Un salon signal fort pour la diversification
À Brazzaville, la quatrième édition du Salon international de l’artisanat, de la machine et du bois (SAMEB) a ouvert ses portes le 11 août, quelques mois après l’adoption du Plan national de développement 2022-2026. L’événement cristallise la stratégie congolaise de diversification économique.
Placé sous le haut patronage du président Denis Sassou Nguesso, le salon se veut vitrine des réformes structurelles déployées depuis 2020 pour réduire la dépendance nationale aux hydrocarbures et renforcer les secteurs à forte intensité de main-d’œuvre, à commencer par le bois et l’artisanat.
Le bois congolais, moteur industriel émergent
Avec 22 millions d’hectares de forêts, le Congo dispose du troisième massif d’Afrique centrale. Pourtant, moins de 20 % du volume abattu est transformé localement. Les autorités misent désormais sur la deuxième et troisième transformation pour capter davantage de valeur ajoutée.
Le ministère de l’Économie forestière a ainsi imposé de nouvelles grilles d’incitations fiscales pour encourager l’installation de scieries, d’ateliers de placage et de manufactures de meubles. Plusieurs investisseurs marocains et namibiens ont déjà officialisé des intentions de partenariat durant le salon.
Un artisanat créateur de valeur et d’identité
L’artisanat congolais emploie, selon la Banque mondiale, près de 400 000 personnes, majoritairement dans l’informel. Les stands du SAMEB illustrent la créativité d’entrepreneurs capables de travailler le bois, le raphia ou les métaux précieux pour produire mobilier, bijoux et objets de décoration.
« Nous voulons passer d’une économie de survie à une économie de marque », insiste Jacqueline Lydia Mikolo, ministre des PME et de l’Artisanat. Son département prépare un label national garantissant l’origine, la qualité et la traçabilité des pièces, étape clé pour pénétrer les marchés internationaux.
SAMEB, hub de diplomatie économique
Au-delà des stands, le SAMEB organise des tables rondes sur le financement des chaînes de valeur. La Banque de développement des États d’Afrique centrale annonce une ligne de crédit de 25 millions de dollars pour soutenir les PME de la transformation du bois.
Les diplomates présents soulignent un double intérêt. D’un côté, l’initiative accélère la diversification nationale, facteur de stabilité macroéconomique. De l’autre, elle ouvre à leurs entreprises un accès privilégié à un marché de 200 millions de consommateurs grâce à la Zone de libre-échange continentale africaine.
Emplois et formation au cœur de l’agenda
La recherche d’emplois décents reste la priorité. Selon le Programme des Nations unies pour le développement, la seule filière bois pourrait générer 50 000 postes supplémentaires d’ici à 2028 si le taux de transformation locale atteignait 60 %. Les syndicats soulignent toutefois le besoin de formation technique.
Le gouvernement, en réponse, a signé avec l’Agence française de développement un accord visant la réhabilitation de trois centres de formation professionnelle à Pointe-Noire, Oyo et Ouesso. Les modules porteront sur la menuiserie industrielle, la conception assistée par ordinateur et la gestion durable des forêts.
Un cadre légal en mutation
Le cadre réglementaire évolue également. Depuis janvier, tout exportateur de grumes doit prouver l’existence d’un plan d’investissement industriel national. Cette disposition, saluée par la société civile, vise à éviter la simple délocalisation des coupes vers des pays voisins offrant moins de contrôles environnementaux.
Pour rassurer les marchés européens, le Congo a adhéré au Partenariat pour la légalité forestière et la gouvernance, préfigurant le futur permis FLEGT. « La traçabilité deviendra un avantage comparatif », analyse Julien Perrier, consultant basé à Paris, évoquant un différentiel de prix positif de 12 %.
Environnement, atout compétitif majeur
La dimension environnementale reste centrale. Les services météorologiques congolais rapportent une baisse moyenne de 0,3 °C sous couvert forestier par rapport aux zones dégradées, argument souvent mis en avant dans les négociations climatiques. La valorisation locale du bois limite donc les émissions liées au transport de matières brutes.
Les experts de la Commission des forêts d’Afrique centrale estiment que chaque tonne de grume transformée in situ réduit de 18 % l’empreinte carbone finale d’un meuble exporté. Un atout pour les enseignes européennes confrontées aux nouvelles normes de reporting environnemental.
Partenariats financiers et ouverture Sud-Sud
L’édition 2025 du SAMEB accueille pour la première fois un pavillon consacré à la finance islamique, témoignant d’une diversification des sources de capitaux. Des banques d’Abu Dhabi et de Doha explorent des sukuk verts dédiés au reboisement et à la modernisation des ateliers artisanaux.
Cette ouverture Sud-Sud complète la présence traditionnelle d’institutions européennes et canadiennes. Elle matérialise la stratégie gouvernementale visant à équilibrer les partenaires sans dépendance excessive, une approche déjà appliquée dans le secteur pétrolier et désormais transférée aux industries à plus forte valeur ajoutée.
Logistique et perspectives jusqu’en 2030
Reste à consolider la logistique intérieure. Les opérateurs regrettent le coût du transport fluvial entre Ouesso et Brazzaville, encore supérieur à 90 dollars la tonne. L’achèvement du projet de port sec d’Ollombo, annoncé pour 2026, devrait réduire les frais et fluidifier les chaînes d’approvisionnement.
En guise de perspective, plusieurs analystes estiment que le bois pourrait devenir, d’ici à 2030, la seconde source de devises du Congo après le pétrole. Le SAMEB, catalyseur d’idées et d’investissements, s’impose donc comme l’un des baromètres les plus suivis par les chancelleries à Brazzaville.