Un projet au croisement de la diplomatie climatique et du développement rural
C’est dans la salle des conférences du ministère de l’Économie, à quelques encablures du fleuve Congo, que Ludovic Ngatsé a entériné le 16 juin 2025 le démarrage officiel du Projet de création d’activités économiques inclusives et résilientes au changement climatique, plus connu sous l’acronyme ProClimat. Entré juridiquement en vigueur dès octobre 2023, le programme réunit pendant cinq ans l’expertise nationale et l’ingénierie financière de la Banque mondiale autour d’un objectif simple : doter les populations rurales de capacités d’adaptation proportionnées à l’ampleur du dérèglement climatique tout en soutenant la transformation structurelle de l’économie congolaise. Pour de nombreux observateurs, l’événement aura surtout consacré la place grandissante de la diplomatie climatique de Brazzaville dans le concert régional.
Une architecture financière hybride saluée par les bailleurs
L’enveloppe cumulée de 132 millions de dollars américains repose sur un triptyque rarement mobilisé dans la sous-région : un prêt de 70 millions de la Banque internationale pour la reconstruction et le développement, un don de 12 millions du mécanisme ProGreen et un financement additionnel de 50 millions de l’Association internationale de développement. « C’est un modèle qui conjugue finance verte, solidarité internationale et responsabilité budgétaire », a résumé un responsable de la Banque mondiale présent à la cérémonie. Cette combinaison permet de sécuriser les flux tout en contenant l’endettement, répondant ainsi aux exigences de soutenabilité prônées par l’exécutif congolais.
Gouvernance et calendrier : le choix assumé d’un tempo maîtrisé
Si les fonds sont disponibles depuis 2023, Brazzaville a délibérément privilégié une phase préparatoire étendue. L’ossature institutionnelle – comité de pilotage interministériel, cellule de gestion du projet et mécanismes de consultation citoyenne – a été bâtie avant toute annonce officielle. Ludovic Ngatsé en assume la philosophie : « Nous voulions un dispositif indemne des approximations qui ont trop souvent grevé les programmes antérieurs ». Cette temporalité, parfois jugée longue par certains partenaires techniques, a néanmoins permis d’aligner ProClimat sur les Contributions déterminées au niveau national révisées en 2022 et sur la Stratégie nationale de développement 2022-2026.
Premiers résultats tangibles sur le terrain
La composante 5, consacrée aux services sociaux et sanitaires, a déjà livré des signaux encourageants. Plus de 300 agents communautaires ont été formés à la surveillance épidémiologique des maladies hydriques tandis que 27 centres de santé ruraux ont reçu des équipements fonctionnant à l’énergie solaire, réduisant de près de 40 % leur facture énergétique selon les données préliminaires du projet. Dans le district de Ngabé, des paysannes regroupées au sein de la coopérative Mboté obtiennent désormais des micro-crédits bonifiés pour l’introduction de variétés de manioc résistantes à la sécheresse. « Le climat ne sera plus notre handicap, mais notre moteur d’innovation », témoigne leur présidente, Philomène Nkounkou.
Perspectives et attentes des partenaires
Le déploiement des autres composantes, dont celle dédiée à l’agriculture climato-intelligente, débutera au troisième trimestre 2025 avec l’ambition de toucher 562 000 bénéficiaires directs. Les administrations départementales, désormais associées aux audits de performance, devront veiller à la bonne articulation entre génie civil, reforestation et marchés agricoles. La Banque mondiale y voit une opportunité d’effet démonstratif pour l’ensemble du Bassin du Congo, tandis que le gouvernement espère renforcer la souveraineté alimentaire tout en consolidant son crédit politique sur la scène internationale.
À moyen terme, Brazzaville souhaite également mobiliser des financements additionnels via le marché du carbone et la Facilité pour les forêts d’Afrique centrale. L’inscription de ProClimat dans ce futur panier d’instruments confirmerait la montée en puissance d’une diplomatie congolaise qui, sans renoncer à l’exploitation responsable de ses ressources fossiles, mise résolument sur la valeur stratégique de ses puits de carbone naturels. « Le temps est venu d’allier pragmatisme économique et conscience écologique », conclut Ludovic Ngatsé. Le tempo est donné ; reste à maintenir la cadence jusque mars 2028.