création du Conseil national de paix en 2022, visent à anticiper les risques transfrontaliers nés des crises sahéliennes ou du golfe de Guinée.
Selon un diplomate de la CEEAC, « l’approche congolaise favorise la prévention plutôt que la réparation ». Les exercices conjoints avec le Cameroun et la RCA, associés à un dialogue permanent avec le Rwanda, illustrent ce positionnement de médiation constructive, souvent salué aux Nations unies.
Relance économique et diversification
Sur le front économique, la priorité reste la diversification. Le gouvernement a prolongé le Plan national de développement 2022-2026, misant sur l’agro-industrie, le bois transformé et le numérique, pour réduire la dépendance aux hydrocarbures qui représentent encore 60 % des recettes d’exportation.
Les premiers résultats sont modestes mais visibles : la zone économique spéciale d’Ignié, inaugurée en mai, accueille déjà une vingtaine d’unités de conditionnement de manioc et de cacao. Ces investissements, soutenus par la Banque africaine de développement, doivent générer trente-cinq mille emplois directs d’ici 2025.
Panafricanisme pragmatique de Brazzaville
Le chef de l’État a également insisté sur la « vivification du panafricanisme ». Brazzaville prône un multilatéralisme inclusif, combinant Union africaine, initiative Zone de libre-échange continentale et partenariats Sud-Sud, afin de renforcer la souveraineté monétaire et la circulation des compétences scientifiques africaines.
Le ministre des Affaires étrangères, Jean-Claude Gakosso, rappelle que le Congo, membre fondateur de l’OPEP-Plus, soutient les discussions sur une monnaie digitale panafricaine explorée par l’UA. « Il s’agit d’éviter les chocs exogènes en créant des filets de sécurité financiers africains », explique-t-il.
Voix d’opposition et attentes sociales
L’opposition, pour sa part, souligne la persistance d’inégalités. Destin Gavet estime que « l’Indice de développement humain reste trop faible pour parler de prospérité ». Il réclame un audit social afin d’éclairer le débat budgétaire prévu à la session extraordinaire du parlement en octobre.
Clément Miérassa ajoute qu’une meilleure transparence des recettes pétrolières rassurerait les bailleurs. Toutefois, il reconnait que « la désescalade sécuritaire dans le Pool facilite la circulation des biens », signe, selon lui, que la stabilité ouvre une fenêtre pour négocier des réformes sociales plus ambitieuses.
Calendrier présidentiel et incertitudes 2026
La question d’une éventuelle candidature du président en 2026 demeure ouverte. Aucun signal officiel n’a filtré, mais plusieurs observateurs rappellent que la Constitution autorise un nouveau mandat. Des sondages internes, non publiés, créditeraient le chef de l’État d’un taux de confiance supérieur à 55 %.
Le calendrier politique s’accélérera dès janvier, avec la révision des listes électorales biométriques. La commission nationale indépendante promet un dispositif de contrôle renforcé, comprenant un double comptage électronique, afin de dissiper les controverses qui avaient émaillé les législatives de 2022.
Majorité parlementaire et gouvernance
Au Parlement, le Parti congolais du travail mobilise sa majorité autour d’un agenda centré sur la gouvernance et la rationalisation des dépenses publiques. Paul Ganongo assure que la nouvelle loi sur le partenariat public-privé offrira « des garanties juridiques inédites aux investisseurs étrangers, sans sacrifier la souveraineté ».
Cette stratégie vise également à soutenir les collectivités locales. La dotation de décentralisation devrait atteindre 7 % du budget en 2024, contre 4 % en 2021, favorisant la réparation des routes secondaires et l’accès à l’eau potable, deux revendications récurrentes des élus des régions isolées.
Regards extérieurs et coopération multilatérale
Les partenaires internationaux observent avec attention l’évolution congolaise. La Banque mondiale salue les progrès dans la gestion des finances publiques, tandis que la Chine, premier créancier bilatéral, a rééchelonné en juillet une partie des remboursements, libérant 300 millions de dollars d’espace budgétaire sur trois ans.
L’Union européenne, elle, mise sur un nouvel accord de coopération verte, incluant l’appui aux tourbières du bassin du Congo, piliers de la lutte climatique mondiale. Ce partenariat, présenté lors du dernier sommet UE-UA à Bruxelles, pourrait attirer plus d’investissements responsables dans le secteur forestier congolais.
Perspectives régionales et responsabilité partagée
Analystes et diplomates convergent sur l’idée que la stabilité congolaise transcende ses frontières. Le corridor routier Pointe-Noire-Douala, en chantier, pourrait sécuriser les échanges du golfe de Guinée et offrir une sortie commerciale aux pays enclavés, réduisant ainsi les tensions liées aux routes maritimes saturées.
Dans cette perspective, Brazzaville mise sur une diplomatie de pont entre les blocs géopolitiques. « Le Congo peut être un trait d’union entre l’Atlantique et la région des Grands Lacs », avance une source onusienne, soulignant que la crédibilité du pays dépendra de la poursuite des réformes internes.
