Antananarivo sous les projecteurs régionaux
À peine un mois avant l’ouverture officielle, la capitale malgache s’avance comme la scène d’un exercice diplomatique d’envergure : le 45ᵉ sommet des chefs d’État et de gouvernement de la Communauté de développement de l’Afrique australe. Les 16 et 17 août, Antananarivo accueillera plus de trois cents délégués, une configuration qui réactive l’image d’un pays longtemps perçu comme périphérique au sein de l’architecture régionale. En succédant au président zimbabwéen Emmerson Mnangagwa à la tête de l’organisation, Andry Rajoelina espère inscrire son mandat sous le signe d’une diplomatie de résultats, articulée autour de la connectivité insulaire, de la sécurité maritime et de l’intégration commerciale.
Un calendrier resserré, une logistique millimétrée
Les préparatifs ont été lancés dès janvier mais se heurtent à la dure loi du temps. Le centre de conférences annoncé près du lac Iarivo ne sera finalement pas prêt ; le gouvernement a donc réaffecté le Centre de conférences internationales d’Ivato pour accueillir les séances plénières. Derrière ce réajustement se dessine une organisation en quatorze comités interministériels pilotés par le ministère des Affaires étrangères. Chaque comité – transport, protocole, communication ou encore hébergement – se voit imposer des indicateurs de performance hebdomadaires transmis au palais d’Iavoloha. Cette gouvernance de chantier est présentée, dans l’entourage présidentiel, comme la manifestation d’une nouvelle culture de gestion publique orientée « efficacité et redevabilité ».
Présences confirmées et ballet protocolaire
À ce stade, cinq des quinze chefs d’État membres ont signifié leur venue par note verbale. Outre Emmerson Mnangagwa, la liste comporte Cyril Ramaphosa, João Lourenço, Duma Boko et Navin Ramgoolam. Dans les chancelleries d’Antananarivo, l’enjeu est double : assurer une représentation suffisamment élevée pour conférer toute sa solennité au sommet, tout en demeurant flexible face aux variables politiques internes aux États membres. Les services protocolaires malgaches, épaulés par un détachement de la SADC, ont élaboré un dispositif d’accueil gradué, afin qu’aucun dirigeant ne se sente relégué. Des couloirs VIP distincts à l’aéroport aux cortèges définis à la minute près, le ballet protocolaire vise à illustrer à la fois l’hospitalité malgache et la maîtrise des codes diplomatiques internationaux.
La présidence tournante, un levier politique pour Rajoelina
Sur le plan intérieur, la présidence tournante de la SADC offre à Andry Rajoelina une tribune pour consolider son récit politique axé sur le « sursaut national ». Ses conseillers y voient l’occasion de repositionner Madagascar dans l’économie politique de la région, de plaider pour un corridor de transport maritime reliant les ports malgaches aux hubs sud-africains et mozambicains, et de valoriser la transition énergétique insulaire. En coulisse, le chef de l’État entend promouvoir un fonds régional d’adaptation climatique dédié aux États côtiers, thématique qui pourrait lui valoir un soutien accru des bailleurs internationaux.
Sécurité et souveraineté : le Centre de commandement opérationnel
Consciente que tout incident sécuritaire ferait la une des médias, la présidence a inauguré au stade Barea un Centre de commandement opérationnel. L’infrastructure regroupe forces armées, gendarmerie, police nationale et unités spécialisées issues de la SADC. Les flux d’information convergent vers une salle de crise dotée d’équipements de télésurveillance en temps réel. Les autorités insistent sur la dimension « souveraine » de l’initiative, tout en soulignant la coopération régionale qui la sous-tend. La démarche vise à présenter une image de modernité et de professionnalisme, mais aussi à préfigurer la réponse malgache aux enjeux de sécurité maritime dans le canal du Mozambique.
Retombées économiques attendues et message aux investisseurs
Les hôteliers de la capitale – Colbert, Radisson Blu, Novotel, Carlton – affichent complet. Au-delà des recettes immédiates, le gouvernement table sur un effet vitrine. Les équipes de la Société nationale des chemins de fer et de l’Office portuaire finalisent des dossiers de partenariat qu’elles présenteront en marge du sommet, espérant attirer des capitaux sud-africains et mauriciens. Les analystes économiques soulignent toutefois qu’un dividende durable dépendra de la capacité malgache à sécuriser ses réformes structurelles – gouvernance minière, digitalisation fiscale, inter-connexion énergétique – thèmes qui figureront à l’agenda des réunions ministérielles.
Madagascar dans la constellation diplomatique de l’océan Indien
En orchestrant ce sommet, Antananarivo projette également son influence au-delà du bloc continental. L’île cultive une double appartenance : africaine via la SADC, et indianocéanique au sein de la Commission de l’océan Indien. Cette posture hybride lui permet de dialoguer aussi bien avec Pretoria qu’avec New Delhi ou Port-Louis. Les diplomates interrogés estiment que Madagascar pourrait devenir un pont commercial entre l’axe Afrique australe – Afrique de l’Est et les marchés asiatiques. Reste à fédérer les partenaires autour d’un agenda cohérent, condition nécessaire pour ne pas diluer l’impact politique de la séquence d’août.
Regards prospectifs d’une diplomatie africaine en mutation
Au-delà des formules diplomatiques, ce 45ᵉ sommet sera lu comme un test de la capacité des organisations régionales à renforcer leur réactivité dans un contexte marqué par la multiplication des urgences climatiques, sécuritaires et économiques. Pour Antananarivo, l’enjeu est de faire oublier les retards d’infrastructures et de montrer que l’État insulaire sait mobiliser ses institutions autour d’un cap clair. L’Afrique australe, quant à elle, observe la transition politique zimbabwéenne et la consolidation démocratique botswanaise, deux dynamiques qui alimenteront les discussions à huis clos. Le rendez-vous d’août pourrait ainsi tracer les grandes lignes d’une nouvelle phase d’intégration, où les impératifs de sécurité collective, de gouvernance économique et de résilience environnementale s’entrecroiseront plus étroitement que jamais.