Des blouses blanches sous le signe de l’amitié
Dans la cour lumineuse de l’ambassade de Chine à Brazzaville, le 11 novembre, vingt-quatre médecins et infirmiers fraîchement arrivés de Hangzhou ont fait front commun avec leurs aînés sur le départ, scellant la passation de la 31e à la 32e mission médicale.
Sous les applaudissements, l’ambassadrice AN Qing a salué « l’engagement exemplaire » de l’équipe sortante, laquelle, selon elle, a tenu « toutes ses promesses auprès du peuple congolais ». La diplomate a aussitôt invité les nouveaux venus à « écrire un chapitre encore plus ambitieux ».
Cette relève annuelle, lancée en 1968, est devenue un rituel sanitaire majeur entre Pékin et Brazzaville. Chaque contingent apporte équipements, formations et consultations spécialisées, renforçant l’offre de soins sans alourdir le budget public congolais.
Pour la nouvelle cheffe d’équipe, Dr Liu Xinyue, le défi est clair : « continuer à délivrer des soins de qualité et à marier médecine traditionnelle chinoise et occidentale ». Ses mots ont été traduits avec soin devant les représentants de cinq ministères congolais.
Un relais symbolique à l’Hôpital de l’Amitié
Dans quelques jours, les praticiens prendront leur quartier à l’hôpital de l’Amitié sino-congolaise de Mfilou, une structure phare inaugurée en 2013. Là, ils assureront la chirurgie, la cardiologie, l’acupuncture et la gestion de la pharmacie hospitalière.
Une antenne sera maintenue à Loandjili, dans le corridor pétrolier de Pointe-Noire, afin de couvrir le Sud-Ouest. Grâce à ce maillage, plus de 700 000 consultations ont été réalisées durant la décennie, selon les données du ministère de la Santé.
Le directeur général de l’hôpital, Dr Jacques Ibata, voit dans cette continuité « un soulagement pour les personnels locaux, qui gagnent un partage régulier d’expérience ». Pour lui, la coopération est surtout « une école ouverte en permanence ».
Dans la foulée, les anciens ont diffusé un court documentaire illustrant des interventions complexes menées avec leurs collègues congolais : césariennes d’urgence, endoscopies et campagnes de dépistage diabète-hypertension. Chacun a reçu un diplôme honorifique placé sous un bananier, symbole d’abondance.
Le 15e Plan quinquennal en toile de fond
L’arrivée de cette 32e équipe coïncide avec le démarrage du 15e Plan quinquennal chinois, focalisé sur la santé globale. Pékin entend multiplier les projets phares d’ici 2027, notamment en Afrique centrale, selon la Commission nationale du développement.
Dans son allocution, AN Qing a rappelé que ces priorités s’inscrivent aussi dans les « dix actions de partenariat » du Forum sur la coopération sino-africaine. Les équipes médicales constituent l’un des canaux pour matérialiser la dimension sanitaire de ces engagements.
Côté congolais, le ministère de la Coopération internationale voit dans cette convergence une possibilité de mieux aligner le Plan national de développement 2022-2026, qui accorde déjà une place renforcée aux infrastructures hospitalières et à la couverture sanitaire universelle.
Selon un diplomate présent, les discussions portent sur l’installation future d’une unité de télémédecine reliant Brazzaville, Pékin et Chengdu, afin d’accélérer le diagnostic à distance et d’élargir la formation continue des médecins congolais en temps réel.
Quels bénéfices pour le système de santé congolais ?
Depuis 2019, la pandémie de Covid-19 a révélé les fragilités logistiques de nombreuses structures provinciales. Les missions chinoises ont fourni oxygène, respirateurs et kits de test, contribuant à limiter la progression virale, selon le bureau congolais de l’OMS.
Le transfert de compétences figure aussi parmi les gains les plus visibles. Cent soixante-dix praticiens congolais ont obtenu, en quatre ans, un certificat de spécialisation courte en anesthésie, orthopédie et imagerie grâce à des modules animés conjointement par les deux parties.
Sur le terrain, les patients évoquent surtout la réduction des délais d’attente. « Je n’ai pas dû me rendre à Kinshasa pour mon angiographie », confie Monsieur Damba, un retraité, croisé dans le hall d’accueil repeint aux couleurs sino-congolaises.
Au-delà de l’impact immédiat, la présence continue de spécialistes étrangers rassure les investisseurs privés intéressés par les cliniques de proximité. Plusieurs dossiers de partenariat public-privé sont à l’étude, touchant l’imagerie mobile et la maintenance biomédicale.
Et après ? Vers une communauté de santé de haut niveau
Sous la véranda de l’ambassade, les tambours ont ponctué la fin de cérémonie, mais les acteurs regardent déjà plus loin. Brazzaville prépare la révision de son Code de la santé, avec un chapitre dédié à la coopération internationale hospitalière.
Le texte, attendu au Parlement en 2024, devrait sécuriser les échanges de données médicales et clarifier le statut des praticiens étrangers. Les responsables saluent une étape vers « une communauté de santé de haut niveau, bénéfique à tous ».
À l’ombre des grands enjeux géopolitiques, la diplomatie du stéthoscope s’affirme comme un terrain consensuel, porteur de résultats tangibles pour la population. Pékin comme Brazzaville y voient un vecteur discret mais puissant de stabilité et d’image positive.
Le Dr Liu conclut : « Chaque patient guéri nourrit l’amitié sino-congolaise ». Sous les néons, les nouveaux blouses blanches ont levé trois doigts, signe de santé en langue chinoise. Le message est clair : le meilleur reste à venir.