Course à Bangui : ce qu’il faut retenir
Bangui s’est réveillée avec une liste définitive de sept prétendants au fauteuil suprême, dévoilée par le Conseil constitutionnel. La présence des anciens Premiers ministres Anicet-Georges Dologuélé et Henri-Marie Dondra, longtemps jugée incertaine, a créé la surprise.
La décision enlève un motif de tension au processus électoral et rassure nombre d’acteurs. « Il fallait sacrifier un peu de rigidité juridique pour préserver la paix », a glissé Mathurin Dimbélé Nakoé, porte-parole de la majorité présidentielle, sur les ondes de RFI.
Pour les deux opposants, l’heure est au soulagement. Ils rappellent pourtant que leurs recours étaient strictement juridiques et qu’aucune faveur ne leur aurait été accordée. L’opinion publique, elle, oscille entre satisfaction et scepticisme.
Le Mouvement pour la libération du peuple centrafricain, qui a choisi de boycotter, parle d’un « sketch » orchestré par les institutions. Au-delà des invectives, cette validation redessine le paysage politique à quatorze mois du vote.
Validation des candidatures et grille juridique
Le Conseil constitutionnel s’est appuyé sur la loi fondamentale de 2023, souvent jugée restrictive. Plusieurs juristes rappellent que les articles relatifs à la nationalité et aux biens déclarés pouvaient, en théorie, bloquer Dologuélé et Dondra.
Pourtant, aucun recours n’a prospéré. « La décision est souveraine, elle s’impose à tous », souligne un magistrat ayant requis l’anonymat. La haute juridiction a rejeté trois autres dossiers, invoquant, notamment, l’absence de titres de propriété.
Cet écart entre la lettre du texte et sa mise en œuvre nourrit l’idée d’une lecture volontairement large, afin d’éviter un scrutin trop fermé. Un observateur confie : « Si Touadéra avait voulu écarter ses anciens Premiers ministres, il l’aurait fait. »
L’épisode confirme la souplesse dont la Centrafrique sait parfois user pour maintenir la cohésion. Reste à savoir si cette procédure créera un précédent ou restera une exception dictée par le contexte.
L’équation des bailleurs internationaux
La Centrafrique dépend largement d’appuis extérieurs pour financer ses scrutins. Selon plusieurs sources diplomatiques, des partenaires ont insisté sur la nécessité d’une élection inclusive, conditionnant une partie de leur soutien budgétaire.
La validation des deux figures de l’opposition répond donc aussi à un impératif financier. « Il faut montrer que le jeu est ouvert », rappelle un diplomate africain. Sans cela, certaines enveloppes auraient pu être gelées.
Ce calcul n’est pas nouveau. Déjà lors des précédentes consultations, Bangui avait ajusté son calendrier pour satisfaire ses bailleurs. La conjoncture économique actuelle renforce encore cette dépendance.
Pour le gouvernement, il s’agit de concilier souveraineté et réalisme. L’équilibre trouvé paraît, pour l’heure, satisfaire la communauté des partenaires, qui suivra de près la campagne.
Organisation logistique face au chronomètre
L’Autorité nationale des élections assure avoir réceptionné les cartes d’électeurs et finalisé la cartographie des bureaux de vote. Le président de l’organe, Barthélemy Mathurin, affirme que « tout sera prêt le 28 décembre 2025 ».
Anicet-Georges Dologuélé plaide pourtant pour des discussions techniques supplémentaires et n’exclut pas un léger report. Il estime que certaines zones enclavées risquent de manquer de matériel et de personnel formé.
Les forces de sécurité, soutenues par la Mission onusienne, travaillent déjà sur le déploiement. La saison sèche, qui débute en décembre, devrait faciliter les déplacements, mais la situation sécuritaire reste volatile dans l’Est.
Le budget opérationnel, chiffré à près de 25 milliards de francs CFA, dépend encore de décaissements attendus dans les prochaines semaines. Tout retard financier pourrait bouleverser le calendrier.
Scénarios politiques à l’horizon 2025
Avec deux opposants de poids officiellement en lice, la campagne promet d’être plus compétitive qu’anticipé. Les analystes évoquent un scrutin à trois pôles, dominé par Touadéra, Dologuélé et Dondra.
La fragmentation de l’opposition, accentuée par le boycott du MLPC, pourrait cependant favoriser le chef de l’État sortant. Certains espèrent une coalition anti-sortant, mais les ego et programmes divergent.
Touadéra mise sur son bilan sécuritaire et la poursuite des réformes économiques. Dologuélé promet une gouvernance financière « impeccable », tandis que Dondra fait valoir sa connaissance des rouages budgétaires.
À treize mois du vote, la Centrafrique entre dans une phase charnière. Les prochains défis seront la sécurisation du territoire, la mobilisation des fonds et la crédibilisation de l’arbitre électoral.
