Un hub stratégique en mutation continue
Situé à l’extrémité méridionale du golfe de Guinée, le port en eaux profondes de Pointe-Noire constitue depuis plusieurs décennies la porte d’entrée la plus courte vers l’hinterland d’Afrique centrale. Avec des profondeurs naturelles rarement égalées sur la côte ouest, le site attire désormais les navires de 366 mètres de nouvelle génération, exigeant une mécanique de manutention plus agile. Dans ce contexte, l’acquisition par Congo Terminal – filiale d’Africa Global Logistics – de sept portiques de parc RTG d’une capacité de quarante tonnes marque une étape décisive. Les autorités portuaires y voient « un amortisseur logistique pour absorber durablement la croissance des flux », selon un responsable joint à Brazzaville.
Les chiffres donnent la mesure de l’enjeu : franchir régulièrement la barre d’un million d’équivalents vingt pieds (EVP) manipulés, puis atteindre 2,4 millions à l’horizon 2027, suppose de repenser la dynamique de stockage et de transbordement. Les nouveaux engins, capables de couvrir sept travées et de superposer cinq hauteurs de conteneurs, accroîtront la densité de parc sans allonger les délais de séjour – indicateur scruté de près par les commissionnaires de transport.
La synergie public-privé comme moteur
En République du Congo, où les infrastructures constituent un levier clé de la diversification économique prônée par le Plan national de développement, la collaboration entre l’État et le secteur privé demeure la règle d’or. La concession confiée à Congo Terminal illustre un modèle articulant partage des risques, transfert de compétences et obligation de résultats. « Participer au développement de l’Afrique, c’est aussi participer à son inter-connectivité », rappelle Sandrine Wamy, directrice d’exploitation, soulignant que chaque portique mis en service résulte d’une chaîne d’approbation conjointe entre le Port autonome, le ministère des Transports et les bailleurs.
Cette approche concertée s’accompagne d’un volet social substantiel. L’introduction d’une technologie RTG requiert trois opérateurs par machine, organisés en rotations. Selon nos informations, une cinquantaine de techniciens ont bénéficié d’un programme intensif de formation bilingue franco-anglo-saxonne assuré par des instructeurs sud-africains. L’initiative épouse ainsi l’objectif gouvernemental de montée en gamme des savoir-faire locaux, corollaire indispensable à une industrialisation maîtrisée.
Technologie RTG : un saut qualitatif
À la différence des grues mobiles traditionnelles, les portiques sur pneus à déport variable offrent une précision millimétrique dans la manutention, tout en réduisant la consommation de carburant grâce à des moteurs hybrides de dernière génération. Cette évolution s’inscrit dans la feuille de route verte promue par Brazzaville depuis la COP27 : le terminal vise une économie de plus de 600 tonnes de CO₂ par an à partir de 2025.
Du point de vue opérationnel, la cadence de manutention par grue devrait dépasser 30 mouvements à l’heure, un seuil qui fera de Pointe-Noire l’un des rares ports d’Afrique subsaharienne à se rapprocher des standards de Durban ou Tanger Med. Les transitaires interrogés anticipent déjà une réduction notable du coût global logistique, élément susceptible de stimuler les exportations agro-forestières congolaises tout en renforçant l’attractivité du corridor Pointe-Noire–Brazzaville–Bangui.
Impact régional sur la chaîne de valeur
Au-delà des frontières congolaises, la montée en puissance du terminal porte en germe une recomposition des routes maritimes régionales. Les armateurs, soucieux de rationaliser leurs escales, pourraient privilégier Pointe-Noire comme tête de pont pour desservir l’Angola, la RD Congo et même la Zambie par voie ferroviaire. Un diplomate d’Afrique australe, sous couvert d’anonymat, estime que « le port consolide sa stature de plateforme de neutralité commerciale, un atout dans une sous-région parfois traversée par des tensions tarifaires ».
La stratégie de transbordement s’accompagne d’investissements périphériques : extension des entrepôts sous douane, renforcement des voies ferrées du CFCO et modernisation de la route nationale 1. Ces chantiers, conduits en synergie avec les bailleurs multilatéraux, incarnent la volonté du président Denis Sassou Nguesso de positionner le Congo comme pivot logistique entre Golfe de Guinée et bassin du Congo, sans opposer développement économique et préservation de la souveraineté nationale.
Perspectives alignées sur la Vision 2030
La mise en service d’une nouvelle plateforme au Môle Est parachèvera, d’ici trois ans, le visage renouvelé du port. À cet horizon, les projections officielles tablent sur la création directe de plus de 800 emplois qualifiés et sur une contribution additionnelle de 1,5 point au PIB. Le gouvernement mise par ailleurs sur l’effet d’entraînement auprès des PME locales, encouragées à se positionner sur la chaîne logistique – condition essentielle à une croissance inclusive.
En définitive, l’arrivée des sept RTG ne relève pas d’un simple saut capacitaire. Elle constitue un signal politique et économique : celui d’un Congo qui se saisit de la révolution numérique et écologique pour consolider sa compétitivité, attirer de nouveaux investisseurs et conforter son rôle de trait d’union entre les marchés d’Afrique australe et ceux d’Afrique de l’Ouest. À l’heure où les échanges intra-africains s’intensifient sous l’impulsion de la Zone de libre-échange continentale, Pointe-Noire entend bien tenir sa promesse : offrir à la diplomatie économique congolaise un point d’appui logistique de premier plan.