Atelier SADC : une dynamique régionale
Réunis du 25 au 29 août à Kinshasa, les délégués des seize États membres de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) ont planché sur l’harmonisation des statistiques liées aux technologies de l’information et de la communication, étape stratégique vers une gouvernance numérique concertée.
Sous l’égide du ministre congolais des Postes, Télécommunications et Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication, José Panda, l’atelier a officiellement été lancé avec l’ambition d’aboutir à une feuille de route statistique commune, simple à déployer tant pour les pays insulaires que continentaux.
La RDC, en accueillant l’évènement, a rappelé l’importance d’un cadre régional robuste pour absorber la montée en puissance des données générées par les infrastructures mobiles, les plateformes de paiement et les services publics dématérialisés.
L’urgence d’une statistique unifiée TIC
Dans un contexte mondial où la data structure les modèles économiques, l’absence de mesures comparables entre pays freine l’investissement privé, complique la régulation et dilue la vision politique, a expliqué Angèle Makombo N’tumba, secrétaire exécutive adjointe de la SADC (ACI).
L’Observatoire des TIC de la SADC, porté par l’Autorité de régulation congolaise, entend combler cette lacune par un tableau de bord unique, mis à jour semestriellement, intégrant taux de pénétration Internet, tarifs moyens, qualité de service et inclusion numérique.
Les participants ont souligné que des indicateurs homogènes facilitent l’alignement sur les objectifs de développement durable et garantissent une lecture précise des efforts visant à réduire la fracture numérique rurale, point sensible pour la stabilité sociale et la diversification économique.
Congo-Brazzaville, partenaire attentif
Si le Congo-Brazzaville n’appartient pas formellement à la SADC, Brazzaville suit attentivement ces travaux dans la perspective de renforcer la complémentarité entre l’espace CEEAC et son voisinage immédiat, explique un diplomate proche du ministère des Affaires étrangères.
Le Plan national de développement 2022-2026 de la République du Congo mise en effet sur la mutualisation des plateformes statistiques régionales pour attirer des partenariats, soutenir la cybersécurité et consolider la stratégie Congo numérique 2025, saluée par plusieurs bailleurs.
Cette ouverture pragmatique s’inscrit dans la vision du président Denis Sassou Nguesso, favorable à une intégration graduelle fondée sur le principe de « coopérer d’abord, fusionner ensuite », afin de préserver la souveraineté tout en bénéficiant des économies d’échelle.
Voix d’experts et d’institutions
Christian Katende, président de l’ARPTC, rappelle que « la transformation numérique submerge désormais l’économie, l’éducation et la santé ; seule une lecture rigoureuse de nos chiffres permettra d’orienter correctement les infrastructures et la formation des talents ».
Des chercheurs de l’Université de Maurice ont présenté un prototype d’algorithme évaluant en temps réel la disponibilité de la 4G par district, prouvant la valeur qu’apporte la coopération académique lorsqu’elle dispose de métadonnées fiables.
De son côté, l’entreprise sud-africaine Liquid Intelligent Technologies a proposé de partager son expérience de cartographie optique à très haut débit, signalant que la transparence statistique abaisse le risque perçu des investisseurs privés.
Diplomatie numérique et intégration
Au-delà des tableaux Excel, l’enjeu est diplomatique : disposer d’un langage commun qui renforce la crédibilité des engagements régionaux, à l’image des standards adoptés pour la zone de libre-échange continentale africaine, a souligné un expert du secrétariat de la ZLECAf.
La mise en réseau des observatoires nationaux pourrait préfigurer un comité africain de la donnée, capable de dialoguer d’égal à égal avec l’Union européenne sur la portabilité ou la localisation des infrastructures cloud.
Plusieurs capitales, dont Brazzaville, envisagent déjà de coupler ces référentiels avec les registres civils numériques, afin d’accélérer l’identification biométrique, indispensable aux finances publiques, à la lutte contre le terrorisme et à la distribution ciblée des subventions.
Cap sur une connectivité inclusive
Les discussions de Kinshasa ont convergé vers une mesure prioritaire : fiabiliser la collecte au niveau des opérateurs, souvent tentés d’appliquer des définitions distinctes du trafic ou des abonnés, ce qui brouille la comparaison régionale.
Un calendrier progressif prévoit un premier rapport synchronisé en mars 2026, sujet à validation politique lors du prochain sommet des chefs d’État et de gouvernement de la SADC, avant d’être élargi aux États observateurs, dont la République du Congo.
En valorisant la donnée comme axe structurant, la région pose les bases d’une souveraineté numérique partagée. L’ambition déclarée est claire : faire de la connectivité inclusive un levier de paix, de croissance et d’innovation pour l’ensemble de l’Afrique centrale et australe.