Les enjeux énergétiques congolais
La confirmation, début septembre 2025, de l’obtention par TotalEnergies du permis offshore Nzombo a rapidement circulé dans les chancelleries africaines. Les 1 000 kilomètres carrés octroyés au large de Pointe-Noire repositionnent la République du Congo au cœur des cartes énergétiques continentales.
Alors que les cours du brut demeurent volatils, Brazzaville mise sur une plus grande diversification de ses gisements pour consolider des recettes budgétaires cruciales et préserver une trajectoire de croissance soutenue malgré les défis économiques mondiaux.
Un conseiller technique auprès du président Denis Sassou Nguesso confie que « l’élargissement de la base de production constitue une priorité afin d’assurer la sécurité énergétique nationale tout en maintenant l’attractivité du pays pour les investisseurs internationaux ».
Le permis Nzombo en détail
Le permis Nzombo s’étend dans l’Atlantique à environ cent kilomètres à l’ouest de Pointe-Noire, non loin du champ Moho Nord, déjà exploité par TotalEnergies EP Congo depuis 2017, une proximité qui devrait réduire les délais logistiques et les coûts d’installation.
Selon le communiqué officiel, un premier puits d’exploration sera foré avant décembre 2025, avec l’objectif d’évaluer rapidement le potentiel de réserves récupérables et de décider, dès 2026, d’un éventuel plan de développement accéléré.
Les ingénieurs envisagent l’emploi de technologies de forage directionnel à haut rendement, un choix cohérent avec la stratégie de TotalEnergies visant à optimiser les émissions de méthane tout en maximisant le facteur de récupération, a précisé une source proche du dossier.
Synergies entre TotalEnergies, SNPC et QatarEnergy
Le consortium réunit TotalEnergies à 40 %, QatarEnergy à 30 % et la Société nationale des pétroles du Congo (SNPC) à 30 %, une répartition qui traduit un partage équilibré des risques ainsi qu’un transfert de compétences au profit de l’opérateur national.
Pour le directeur général de la SNPC, Raoul Ominga, « l’arrivée d’un nouveau partenaire de rang mondial comme QatarEnergy renforce notre chaîne de valeur et ouvre des opportunités de formation pour les ingénieurs congolais ».
Le Qatar, déjà actif dans plusieurs méga-projets gaziers africains, cherche à consolider ses approvisionnements futurs tandis que Brazzaville diversifie ses alliances, une posture jugée pragmatique par plusieurs analystes basés à Johannesburg.
Retombées macroéconomiques attendues
Au cours de la dernière décennie, la rente pétrolière a représenté en moyenne 60 % des recettes publiques congolaises; l’annonce du permis Nzombo pourrait stabiliser ces flux, surtout si la production entre en phase commerciale avant 2030.
Un économiste de la Banque des Etats d’Afrique centrale rappelle que chaque nouveau baril exporté génère un effet multiplicateur notable sur l’activité portuaire de Pointe-Noire, l’emploi maritime et les prestataires de services parapétroliers.
Le gouvernement pourrait ainsi accroître sa capacité à financer les infrastructures routières et numériques, éléments clés du Plan national de développement 2022-2026, tout en poursuivant sa politique de maîtrise de la dette, saluée par plusieurs bailleurs.
Le contenu local constitue également un enjeu majeur: les autorités ont fixé un seuil de 35 % de participation des entreprises congolaises dans la chaîne d’approvisionnement du projet, un objectif considéré réaliste par les chambres de commerce.
Dans la même logique, un fonds d’appui aux PME pétrolières sera doté d’une fraction des royalties futures, permettant de soutenir la modernisation de petits chantiers navals et de services de maintenance installés dans le corridor Pointe-Noire-Dolisie.
Impacts sur la diplomatie pétrolière régionale
L’obtention d’un nouveau bloc en eaux profondes renforce la position de la République du Congo au sein de l’Organisation des pays africains producteurs de pétrole, dont elle assure actuellement la vice-présidence tournante.
Brazzaville a aussi intensifié son dialogue avec Luanda et Abuja autour de la sécurisation du Golfe de Guinée, faisant valoir qu’un climat maritime stable demeure essentiel pour des opérations offshore telles que Nzombo.
Selon un diplomate européen en poste à Kinshasa, « la République du Congo consolide un rôle de pivot entre les producteurs du littoral et ceux de l’intérieur du continent, favorisant ainsi une coordination plus fluide des stratégies énergétiques ».
Perspectives de développement durable
TotalEnergies s’est engagée à mettre en place, dès la phase d’exploration, un programme de surveillance environnementale couvrant la biodiversité marine et la qualité de l’eau, en collaboration avec l’université Marien-Ngouabi.
Des ONG locales, telles que l’Observatoire congolais des droits de la nature, saluent l’initiative mais souhaitent obtenir des garanties supplémentaires sur la gestion des risques de déversements en zone côtière.
Le ministère de l’Environnement assure que les évaluations d’impact social et environnemental seront rendues publiques, conformément aux directives nationales et aux standards de la Banque mondiale, renforçant ainsi la transparence du processus.
Une équipe conjointe SNPC-TotalEnergies doit par ailleurs analyser le potentiel d’utilisation de l’énergie solaire sur les plateformes pour réduire la dépendance aux générateurs diesel, une première dans les eaux congolaises.
En définitive, le permis Nzombo illustre l’articulation d’intérêts énergétiques, diplomatiques et environnementaux croisés. Dans un contexte de transition, il offre au Congo-Brazzaville la possibilité de consolider son rôle de producteur fiable tout en poursuivant ses réformes de gouvernance sectorielle.