Une commémoration à forte charge symbolique
Chaque 16 juin, la Journée de l’Enfant africain rappelle le souvenir de Soweto et interroge les politiques publiques dédiées à la jeunesse. Brazzaville a choisi cette année de coupler la célébration internationale à une séance de travail de haute portée civique : les 328 jeunes élus du Parlement des enfants, emmenés par leur présidente Grâce Frédérique Baboutila, ont franchi les grilles du Palais des congrès pour exposer leur feuille de route au président de l’Assemblée nationale, Isidore Mvouba. La présence de la ministre en charge de la Promotion de la femme et de l’intégration de la jeunesse, Irène Marie Cécile Mboukou-Kimbatsa Goma, et de l’immunologue Francine Ntoumi, ambassadrice de l’UNICEF, a conféré à l’événement une envergure institutionnelle inédite.
Entre plaidoyer et esquisse législative
Face au perchoir, la délégation juvénile a défendu la transformation du décret fondateur de leur chambre en un texte de loi organique, gage de pérennité et de lisibilité protocolaire. Isidore Mvouba a jugé la proposition « parfaitement recevable dans l’esprit de la Constitution, qui consacre la participation citoyenne de toutes les générations ». L’ouverture d’un espace de travail permanent au sein de l’hémicycle et l’inscription officielle des enfants députés dans le protocole d’État ont été actées de principe, prélude à un examen par la commission des lois.
Financements et efficience budgétaire
Avec une dotation annuelle plafonnée à trois millions de francs CFA, le Parlement des jeunes entend pourtant déployer des actions qui excèdent de loin cette enveloppe. La ministre Mboukou-Kimbatsa Goma a souligné « l’exigence d’un alignement budgétaire réaliste avec l’ambition éducative nationale ». Le président de l’Assemblée s’est engagé à explorer des partenariats public-privé susceptibles de relayer l’effort de l’État, tandis qu’un mécanisme d’audits partagés sera mis en place afin de garantir la traçabilité des fonds et satisfaire aux standards internationaux de la coopération.
Un regard lucide sur les défis de terrain
Bien qu’enthousiastes, les jeunes parlementaires n’ont pas éludé la question des violences en milieu scolaire. Grâce Frédérique Baboutila a relevé des cas de harcèlement sexuel signalés dans le département de la Bouenza, rappelant que « la qualité de l’apprentissage se mesure aussi à la sécurité des élèves ». Francine Ntoumi a plaidé pour une approche intersectorielle associant la santé, l’éducation et la justice, conformément aux recommandations du Partenariat mondial pour l’éducation. Les députés juniors entendent mener des campagnes de sensibilisation conjointes avec les sapeurs-pompiers, dont ils ont déjà suivi une initiation aux gestes de premiers secours.
La diplomatie de l’enfance comme vecteur d’influence
Au-delà de la scène nationale, la démarche brazzavilloise s’inscrit dans un mouvement continental visant à renforcer l’autonomie des enfants dans l’élaboration des politiques publiques. Le Conseil des ministres de l’Union africaine, réuni à Addis-Abeba en février dernier, a d’ailleurs salué les parlements juniors comme « incubateurs d’une citoyenneté responsable ». Pour le Congo-Brazzaville, où la tranche d’âge des moins de 18 ans représente près de la moitié de la population, il s’agit d’un atout démographique qui peut renforcer la résilience socio-économique et consolider l’image du pays sur la scène régionale.
Vers une institutionnalisation pleine et entière
Isidore Mvouba a conclu les échanges en estimant que la future loi consacrant le Parlement des jeunes pourrait être déposée à la session budgétaire de novembre, laissant présager une adoption rapide compte tenu du consensus affiché. Dans l’attente, un calendrier d’ateliers sur la prise de parole publique, la rédaction de rapports et l’éthique parlementaire sera piloté par l’École nationale d’administration. Les jeunes députés espèrent ainsi disposer dès 2025 d’un cadre juridique consolidé, d’un financement renforcé et d’une visibilité accrue, autant de prérequis à la maturation d’une génération déjà convaincue que la politique n’est pas uniquement affaire d’adultes.