Rentrée sous contrôle rebelle
À Goma, la cloche a sonné malgré les barrières de sacs de sable érigées devant certaines salles. Sous contrôle du mouvement M23 depuis des mois, la capitale provinciale du Nord-Kivu entame une rentrée scolaire que peu d’observateurs jugeaient encore possible.
Les autorités éducatives locales estiment que plus de 70 % des établissements ont rouvert, un pourcentage encore inégal entre quartiers. Uniformes repassés, cahiers neufs : les files d’enfants contrastent avec les blindés stationnés à quelques mètres des portails de fortune proches encore.
Résilience des communautés scolaires
Le directeur d’une école publique, joint par téléphone, évoque « une présence rebelle visible mais disciplinée ». Selon lui, aucun enseignant n’a été contraint de quitter son poste, condition essentielle pour maintenir les programmes nationaux déjà perturbés par la pandémie récente.
Loin de tout triomphalisme, plusieurs parents interrogés soulignent que la sécurité reste volatile. Ils envoient néanmoins leurs enfants, espérant que la routine pédagogique limitera l’enrôlement forcé et le décrochage scolaire, deux risques régulièrement signalés par les ONG humanitaires sur place.
La résilience communautaire s’appuie sur des comités de quartier, chargés de vérifier chemins et points d’eau avant l’aube. Une enseignante explique que ces rondes improvisées créent un sentiment de protection partagé, même si aucune garantie formelle n’existe à ce jour.
Implications sécuritaires et diplomatiques
À Kinshasa, le ministère de l’Éducation observe la situation à distance. Un cadre affirme que « la priorité est la continuité pédagogique » et que tout raté serait exploité par les groupes armés pour gagner le cœur des populations déplacées.
Les bailleurs internationaux maintiennent des équipes mobiles qui livrent manuels et craies par motocyclette. Faute d’accès routier sécurisé, le transport aérien reste trop coûteux pour des budgets déjà absorbés par l’aide alimentaire et les abris temporaires dans ces collines isolées.
Sous les toits d’aluminium, les élèves suivent désormais une double grille horaire réduisant la densité en classe. La mesure sanitaire, héritée du Covid-19, s’adapte paradoxalement à la menace militaire : en cas d’alerte, la moitié des enfants peut s’évacuer plus vite.
Les analystes basés à Nairobi rappellent que la rentrée se déroule alors qu’aucun accord définitif n’a été signé entre l’État congolais et le M23. Ils lisent dans cette normalité précaire un message de résilience plutôt qu’un signe de stabilisation durable.
Du côté rebelle, les commandants interrogés par des radios locales promettent de « ne pas perturber l’éducation ». Cette déclaration sert aussi d’outil de communication politique, cherchant à atténuer l’image d’un mouvement principalement associé aux offensives armées et aux déplacements forcés.
Banque africaine de développement: nouvelle ère
Alors que les pupitres se remplissent à Goma, la Banque africaine de développement change de cap à Abidjan. Sidi Ould Tah, ancien ministre mauritanien, vient d’en prendre la présidence avec la promesse d’« une Afrique robuste et prospère » pour tous.
Le nouveau dirigeant hérite pourtant d’un déficit de financement, accentué par l’annonce d’une coupe américaine de 500 millions de dollars destinée aux pays africains les plus pauvres. Le casse-tête budgétaire domine déjà les couloirs du siège ivoirien de la banque régionale.
Tah souligne que la viabilité de la dette, les réductions d’aide et le changement climatique forment un trio de défis interconnectés. Il insiste sur la nécessité d’orienter les ressources vers des secteurs catalytiques tels que l’énergie renouvelable et l’éducation, notamment dans les zones instables comme le Nord-Kivu actuel.
Jeunesse et gouvernance en Afrique australe
Pendant ce temps, au Malawi, la campagne électorale bat son plein avant le scrutin général du 16 septembre. Dix-sept candidats présidentiels sillonnent villes et villages tandis que 229 sièges parlementaires restent en jeu, rappelant l’importance d’un appareil institutionnel solide pour tous.
Les précédentes élections avaient été annulées pour fraude, déclenchant des violences meurtrières. De nombreux électeurs plaident aujourd’hui pour une compétition pacifique, conscients que toute dérive risquerait de s’ajouter à une liste de crises régionales déjà lourde et coûteuse en ressources.
Perspectives pour les décideurs internationaux
La simultanéité de ces actualités, de Goma à Abidjan et Lilongwe, dévoile un même fil conducteur : investir dans la jeunesse reste le levier diplomatique majeur pour contenir conflits, dettes et contestations. Les chancelleries l’analysent avec une attention renouvelée et partagée.
Dans les couloirs des organisations régionales, l’idée circule qu’une rentrée réussie en zone rebelle pourrait servir d’indicateur avancé pour d’autres théâtres africains. Le concept pilote de « corridor éducatif sécurisé » suscite déjà débats techniques et propositions de financement innovantes.
Aucun responsable international ne prétend que les pupitres de Goma suffiront à éteindre les armes. Mais la présence quotidienne d’élèves, même sous la surveillance de sentinelles rebelles, rappelle que la société civile reste le premier partenaire des décideurs locaux actuels.
Les prochains mois diront si l’élan scolaire peut résister aux offensives saisonnières. En attendant, les cahiers de Goma, les plans financiers d’Abidjan et les urnes de Lilongwe dessinent une carte africaine où l’éducation occupe à nouveau le centre du jeu diplomatique.