Paris, épicentre d’une Francophonie parlementaire en mouvement
Pour son jubilé, l’Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF) a choisi l’hémicycle de l’Assemblée nationale française, cadre chargé d’histoire, afin d’accueillir les représentants de 84 parlements et gouvernements membres. Plus de deux cents élus se sont ainsi retrouvés sous le signe d’une langue partagée mais plurielle, unifiant des réalités politiques, démographiques et culturelles contrastées. Cet anniversaire a fourni l’occasion de dresser un bilan franc et nuancé de cinq décennies de coopération parlementaire tout en projetant la francophonie vers un horizon 2050 annoncé à 700 millions de locuteurs.
La délégation congolaise, porte-voix d’un multilatéralisme pragmatique
Conduite par le président du Sénat, Pierre Ngolo, la délégation du Congo-Brazzaville s’est distinguée par une participation active aux séances thématiques. « La Francophonie reste, pour notre pays, un vecteur de stabilité et de prospérité », a-t-il souligné en marge des travaux. Les élus congolais ont mis en exergue les réformes législatives récentes soutenant la diversification économique et la jeunesse, des priorités conformes au Plan national de développement 2022-2026, salué par plusieurs partenaires.
Solidarité et développement durable : des convergences qui résistent aux crises
Dans un contexte international fragmenté, les parlementaires ont réaffirmé la solidarité comme pilier de l’espace francophone. Les débats, nourris par les interventions d’experts de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), ont exploré l’accès à l’eau, la gestion raisonnée des forêts tropicales et la transition énergétique. La position congolaise a trouvé un écho particulier : gardienne du Bassin du Congo, deuxième poumon vert de la planète, Brazzaville a plaidé pour des mécanismes de financement plus équitables afin de valoriser les services écosystémiques rendus au reste du monde.
Sécurité collective : riposte francophone face aux extrémismes
La multiplication des foyers d’instabilité, du Sahel à la région des Grands Lacs, a occupé une place de choix dans l’agenda. Sous l’impulsion du président de l’APF Hilarion Etong, un consensus s’est dégagé pour créer un groupe de travail permanent sur la prévention de la radicalisation. Le modèle congolais de désarmement, démobilisation et réinsertion, régulièrement cité par les observateurs onusiens, a été présenté comme une piste d’inspiration, alliant dialogues communautaires et programmes de réintégration socio-économique.
Économie francophone : le pari d’un marché intérieur de 7 % du PIB mondial
L’intensification du commerce intra-francophone, encore évalué à moins de 20 % du volume total des échanges des pays membres, a suscité un intérêt particulier des délégations africaines et caribéennes. Selon un rapport de la Banque africaine de développement relayé lors des débats, le simple démantèlement de barrières non tarifaires pourrait générer jusqu’à 110 milliards de dollars supplémentaires d’ici 2035. Les parlementaires congolais ont proposé que les zones économiques spéciales du pays servent de plateformes pilotes pour les PME francophones désireuses de s’implanter en Afrique centrale.
La langue française, bien commun et levier d’influence
Les projections démolinguistiques présentées à Paris confirment la tendance : d’ici trois décennies, près de 85 % des francophones seront Africains. « Protéger la langue, c’est garantir un accès partagé au savoir et aux chaînes de valeur culturelles », a insisté la cheffe de l’OIF, Louise Mushikiwabo. L’appel à renforcer l’enseignement bilingue, notamment dans les filières scientifiques, a résonné avec la stratégie éducative congolaise, qui mise sur l’introduction des technologies numériques en français afin de réduire la fracture digitale.
Des engagements concrets pour un chantier collectif
Au terme de quatre jours de travaux, les délégués ont adopté une série de résolutions portant sur la mise en place d’observatoires parlementaires thématiques, l’harmonisation de législations climatiques et la création d’un fonds d’appui à l’entrepreneuriat jeune dans l’espace francophone. Ces instruments visent à transformer la rhétorique en actions mesurables, avec des rapports d’étape attendus lors de la prochaine plénière, en 2025.
Cap sur 2025 : entre réalisme et volontarisme
La 50e session plénière de l’APF a démontré qu’au-delà de la commémoration, la Francophonie parlementaire demeure un laboratoire d’idées et un moteur de diplomatie préventive. Le Congo-Brazzaville, en prônant une approche inclusive et coopérative, consolide sa stature sur l’échiquier multilatéral sans jamais renoncer à la discrétion qui caractérise sa diplomatie. Les prochains mois diront si les ambitions formulées à Paris sauraient se traduire en initiatives tangibles, mais l’élan apparaît, à ce stade, aussi résolu qu’indispensable pour répondre aux défis globaux.