Ce qu’il faut retenir
Le report soudain de l’assemblée générale ordinaire de la Fédération congolaise de football, prévue le 4 octobre à Brazzaville, rappelle la fragilité institutionnelle d’un sport adoré dans le pays. Entre décision judiciaire et attentes des clubs, l’avenir immédiat des compétitions nationales reste suspendu.
Chronologie d’une décision judiciaire
Tout bascule la veille, le 3 octobre, lorsqu’un jugement circule sur les réseaux sociaux et ordonne la suspension de l’assemblée pour des soupçons de mauvaise gestion. Aucune notification officielle n’arrive au siège de la Fecofoot, mais la contrainte judiciaire s’impose aussitôt.
«Nous avons appris la décision en même temps que les internautes», confie le deuxième vice-président Carle Boniface Malalou, mandaté par le président Jean Guy Blaise Mayolas. Il souligne que l’instance utilisera «tous les moyens légaux» pour la faire rapporter et sauvegarder le calendrier sportif.
Clubs et jeunesse en attente
Pour Landry Louvouezo, président de la ligue de Brazzaville, la jeunesse paie le prix de cette impasse. «Notre football est bloqué, nos jeunes sont livrés à eux-mêmes», dit-il, regrettant que la notification n’ait pas précédé la convocation afin de préparer une réponse adaptée.
À Pointe-Noire, Jean Louis Banthoud, premier vice-président des Cheminots, souligne le poids financier de l’arrêt prolongé. Les clubs continuent de rémunérer joueurs et entraîneurs sans revenus de billetterie ni sponsoring liés aux matches, une charge qui ronge des trésoreries déjà fragiles.
Clint Bisseyou, dirigeant de Colombe de Brazzaville, rappelle que 2024-2025 ont été désignées «années de la jeunesse». Il estime qu’une rapide issue protégerait les programmes étatiques de lutte contre la délinquance en valorisant les stades bâtis dans tous les départements sous l’impulsion présidentielle.
Scénarios de sortie de crise
Sur le plan procédural, la Fecofoot prévoit dès le 6 octobre une saisine formelle pour contester le jugement. L’argument central repose sur l’absence de notification en bonne et due forme, principe fondamental du droit congolais garantissant la plénitude de défense des institutions.
Parallèlement, plusieurs juristes recommandent la médiation sportive, voie rapide permettant un compromis entre exigences judiciaires et impératifs de calendrier. Une réunion tripartite ministère des Sports, Fédération et parties requérantes pourrait rétablir la confiance tout en respectant l’autonomie associative consacrée par la FIFA.
Le souvenir de la suspension du Congo par la FIFA, du 6 février au 14 mai 2025, plane toujours. À l’époque, la violation de statuts sur l’ingérence avait privé sélections et clubs d’arène internationale, entraînant pertes économiques et baisse du classement. Personne ne souhaite revivre cela.
Et après pour le football congolais ?
Pour l’autorité de tutelle, la priorité demeure la reprise des compétitions domestiques, socle des équipes nationales. Des scénarios étudiés envisagent un championnat raccourci ou des tournois régionaux transitoires afin de préserver le rythme des joueurs en attendant la prochaine fenêtre FIFA.
Les infrastructures modernes livrées ces dernières années, du stade Alphonse-Massamba-Débat rénové aux enceintes régionales, offrent un atout indéniable. Les clubs veulent capitaliser sur ces investissements publics pour attirer diffuseurs et partenaires privés, condition préalable au décollage simultané de la Ligue nationale et du football féminin.
Plusieurs économistes du sport suggèrent un fonds de solidarité adossé à la future taxe sur les paris, afin de compenser les pertes actuelles des clubs. Un tel mécanisme, inspiré des modèles ouest-africains, renforcerait la crédibilité du championnat et encouragerait l’émergence d’une économie sportive durable.
La Fecofoot planche aussi sur un portail numérique de gestion des licences, destiné à fluidifier l’enregistrement des joueurs et à garantir la transparence des transferts. Cette digitalisation cadre avec la stratégie gouvernementale de modernisation du service public et rassurerait les bailleurs internationaux.
Si le blocage se lève rapidement, la saison 2024-2025 pourrait démarrer en novembre avec un calendrier condensé sur neuf mois. Les sélections U-17 et U-20 auraient ainsi la possibilité de préparer les éliminatoires africaines dans de bonnes conditions techniques, élément crucial pour leur progression.
À plus long terme, la fédération ambitionne l’autofinancement partiel grâce aux droits télé et au merchandising, inscrivant le football dans la dynamique de diversification économique soutenue par les autorités. La mise au point d’un code éthique favoriserait aussi la confiance indispensable aux investisseurs.
Supporters, anciens internationaux et influenceurs sportifs multiplient déjà les appels au calme sur les plateformes sociales, invitant chaque partie à «protéger le drapeau». Cette mobilisation populaire pourrait peser dans le choix d’une solution consensuelle, preuve que le football demeure un ciment national incontestable.
En attendant la prochaine audience, la balle reste dans le camp des juristes. Les acteurs espèrent qu’avant la fin d’octobre, sifflet et tribunes résonneront de nouveau. L’enjeu dépasse le sport : il s’agit de préserver un espace d’émulation citoyenne et de rayonnement international.
La jeunesse sportive congolaise suit l’évolution du dossier avec une impatience mesurée. Dans de nombreux quartiers, des tournois improvisés maintiennent la flamme, tandis que les académies poursuivent l’entraînement. Toutes rêvent de voir leurs talents éclore bientôt sous les projecteurs des championnats nationaux.