SAMEB 2025, vitrine de la créativité congolaise
Le futur village artisanal opposite le Stade Président Massamba-Débat s’est transformé le 11 août en agora économique. La quatrième édition du Salon des métiers du bois, prévue jusqu’au 25 août, accueille 136 exposants venus présenter l’étendue d’un savoir-faire qui traverse forêts, ateliers et marchés.
Niché au cœur de Brazzaville, l’événement s’inscrit dans le thème «Bois et artisanat: de la forêt à la maison, consommons congolais». Le slogan, repris par de nombreux visiteurs, fait écho à l’appel présidentiel en faveur d’une consommation locale émancipatrice.
Une stratégie nationale de diversification à l’œuvre
En ouvrant le salon au nom du chef du Gouvernement, la ministre de l’Économie forestière Rosalie Matondo a rappelé que le potentiel ligneux national dépasse 900 millions de mètres cubes, tandis que l’exploitation effective ne franchit pas 2 millions, illustrant un réservoir économique encore sous-utilisé.
Son homologue chargée des PME, Jacqueline Lydia Mikolo, voit dans le SAMEB «la volonté de placer l’artisanat au centre de la diversification»; elle promet formation, accès au crédit, couverture sociale et labélisation pour faire du label Made in Congo un sceau de compétitivité régionale.
Les deux ministres s’inscrivent dans la vision du président Denis Sassou Nguesso, qualifié par l’Union africaine d’«ambassadeur de l’artisanat». En privilégiant la transformation locale, le pays entend réduire sa dépendance aux exportations brutes et accroître la valeur ajoutée intérieure.
Le rôle catalyseur des partenaires internationaux
La présence d’Adama Dian Barry, représentante du PNUD, signale l’importance qu’accordent les bailleurs multilatéraux au secteur bois congolais, considéré comme un moteur d’emplois verts aligné sur l’Agenda 2030 et l’Initiative pour la Grande Muraille verte d’Afrique centrale.
Selon un conseiller régional onusien croisé dans les allées, «la chaîne de valeur bois offre une opportunité de conjuguer atténuation climatique et stabilité sociale». De premiers projets pilotes de carbone communautaire, préfigurant un marché volontaire, pourraient se greffer aux futures éditions du salon.
Innovation et transmission des savoirs
Les stands rivalisent d’ingéniosité, depuis les meubles en essences locales thermo-traitées jusqu’aux bijoux en copeaux recyclés. Des menuisiers de Makoua partagent leurs presses à briquette, tandis que de jeunes créateurs de Pointe-Noire exhibent des objets connectés à base d’acajou certifié.
Au centre du site, un pavillon pédagogique héberge des masterclass animées par l’École supérieure des métiers du bois d’Owando. Le cursus, soutenu par l’Agence française de développement, veut professionnaliser mille artisans d’ici 2028 et renforcer la normalisation technique.
Un sculpteur de Dolisie confie que le salon lui offre «une visibilité nationale rare». Ses tabourets totémiques, vendus 45 000 francs CFA l’unité, ont déjà séduit une délégation de diplomates d’Afrique australe, preuve que la dimension commerciale rejoint la portée culturelle.
Défis logistiques et pistes de consolidation
La forte affluence met toutefois en évidence le besoin d’infrastructures adaptées. Les parkings improvisés saturent aux heures de pointe et l’approvisionnement en bois légalement tracé reste inégal, faute de routes forestières suffisamment entretenues jusque dans la Likouala et la Sangha.
Le secrétariat permanent du comité national REDD+ estime que plus de 60 % des volumes artisanaux transitent encore hors des circuits formels. Un guichet unique, annoncé pour 2026, devrait simplifier les permis, réduire la fraude et rassurer les investisseurs institutionnels.
À l’échelle urbaine, la mairie de Makélékélé prévoit un plan de circulation temporaire pour fluidifier l’accès au village artisanal. Selon l’administrateur-maire Edgar Bassoukissa, ces dispositions serviront de test grandeur nature avant la livraison définitive du site en 2027.
Vers une chaîne de valeur bois durable
Au-delà de l’événementiel, l’objectif consiste à ancrer une chaîne industrielle intégrée, de la certification forestière au design d’intérieur. Le Centre congolais de la propriété intellectuelle planche sur un système de géo-indications, destiné à protéger les savoirs locaux contre la contrefaçon.
Le ministère des Finances étudie une fiscalité incitative pour l’installation d’ateliers semi-industriels dans les zones économiques spéciales d’Oyo et d’Ignié. Un taux d’imposition réduit couplé à la dématérialisation des procédures d’exportation pourrait accroître la compétitivité sous-régionale des créateurs.
Plusieurs analystes notent néanmoins que la réussite dépendra de la disponibilité d’énergie stable. La future centrale gaz-biomasse de Djeno, attendue en 2026, est présentée comme un maillon énergétique crucial par la Société nationale d’électricité, gage d’un coût de production maîtrisé.
Pour Bénédicte Okouango, économiste au Centre d’études stratégiques d’Afrique centrale, «l’artisanat bois peut devenir l’équivalent congolais du cuir au Maroc». Elle relève que la demande africaine en mobilier milieu de gamme croît de 8 % par an, un créneau accessible aux PME nationales.
Les organisateurs clôtureront le 25 août par une table ronde sur la diplomatie économique. Dans l’esprit du pacte de partenariat public-privé, ils espèrent que chaque création vendue au SAMEB devienne l’ambassadeur silencieux du Congo, au sein des chancelleries comme dans les foyers.
Au-delà des retombées immédiates, le gouvernement prépare déjà l’édition 2027, qui devrait intégrer une bourse des matières premières et un pavillon virtuel pour acheteurs étrangers. Cette anticipation illustre la volonté publique de hisser le SAMEB au rang des foires continentales de référence, et d’attirer des investissements sud-sud durables significatifs.