Ce qu’il faut retenir
La Chine affirme davantage son rôle pivot au sein du Sud global, représentant désormais 30 % de la croissance mondiale et annonçant, par la voix de son ambassadrice à Brazzaville, An Qing, un soutien renforcé aux économies africaines, dont le Congo.
La signature prochaine d’un Accord de partenariat économique pour le développement partagé promet un accès en franchise de droits au marché chinois pour les exportateurs congolais, dans la droite ligne de la stratégie de diversification voulue par Brazzaville.
Un Sud global en mutation
Dans les enceintes multilatérales, la coalition informelle du Sud global pèse plus de 40 % du PIB mondial selon Pékin, une proportion appelée à croître grâce à la démographie africaine et à l’industrialisation accélérée d’économies comme celle du Congo.
Pour An Qing, rester membre de ce bloc constitue un avantage stratégique : la Chine conserve sa catégorie de pays en développement à l’OMC, tout en s’érigeant en porte-voix des États qui revendiquent un commerce plus équitable.
Multilatéralisme et ouverture commerciale
La montée de tentations protectionnistes, attisées par des surenchères tarifaires entre grandes puissances, fragilise le système commercial multilatéral héritier de Bretton Woods, rappelle la diplomate chinoise, soucieuse de promouvoir une réforme axée sur la facilitation des échanges.
En septembre, le Premier ministre Li Qiang a réaffirmé devant l’ONU la volonté de Pékin d’abaisser unilatéralement certaines barrières douanières dans le cadre de l’OMC, geste présenté comme un « choix stratégique » pour protéger la stabilité des chaînes de valeur.
Coopération Chine-Congo sous le prisme Focac
Première partenaire commerciale de Brazzaville, la Chine capte plus du tiers des exportations congolaises, essentiellement pétrolières et forestières, et multiplie les investissements directs dans les zones économiques spéciales de Pointe-Noire et d’Oyo.
Le Forum sur la coopération sino-africaine, coprésidé par les deux pays depuis 2021, sert de boîte à outils pour déployer dix Actions de partenariat couvrant industrie verte, e-commerce, paiements numériques, sciences, technologie et intelligence artificielle.
Concrètement, l’Accord de partenariat économique pour le développement partagé, en phase finale de négociation, devrait instituer un régime de droits de douane zéro sur des centaines de lignes tarifaires, attirant à terme de nouvelles filières agro-industrielles au Congo.
Le point juridique et fiscal
Selon le ministère congolais du Commerce extérieur, l’accord à venir respecte le droit national sur la promotion des investissements, notamment la clause de contenu local imposant l’emploi d’au moins 30 % de main-d’œuvre congolaise sur les projets concernés.
Brazzaville travaillera par ailleurs à simplifier les formalités de dédouanement via un guichet unique numérique, soutenu techniquement par des opérateurs chinois spécialisés dans la blockchain logistique, afin de réduire les coûts de transaction pour les PME exportatrices.
Scénarios de développement partagé
À court terme, les autorités congolaises misent sur une hausse de 20 % des volumes exportés vers la Chine, en particulier pour les produits bois transformés et le cacao, exploitant la montée en gamme de la demande urbaine chinoise.
D’ici cinq ans, les think tanks régionaux estiment que l’intégration de la chaîne de valeur batterie-hydrogène, encouragée par les financements verts chinois, pourrait générer jusqu’à 15 000 emplois directs au Congo.
Carte des enjeux
Une carte interactive, présentée par l’Agence congolaise de promotion des investissements, localise déjà les corridors ferroviaires et fluviaux susceptibles de relier les sites miniers de la Sangha aux ports en eau profonde développés avec l’appui chinois.
Cette visualisation s’inscrit dans l’esprit de la nouvelle feuille de route numérique Congo 2025, qui veut combiner données ouvertes et partenariats académiques pour suivre les impacts socio-économiques réels des projets financés par la Chine.
Et après ?
An Qing insiste : « Le succès de la coopération dépendra autant de l’engagement des entreprises congolaises que de notre ouverture ». Brazzaville planche déjà sur un incubateur binational destiné aux start-up orientées agriculture intelligente et fintech.
En misant sur la modernisation à la chinoise comme levier, le Congo espère accélérer sa transition hors pétrole et renforcer son insertion dans l’économie numérique africaine, tout en consolidant les rapports de confiance tissés depuis plus de dix ans avec Pékin.
Regards d’experts
Pour l’économiste Didier Moussavou, basé à l’Université Marien Ngouabi, « la fenêtre d’opportunités créée par les exemptions tarifaires chinoises sera durable si le Congo investit parallèlement dans la qualité sanitaire de ses produits et dans la certification internationale ».
De son côté, la consultante en affaires Émilie Tchissambou estime que l’essor de l’e-commerce Chine-Congo permettra aux artisans locaux d’accéder directement à 400 millions de consommateurs chinois de la classe moyenne, à condition d’améliorer la connectivité rurale.
Parole de terrain
À Oyo, Jérôme Ngakala, jeune huilier de palme, observe déjà « une hausse des commandes via WeChat depuis que mon produit est visible sur une plateforme soutenue par Huawei ». Selon lui, l’appui logistique d’entreprises chinoises abaisse de 15 % ses coûts d’expédition.
