Points-clés raffinerie Port-Gentil
Libreville et le groupe chinois CRBC ont signé un protocole d’accord pour ériger à Port-Gentil une raffinerie neuve, appelée à combler l’insuffisance de capacités de transformation du Gabon et à réduire les importations de carburants qui pèsent sur la balance commerciale.
L’unité industrielle s’ajoutera à la Sogara, bâtie en 1964, dont le vieillissement limite la production à 13 000 barils quotidiens, soit moins d’un tiers de la demande intérieure estimée à 46 000 barils par jour en 2023.
Contexte pétrolier gabonais
Le Gabon pompe près de 200 000 barils par jour, selon l’OPEP, mais doit importer une part importante des produits finis, faute de raffinerie performante. Cette dépendance expose les finances publiques aux variations internationales des prix du diesel et de l’essence.
En 2024, la Sogara a franchi le seuil de 910 000 tonnes de brut raffinées, léger sursaut porté par des travaux de maintenance, mais le déficit persiste. Les stations-service de Libreville continuent d’afficher des ruptures ponctuelles, nourrissant l’impatience des transporteurs.
Accord stratégique Libreville-CRBC
Le protocole signé le 15 octobre 2025 jalonne la première étape. Le texte encadre les études techniques, l’ingénierie financière et la recherche d’investisseurs. Un accord définitif fixera la capacité de traitement, le calendrier et le schéma de partage de production.
China Road and Bridge Corporation n’en est pas à son premier chantier au Gabon. Le groupe, filiale de l’étatique CCCC, pilote déjà la construction et la réhabilitation de 250 kilomètres de routes dans la province septentrionale du Woleu-Ntem, renforçant sa présence multisectorielle.
Objectif souveraineté énergétique
Pour le ministère du Pétrole, la nouvelle raffinerie doit sécuriser l’approvisionnement national, limiter les sorties de devises liées aux importations et soutenir la conversion locale du brut, gage d’une valeur ajoutée plus élevée dans une économie encore marquée par la rente extractive.
Plus de 20 000 emplois sont annoncés durant la phase de construction, un argument social de poids pour Port-Gentil, où le ralentissement de l’exploration offshore a provoqué des licenciements. Les autorités affirment que les recrutements donneront la priorité aux jeunes techniciens gabonais.
Retombées régionales et corridors
Port-Gentil, ouverte sur l’Atlantique, sert déjà de hub logistique aux opérateurs basés au Congo-Brazzaville et en Guinée équatoriale. Une raffinerie compétitive pourrait élargir cette fonction, en exportant carburants et bitumes vers les pays de la CEMAC qui manquent d’unités modernes.
Libreville insiste toutefois sur la priorité donnée au marché intérieur. Les textes prévoient qu’un volume minimal de production couvre d’abord les besoins nationaux avant toute sortie transfrontalière, un mécanisme similaire à ceux retenus par d’autres producteurs africains pour garantir la sécurité locale.
Financement et partage de risques
CRBC financera une partie des travaux via un montage associant prêts commerciaux et facilités concessionnelles chinoises. Libreville entend mobiliser la Caisse des dépôts gabonaise et, si nécessaire, un consortium bancaire régional afin de maintenir une participation d’État supérieure à 40 %.
La rentabilité dépendra du prix du brut, mais également de la demande régionale pour les dérivés : kérosène, bitume et naphta. Les négociations porteront aussi sur les clauses de rachat prioritaire, cruciales pour garantir à CRBC un flux de revenus linéaire malgré la volatilité.
Un partenariat sino-gabonais en expansion
Le projet illustre la diversification croissante des relations extérieures du Gabon. Libreville entretient des liens historiques avec Paris et Washington, mais mise désormais sur Pékin pour moderniser ses infrastructures en échange d’un accès au marché gabonais des travaux publics et de l’énergie.
Dans la province du Woleu-Ntem, les chantiers routiers menés par CRBC emploient déjà des sous-traitants locaux. Les autorités espèrent répliquer cette démarche dans le pétrole, en exigeant des quotas de contenu local qui favoriseront les PME gabonaises et le transfert de compétences à forte intensité de main-d’œuvre locale.
Et après ? Feuille de route énergétique
Une fois l’accord final paraphé, les études d’impact environnemental devront démarrer. Les services techniques tablent sur dix-huit mois pour boucler les autorisations, ce qui placerait la pose de la première pierre fin 2027, pour une mise en service industrielle à l’horizon 2030 et d’essais opérationnels initiaux obligatoires préliminaires.
Le gouvernement envisage d’adosser à la raffinerie une unité pétrochimique, afin de produire plastiques et engrais. Cette chaîne aval permettrait de capter davantage de valeur et d’amorcer la transition vers une économie moins dépendante des fluctuations brutes du marché international.
À moyen terme, les autorités veulent aligner le futur schéma énergétique sur les engagements climatiques du Gabon. L’exécutif assure qu’une technologie de récupération de soufre sera intégrée pour limiter les émissions, tandis que la cogénération électrique pourrait alimenter Port-Gentil en énergie bas-carbone.
Reste l’épreuve du financement global. Libreville promet de publier un calendrier détaillé d’ici six mois. Les investisseurs scruteront la solidité des clauses, tandis que la population attend surtout un carburant abordable, des emplois durables et une stabilité des prix à la pompe dans toutes les régions du pays.
