Ce qu’il faut retenir
Le Royaume chérifien franchit un nouveau cap en inaugurant le Complexe Hospitalo-Universitaire International Mohammed VI de Rabat, 600 lits extensibles à 1 000, adossé à une université de santé de 8 000 étudiants. Une opération qui repositionne la médecine africaine sur la carte mondiale.
Contexte
Porté par la Fondation Mohammed VI pour les Sciences et la Santé, le projet s’étend sur 280 000 m² et affiche la certification HQE “Excellent”. Dans la foulée, le souverain a ordonné l’ouverture du CHU Mohammed VI d’Agadir, 867 lits, 3,1 milliards de dirhams.
Un chantier d’envergure HQE
À Rabat, trois ans de travaux ont mobilisé plus de 3 500 ouvriers et 200 ingénieurs. L’ensemble regroupe 30 pôles d’excellence allant de l’oncologie à la chirurgie thoracique. Surtout, il intègre 8 800 m² de panneaux solaires couvrant plus de 10 % de la consommation.
Les architectes ont misé sur l’orientation bioclimatique, la récupération des eaux pluviales et la végétalisation des toits pour réduire l’empreinte carbone. Objectif : positionner le Maroc parmi les pionniers de l’hospitalité durable, un marché mondial estimé à 91 milliards de dollars selon Fitch.
Une vitrine technologique pour l’Afrique
Le complexe accueille le premier TEP-IRM d’Afrique, capable de fusionner imagerie anatomique et métabolique en une seule acquisition. Il dispose aussi de salles de chirurgie robotique 3D, promesse d’actes moins invasifs et de séjours hospitaliers raccourcis, gages de coûts maîtrisés.
Pour les futurs praticiens, la proximité entre blocs opératoires et amphithéâtres crée un laboratoire d’apprentissage grandeur nature. « Nous pourrons réaliser 15 000 interventions complexes par an », assure le Pr. Samir El Ghouila, directeur médical, évoquant un potentiel de recherche clinique inédit.
Impact régional et partenariats Sud-Sud
Le Maroc ambitionne d’attirer des patients d’Afrique de l’Ouest et centrale, marché évalué à 4 milliards de dollars de tourisme médical. Des conventions de référence ont déjà été signées avec Dakar et Libreville, couvrant transplantation hépatique, cardiologie pédiatrique et formation paramédicale.
Pour soutenir cette ouverture, Royal Air Maroc travaille à des forfaits « billet + soins ». Rabat mise sur la Zone de libre échange continentale africaine pour abaisser les barrières logistiques et douanières liées aux produits pharmaceutiques, souvent responsables de 30 % des coûts hospitaliers.
Scénarios pour la santé africaine
Premier scénario : un effet d’entraînement. L’exemple marocain pourrait inciter les États de la CEMAC à mutualiser commandes et maintenance d’équipements lourds, réduisant de 20 % les dépenses d’investissement, selon la Banque africaine de développement, si un pool régional voyait le jour à Douala.
Deuxième scénario : la compétition. Johannesburg, Le Caire et Abuja accélèrent leurs propres hubs médicaux. La qualité de service deviendra un outil de diplomatie, mais aussi de captation de devises. À terme, les centres les plus innovants pourraient attirer davantage de financements climat pour leurs volets énergétiques.
Troisième scénario : la collaboration. Un réseau continental, soutenu par l’Union africaine, permettrait le partage sécurisé des données patients grâce à des plateformes d’IA, évitant le coûteux exode sanitaire vers l’Europe. L’OMS estime que l’Afrique dépense encore 6 milliards de dollars par an à l’étranger.
Le point économique
La construction du complexe de Rabat a été financée par un mix de dons privés, émission obligataire verte et prêts concessionnels islamiques. Un montage réplicable : la valeur ajoutée locale a atteint 55 %, générant 2 500 emplois permanents et un transfert de technologie durable.
Pour les assureurs, l’arrivée d’un plateau technique de haut rang promet de réduire les évacuations coûteuses. La Mutuelle générale du Royaume évalue à 65 millions d’euros les économies annuelles potentielles. Les compagnies congolaises suivent ces chiffres de près, guettant des partenariats réassurance.
Focus formation
L’université adossée au complexe proposera 30 % de ses places à des étudiants subsahariens, via des bourses de la Fondation OCP. Les programmes intègrent simulation numérique, réalité augmentée et management hospitalier, disciplines encore rares dans les cursus classiques d’Afrique centrale.
Cartes et graphiques
Une carte interactive, présentée lors de l’inauguration, localise les transferts de patients entre 12 pays d’origine et Rabat. Les analystes y voient un outil précieux pour cibler les couloirs aériens à développer. Un graphique projeté estime à 25 % la croissance annuelle attendue.
Et après ? Les enjeux pour le Congo
Brazzaville, qui modernise l’Hôpital Général de Talangaï et le Centre hospitalier d’Oyo, observe avec intérêt l’expérience marocaine. Le ministère congolais de la Santé planche sur un partenariat académique pour envoyer des internes en spécialités lourdes, sans remettre en cause les coopérations existantes avec la France et la Chine.
Un accord de jumelage pourrait inclure la télémédecine et la maintenance conjointe des robots chirurgicaux, réduisant l’indisponibilité des équipements qui atteint parfois 40 % dans les structures d’Afrique centrale, selon la CEEAC. L’appui de la BEAC pour un fonds régional est évoqué.
À moyen terme, le Congo ambitionne de faire de Pointe-Noire un pôle de chirurgie cardiaque pour la sous-région. L’exemple marocain prouve qu’une gouvernance stable et des financements mixtes peuvent attirer l’expertise nécessaire, tout en gardant la maîtrise publique des tarifs sociaux.
Un comité mixte Maroc-Congo devrait se réunir avant fin d’année pour définir une feuille de route opérationnelle et budgétaire conjointe.
