Multipolarité et quête de stabilité
La scène internationale évolue sous l’effet d’une redistribution des rapports de force, donnant naissance à une multipolarité dynamique. Dans ce contexte, la consolidation d’une paix durable n’est plus l’apanage d’un seul bloc, mais repose sur la capacité des États à coopérer malgré des intérêts souvent divergents.
Les secousses armées en Europe orientale ou au Moyen-Orient résonnent jusqu’aux capitales africaines, rappelant que l’interdépendance planétaire rend chaque crise potentiellement mondiale. Diplomates, ONG et experts s’accordent sur un point : prévenir l’escalade nécessite d’articuler sécurité collective, développement inclusif et respect du droit international.
Le Congo-Brazzaville face aux reconfigurations
À Brazzaville, les autorités observent ces mutations avec pragmatisme. Le président Denis Sassou Nguesso, qui plaide régulièrement pour un multilatéralisme rénové, a rappelé devant l’Assemblée générale des Nations unies que la voix africaine devait compter dans la gouvernance mondiale, tant sur la paix que sur le climat.
Le Congo-Brazzaville s’emploie à conjuguer stabilité interne et engagements extérieurs. Nouveaux partenariats énergétiques, médiations discrètes dans les conflits voisins et participation aux opérations de maintien de la paix illustrent une diplomatie de niche, axée sur la prévention et la gestion des risques transfrontaliers.
Institutions multilatérales sous pression
Pourtant, nombre d’observateurs pointent les limites des dispositifs collectifs. Faute d’un consensus entre membres permanents, le Conseil de sécurité tarde parfois à agir, laissant aux coalitions ad hoc le soin de gérer les urgences. Cette fragmentation nourrit la perception d’un ordre international asymétrique.
Dans cet environnement, les organisations régionales africaines tentent d’accroître leur capacité d’anticipation. Le Comité pour la paix et la sécurité de la CEEAC, basé à Libreville, planche sur un mécanisme d’alerte précoce mutualisé. Financée en partie par l’Union africaine, l’initiative devra néanmoins surmonter l’enjeu budgétaire.
Contribution des acteurs religieux
Les acteurs confessionnels demeurent des vecteurs d’apaisement complémentaires. Au Congo comme ailleurs, l’Église catholique, les Églises de réveil et la communauté musulmane multiplient messages pastoraux et campagnes de médiation. Leurs canaux locaux offrent un accès direct aux communautés, crucial pour désamorcer crispations identitaires ou foncières.
Mgr Bienvenu Manamika, archevêque de Brazzaville, déclarait récemment que « la paix n’est pas une posture, elle est une pédagogie quotidienne ». Ce rappel éthique converge avec les préoccupations gouvernementales relatives à la cohésion nationale, notamment dans les départements marqués par la mobilité des populations et l’urbanisation rapide.
Sécurité humaine et gouvernance durable
La sécurité humaine, concept porté par le PNUD depuis les années 1990, demeure centrale. Elle englobe l’accès aux soins, à l’éducation et à l’emploi, domaines où Brazzaville a lancé plusieurs programmes de résilience post-pandémie, soutenus par la Banque mondiale et la BAD.
Selon une étude de l’Institut congolais de la statistique parue en avril, chaque point de croissance supplémentaire pourrait réduire de 0,8 % le risque de conflits localisés. D’où l’importance, soulignent les auteurs, d’associer gouvernance budgétaire rigoureuse, diversification économique et transparence dans la gestion des ressources minières.
Intégration régionale et diplomatie préventive
Le Bassin du Congo, deuxième poumon vert mondial, offre par ailleurs une plateforme diplomatique originale entre climat et sécurité. En février, la Commission climat du Bassin a réuni à Kinshasa ministres et bailleurs pour discuter finance carbone. Le lien entre préservation des forêts et stabilité villageoise y fut souligné.
Au plan strictement sécuritaire, l’Initiative pour la surveillance conjointe du fleuve Congo, soutenue par Brazzaville, vise à prévenir la piraterie fluviale et la contrebande d’armes légères. Les premiers patrouilleurs, financés par un partenariat public-privé, devraient être opérationnels d’ici la fin de l’année, indiquent des sources diplomatiques.
Innovation socio-économique comme vecteur de paix
Si l’économie reste la clef de voûte, l’innovation sociale gagne du terrain. Des start-ups locales testent des plateformes mobiles d’alerte communautaire, permettant aux habitants de signaler incidents et tensions. Ces technologies, hybrides entre civic-tech et sécurité, intéressent le Programme des Nations unies pour les établissements humains.
L’éducation à la citoyenneté numérique complète cet arsenal. Un programme pilote mené à l’Université Marien-Ngouabi forme de jeunes cyber-médiateurs capables de contrer la désinformation qui alimente parfois l’instabilité. En deux ans, plus de 2 000 étudiants ont été sensibilisés, selon le ministère de l’Enseignement supérieur.
Perspectives et responsabilités partagées
Au-delà des frontières nationales, les diplomaties africaines plaident pour une refonte du système multilatéral. La récente déclaration de Malabo sur la réforme de l’ONU, cosignée par le Congo-Brazzaville, préconise un siège permanent supplémentaire pour l’Afrique et une représentativité accrue au Conseil économique et social.
Les partenaires traditionnels de Brazzaville, de Paris à Pékin, saluent cette approche constructive. En privé, plusieurs diplomates soulignent que l’influence d’un pays de taille moyenne se mesure désormais à sa capacité de proposer des solutions plutôt qu’à la seule projection de puissance.
À l’heure où les incertitudes géopolitiques se multiplient, la paix apparaît comme un bien commun exigeant vigilance et imagination. Qu’il s’agisse de réformer la gouvernance mondiale ou de renforcer la cohésion sociale, la responsabilité est partagée. C’est à ce prix que la multipolarité deviendra réellement facteur de stabilité.
