Données clés du Africa Wealth Report 2025
Publié le 26 août, le Africa Wealth Report 2025 d’Henley & Partners, en partenariat avec New World Wealth, offre une radiographie précise des patrimoines supérieurs à un million de dollars sur le continent. Il recense 25 milliardaires, 348 centi-millionnaires et 122 500 millionnaires.
Au-delà de la statistique globale, le rapport éclaire des écarts marquants entre espaces linguistiques et économiques, notamment une sous-représentation persistante des pays francophones hors Maroc et Maurice. Cette nuance nourrit enjeux diplomatiques, fiscaux et de compétitivité que scrutent les chancelleries.
Concentration géographique des grandes fortunes
Cinq marchés dominent : Afrique du Sud, Égypte, Maroc, Nigeria et Kenya concentrent 63 % des millionnaires et 88 % des milliardaires africains. L’Afrique du Sud seule réunit 41 100 individus aisés, soit autant que les cinq pays suivants cumulés.
Cette distribution asymétrique souligne l’importance d’écosystèmes financiers profonds, d’infrastructures modernes et de cadres réglementaires cohérents. Les diplomates évaluent ces paramètres lorsqu’ils négocient des accords de protection des investissements ou débattent de la coopération fiscale internationale.
Dynamique du Maroc et de Maurice
Le Maroc, troisième sur le podium, capitalise sur des réformes industrielles, une connectivité portuaire croissante et des politiques d’attractivité pour la diaspora. Maurice, classé sixième, profite d’un droit des sociétés souple, d’une fiscalité modérée et d’un environnement polyglotte accueilli par les gestionnaires de fortune.
Ces trajectoires montrent qu’une taille de marché modeste n’empêche pas la constitution de places financières régionales, pourvu que la stabilité politique et la sécurité juridique soient perçues comme durables.
Secteurs moteurs de la prospérité
Contrairement aux caricatures extractivistes, la majorité des fortunes africaines s’enracine dans les services de consommation courante : distribution, télécoms, banque, immobilier ou hôtellerie. Les économies diversifiées génèrent donc davantage de hauts revenus que les pays exclusivement dépendants des matières premières.
Cette observation conforte les stratégies visant à élargir la base productive, comme celles engagées par Brazzaville pour développer l’agro-industrie et le numérique, initiatives régulièrement mises en avant par le ministre congolais en charge du Plan.
Enjeux spécifiques à l’Afrique francophone
En dehors des deux locomotives maghrébines, la zone francophone demeure en retrait. Les indicateurs de Côte d’Ivoire, Sénégal ou République du Congo reflètent un tissu entrepreneurial encore en construction, marqué par la prépondérance des PME familiales et la volatilité des recettes d’exportation.
Pour les analystes, trois obstacles reviennent : la relative exiguïté des marchés domestiques, l’insuffisance de mécanismes d’arbitrage indépendants et la dépendance vis-à-vis des cours de matières premières. La diplomatie économique s’oriente donc vers la mutualisation sous-régionale et la montée en gamme des chaînes de valeur.
Mobilité croissante des HNWI
Le Henley Private Wealth Migration Report 2025 anticipe le départ de 142 000 millionnaires en 2025, puis 165 000 en 2026. Dubaï, Londres ou Paris attirent ces profils, tandis que Maurice capture une fraction du flux grâce à ses dispositifs d’immigration par investissement.
Les États qui souhaitent retenir leur élite financière misent sur des incitations fiscales ciblées, l’amélioration du cadre de vie et une visibilité accrue sur l’état de droit. Brazzaville, par exemple, a renforcé ces deux dernières années sa diplomatie promotionnelle auprès des diasporas congolaises installées en Europe.
Perspectives et leviers de diversification
À l’horizon 2035, New World Wealth table sur une croissance de 65 % du nombre de millionnaires africains. Le succès dépendra de la capacité des gouvernements à transformer le capital privé en projets d’infrastructure et d’industrialisation, et non à laisser s’aggraver les disparités.
Les diplomates considèrent donc essentiels l’approfondissement de l’intégration régionale, la conclusion d’accords bilatéraux de non-double imposition et la standardisation des règles comptables. Ces mesures crédibilisent les places boursières émergentes, attirent la finance verte et encouragent l’entrepreneuriat local.
Dialogue public-privé en action
Un dialogue constant entre capitaux privés et autorités publiques se révèle décisif. « La confiance est notre première matière première », rappelait récemment un haut responsable congolais lors d’une table ronde organisée à Oyo, soulignant la nécessité d’un cadre prévisible pour élargir la base d’investisseurs.
En définitive, la photographie livrée par le rapport Henley n’est pas figée : elle invite les capitales francophones à accélérer la diversification, renforcer l’état de droit et faciliter la mobilité des compétences afin que la prochaine édition témoigne d’un continent plus inclusif et plus interconnecté.
Hubs économiques exemplaires
Casablanca illustre l’effet d’entraînement qu’un hub logistique et financier bien positionné peut exercer sur sa périphérie. Les banquiers privés soulignent que l’offre de bureaux grade A, la modernisation des TIC et l’essor d’un capital-risque local ont favorisé l’émergence d’une classe d’entrepreneurs globaux.
Johannesburg, pour sa part, demeure le centre de gravité du luxe africain avec 11 700 millionnaires. La présence de sièges régionaux de huit groupes du Fortune 500 et d’un écosystème juridique réputé en arbitre commercial expliquent cette densité exceptionnelle de capacités d’investissement.
Vers une mesure inclusive de la richesse
Les organisations multilatérales insistent sur l’urgence d’indicateurs partagés pour mesurer la durabilité sociale des flux de richesse. À mesure que la ZLECAf s’installe, la transparence statistique, la traçabilité fiscale et la responsabilité environnementale pourraient devenir des critères majeurs de notation souveraine, influençant les flux d’HNWI.
