Ce qu’il faut retenir
L’annonce du retrait d’Akere Muna redistribue les cartes de la présidentielle camerounaise prévue le 12 octobre. L’avocat anticorruption apporte son poids médiatique et ses réseaux au vétéran Bello Bouba Maigari, faisant chuter le nombre de candidats actifs à dix.
Cette décision renforce une partie de l’opposition voulant fédérer autour d’un seul nom face au président sortant Paul Biya, invaincu depuis 1982, actuellement en campagne à distance depuis l’Europe.
Contexte : précédents désistements
Akere Muna avait déjà choisi le retrait en 2018 au profit de Maurice Kamto. Cette fois, il emboîte le pas à Caxton Seta Ateki, lui aussi rangé derrière Maigari, illustrant la récurrence des alliances de dernière minute dans la politique camerounaise.
Les douze dossiers validés par les autorités électorales sont donc déjà réduits. Reste à savoir si d’autres figures, parfois nostalgiques du « sauve-qui-peut » de 1992, accepteront la coalition ou préféreront défendre leur étiquette jusqu’au bulletin.
Retrait surprise d’Akere Muna
« Je préfère être le catalyseur d’une alternance réelle plutôt que de disperser les suffrages », a déclaré Muna devant près d’un millier de sympathisants rassemblés sous la pluie de Douala, le 8 septembre. Son parti UNIVERS entérine aussitôt la décision.
L’avocat rappelle sa trajectoire : lutte contre la corruption, proximité avec la société civile et rôle de médiateur lors des crises anglophones. En se plaçant derrière Maigari, il espère « convertir l’essai » que son désistement de 2018 n’avait pas permis.
Maigari, vétéran du jeu politique
À 78 ans, Bello Bouba Maigari revendique une carrière traversant quatre décennies. Premier ministre deux ans après la chute du parti unique, allié de Biya jusqu’en 2019, il connaît l’appareil d’État mieux que n’importe lequel de ses concurrents.
Son parti, l’Union nationale pour la démocratie et le progrès, conserve de solides bastions dans le Nord, l’un des plus grands réservoirs électoraux. Des analystes y voient un atout face à l’émiettement du vote urbain.
Paul Biya, favori absent mais omniprésent
Le président sortant, 92 ans, se trouve en Europe pour un séjour privé. Une vidéo conçue par intelligence artificielle a lancé sa campagne, tandis que ses ministres sillonnent le territoire pour relayer le message du CPDM.
Ce recours à la technologie illustre la capacité du camp Biya à imposer l’agenda médiatique même en l’absence physique du candidat. Les opposants, eux, dénoncent un appareil d’État mobilisé pour entretenir l’aura du « sphinx ».
Coalition ou dispersion : les scénarios
Cabral Libii, du PCRN, a réuni un millier de partisans le même jour à Douala. Il maintient sa candidature, affirmant que la coalition « ne se décrète pas à la hâte ».
Les négociations se poursuivent également avec des micro-partis prêts à troquer leur logo contre des sièges au Parlement, tandis que d’autres aspirants misent sur un second tour hypothétique, scénario jamais encore observé dans le pays.
Si l’effet domino se confirme, Maigari pourrait cristalliser un front commun inédit depuis 1992. Dans le cas contraire, la dispersion des voix, surtout dans les régions anglophones, risque de conforter le statu quo.
Pour certains militants, l’enthousiasme ressenti lors du retrait de Muna est un signe que les électeurs sont disposés à voter utile. Cependant, le souvenir de 2018, où Maurice Kamto affirmait avoir gagné, reste présent.
Et après ? Les prochains jalons
Les candidats disposent de quatre semaines pour convaincre. Le dépôt des procurations s’achève dans dix jours, avant la distribution du matériel électoral. Les observateurs internationaux attendent toujours leurs accréditations définitives.
Une carte interactive des bastions politiques, publiée par notre rédaction, montre déjà l’intensification des tournées dans le Grand-Nord et les villes portuaires. Les chiffres d’affluence nourriront les premiers baromètres internes des équipes de campagne.
Les électeurs, de leur côté, scrutent les programmes sur la crise anglophone, le coût de la vie et la redistribution pétrolière. Jusqu’ici, les débats télévisés tardent, mais les réseaux sociaux relaient chaque déplacement en temps réel.
Selon un consultant politique basé à Yaoundé, « la clé sera la capacité de l’opposition à éviter les attaques mutuelles. Si les ego s’effacent, Maigari peut transformer le duel annoncé en véritable test démocratique ».
Les commissaires électoraux promettent un dispositif de consolidation des résultats « télétransmis en temps réel ». Les associations citoyennes réclament aussi la publication bureau par bureau pour prévenir toute contestation.