Ce qu’il faut retenir
Les mines d’or et de diamants de Centrafrique rapportent officiellement moins de 3 % de leurs revenus à l’État, signale le Fonds monétaire international dans son dernier rapport.
Entre explosion de la production aurifère et fuite des recettes fiscales, l’institution accuse un dispositif de supervision défaillant que le nouveau Code minier, adopté en août 2024, n’a pas encore réussi à crédibiliser.
Contexte minier centrafricain
La République centrafricaine compte dix préfectures aurifères et neuf diamantifères sur seize. Dans ces bassins s’activent entre 150 000 et 200 000 travailleurs, un chiffre prudent qui témoigne de la place déterminante du secteur extractif pour l’emploi artisanal.
Avant la crise politico-militaire de 2013, les minerais se classaient troisième source de revenus gouvernementaux, derrière l’agriculture et le bois. Les diamants généraient à eux seuls 11 % des recettes fiscales en 2010, déjà entachées par des fuites massives vers la contrebande.
Plus d’un tiers des diamants s’échappaient alors sans déclaration, illustrant une tradition d’opacité qui a traversé les décennies. Le choc sécuritaire post-2013 a fragilisé davantage les administrations locales, laissant les comptoirs informels et groupes armés dicter leurs règles.
Explosion de l’or, évanescence des recettes
Selon le FMI, la production aurifère a bondi de 857 kg à plus de 5 t entre 2021 et 2025, valorisée à plus de 150 milliards de FCFA. Pourtant, à peine 4 milliards ont rejoint le Trésor public.
Le différentiel interroge. L’institution internationale décrit des filières officielles contournées, des pesées réalisées hors présence des régies financières et des taxes communales qui ne remontent jamais jusqu’au ministère des Finances.
À Bangui, plusieurs opérateurs concèdent en aparté que les carnets de commandes externes se règlent « en espèces ou en bitcoins », loin des banques locales. Faute de traçabilité, la manne échappe au budget national, creusant le déficit social.
Tabou des circuits parallèles
Le rapport parle d’une « captation organisée » plutôt que d’erreurs administratives. L’architecture de contrôle ne dispose ni de base de données consolidée ni d’inspections indépendantes régulières. Chaque échelon perçoit des taxes informelles qui diluent la valeur avant la capitale.
Dans certaines zones minières, les autorités préfectorales exigent des frais d’escorte et des cargaisons test, prélevés directement sur les sacs de gravier aurifère. Ces prélèvements ne figurent dans aucun compte rendu budgétaire.
Résultat, 2,7 % seulement des revenus miniers sont comptabilisés dans la loi de finances 2025, alors que le pays peine à payer salaires des enseignants et dépenses de santé, rappellent les analystes cités par le FMI.
Le point éco : code minier 2024
Promulgué en août 2024, le nouveau Code minier impose la divulgation des contrats, renforce les obligations environnementales et introduit une taxe communautaire. Sur le papier, il aligne la RCA sur les standards régionaux de bonne gouvernance.
Mais sa mise en œuvre reste tributaire d’un décret d’application et de moyens logistiques. « Sans scanners aux frontières, la déclaration électronique ne suffit pas », prévient un cadre du ministère des Mines, soulignant un budget de fonctionnement encore non voté.
Scénarios pour 2025
Le FMI évoque trois trajectoires possibles. Dans le scénario invariable, les recettes minières stagnent, laissant le pays dépendant des appuis budgétaires extérieurs. Le deuxième tableau, plus optimiste, table sur l’application effective du Code et sur des audits semestriels publics.
Le troisième cas, jugé risqué, verrait le secteur s’informaliser davantage si la pression fiscale s’alourdit sans services publics visibles. Les experts recommandent donc un compromis : réduire les taxes empilées localement et réinvestir immédiatement une partie des recettes dans les villages extractifs.
Et après ? Une fenêtre pour la transparence
Le gouvernement centrafricain assure vouloir rejoindre l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives. L’adhésion impliquerait une publication annuelle des volumes, contrats et paiements, ainsi qu’un suivi multipartite incluant sociétés civiles et bailleurs.
Pour l’heure, habitants de Bria, Berbérati ou Nola attendent des écoles et dispensaires que leurs rivières d’or et lits de diamant devraient financer. Tant que les chiffres resteront confinés aux tiroirs, la prospérité restera théorique.
