Ce qu’il faut retenir
Sous l’impulsion du ministère congolais de la Santé et de l’OMS, Brazzaville vient de piloter la toute première simulation africaine consacrée à la surveillance de la résistance aux antimicrobiens. L’initiative teste la capacité du pays à détecter, signaler et contenir des agents pathogènes multirésistants.
Un laboratoire d’apprentissage régional
Choisi comme terrain pilote, le Congo concentre les défis classiques de la région : usage parfois non contrôlé des antibiotiques, capacités de diagnostic inégales et besoin d’intégrer les données humaines, animales et environnementales. L’exercice sert de banc d’essai avant un déploiement élargi sur le continent.
Scénario grandeur nature
Durant deux jours, équipes humaines et vétérinaires ont fait face à une infection simulée provoquée par une bactérie multirésistante. Objectifs : identifier les cas suspects, confirmer le pathogène au laboratoire, partager en temps réel les résultats et coordonner la riposte pour protéger les populations et les cheptels.
Cartographie des rôles
Le jeu de rôle a précisé qui détecte, qui alerte et qui décide. Les laboratoires confirment, l’Institut national de santé publique consolide, puis le Centre des opérations d’urgence valide l’alerte. Cette chaîne d’information doit désormais être intégrée au système national de Surveillance intégrée des maladies et riposte.
Un signal positif pour la stratégie nationale
Le Congo dispose d’un plan d’action RAM validé depuis 2022. La simulation fournit des données concrètes pour accélérer sa mise en œuvre, notamment l’inclusion systématique de la RAM dans les rapports sanitaires hebdomadaires et la mise à niveau progressive des laboratoires provinciaux.
Approche One Health consolidée
En réunissant médecins, vétérinaires et environnementalistes, l’exercice ancre l’approche One Health, défendue par l’OMS, la FAO et l’OIE. « La santé humaine ne peut être dissociée de la santé animale et des écosystèmes », rappelle le Dr Lucien Ngouamba, coordinateur national RAM.
Pourquoi la RAM inquiète l’Afrique
L’Afrique subsaharienne enregistre déjà le taux de mortalité RAM le plus élevé au monde, avec plus d’un million de décès directs par an. Sans action forte, ce chiffre pourrait approcher les deux millions à l’horizon 2050, alertent les projections de l’OMS.
Le Congo comme vitrine et catalyseur
En devenant le premier pays africain à tester ce dispositif, Brazzaville envoie un message de mobilisation régionale. Les leçons tirées seront partagées via le réseau de surveillance GLASS, afin que les États voisins puissent adapter leurs protocoles sans partir de zéro.
Le point économique
La RAM a aussi un coût pour l’économie : allongement des hospitalisations, pertes de productivité et dépenses publiques additionnelles. Selon la Banque mondiale, l’inaction pourrait réduire le PIB africain de 3,8 % d’ici 2030. Renforcer la surveillance, c’est donc aussi protéger la croissance nationale.
Contexte réglementaire
Le pays a encadré la vente d’antibiotiques par un décret de 2021, rendant l’ordonnance obligatoire. L’exercice a mis en lumière la nécessité d’un suivi plus strict des pharmacies informelles et d’un contrôle renforcé des importations vétérinaires.
Scénarios d’évolution
Scénario optimiste : la RAM est intégrée au système SIMR dès 2024, avec doublement du nombre de laboratoires sentinelles. Scénario intermédiaire : adoption graduelle et couverture partielle. Scénario de risque : faute de budget, les données restent fragmentées, compromettant la détection précoce.
Et après ?
Une feuille de route post-exercice sera présentée au Conseil des ministres afin de sécuriser les financements domestiques et partenaires. L’OMS assure un appui technique pour le suivi, tandis que le gouvernement explore un Fonds RAM alimenté par une taxe sur les produits pharmaceutiques importés.
Le rôle clé des bailleurs
Le Fonds mondial et l’AFD ont déjà manifesté leur intérêt pour soutenir des laboratoires Didactique sur tout le territoire. « L’exercice démontre que le Congo sait bâtir des plateformes multisectorielles solides », note Aïssatou Diallo, spécialiste santé de l’AFD.
Mobilisation de la société civile
Des ONG locales, comme Action Santé Plus, appellent à sensibiliser les prescripteurs et le grand public. Des campagnes radios mettront l’accent sur l’usage rationnel des antibiotiques et la nécessité d’achever les traitements.
Innovation numérique
Le ministère teste une application mobile de collecte de données RAM, qui pourra être déployée dans les zones rurales à faible connectivité grâce à un mode hors ligne. La start-up congolaise HealthSoft développe l’outil avec le soutien d’experts de l’Union africaine.
Perspectives géopolitiques
En accueillant l’exercice, Brazzaville renforce sa stature au sein de la CEMAC et du Bassin du Congo. Ce leadership sanitaire crédibilise ses démarches pour attirer des investisseurs dans la biotech et les équipements de laboratoire.
Enjeux de formation
La faculté de médecine de l’Université Marien-Ngouabi intègre dès cette année un module RAM obligatoire dans le cursus de pharmacie. Objectif : former une génération de prescripteurs conscients des risques de la multirésistance.
Un pas décisif pour la sous-région
Les prochains exercices sont envisagés au Cameroun et au Gabon. Brazzaville partagera son retour d’expérience afin de mutualiser les coûts et d’harmoniser les protocoles, conformément à la stratégie régionale OMS 2023–2030.
Vers une culture de la vigilance
Au-delà d’un test technique, la simulation installe une culture de la vigilance et de la coordination intersectorielle. Le succès du dispositif congolais pourrait bien inspirer une nouvelle génération de politiques de santé publique sur tout le continent.
