Le retour d’un Conseil attendu
Quarante et un ans d’absence n’auront pas eu raison de sa pertinence. Le Conseil national de la santé, réuni à Brazzaville du 16 au 18 juillet 2025, signe son grand retour dans le paysage institutionnel congolais. En 1984, la dernière session avait acté la structuration d’un réseau de districts sanitaires audacieux pour l’époque. Au fil des années, les crises économiques, la volatilité des prix du pétrole et la succession de défis sanitaires, d’Ebola à la Covid-19, avaient relégué ce cadre consultatif au second plan. Sa réactivation répond désormais au double impératif de l’Objectif de développement durable 3 et d’une souveraineté sanitaire revendiquée par les autorités.
Gouvernance sanitaire et ambition ODD3
Dès l’ouverture des travaux, le ministre de la Santé et de la Population, Jean-Rosaire Ibara, a rappelé que « l’équité en santé n’est pas une option », soulignant la dimension éthique qui sous-tend la poursuite de l’ODD 3. En coulisses, la présidence a donné carte blanche pour moderniser la gouvernance, considérant la santé comme un bien public stratégique. Inspirés par l’expérience rwandaise de contractualisation des hôpitaux et par la réforme marocaine de la couverture universelle, les participants ont insisté sur la clarification des responsabilités entre administration centrale, collectivités locales et prestataires privés. L’idée maitresse est de doter le système d’un tableau de bord national permettant un suivi en temps réel des indicateurs, depuis la mortalité maternelle jusqu’à la disponibilité des médicaments essentiels.
Financement et ressources humaines : le nerf du progrès
Le débat budgétaire a occupé une place centrale, dans un pays où la part dédiée à la santé oscille encore autour de 6 % du budget national. Si l’engagement d’atteindre 15 % – cible issue de la Déclaration d’Abuja – est réaffirmé, l’accent est mis sur la diversification des ressources. Un mécanisme de solidarité basé sur les transferts des entreprises extractives vers un fonds de santé communautaire est à l’étude. Parallèlement, l’Exécutif confirme le recrutement annuel de 1500 professionnels de santé jusqu’en 2030, avec un plan d’incitation pour stabiliser médecins et sages-femmes dans les zones rurales du Niari ou de la Likouala. Les syndicats saluent cette orientation, conscients que la fuite des compétences vers les pays du Golfe ou d’Afrique australe pèse sur la capacité d’offre.
Partenariat public-privé et mobilisation communautaire
Fait notable, l’édition 2025 du Conseil a ouvert grand les portes au secteur privé. Cliniques confessionnelles, start-ups de télémédecine et compagnies d’assurance ont débattu d’un cadre de coopération. L’objectif est double : soutenir l’investissement dans l’imagerie médicale et garantir la soutenabilité des services via des micro-assurances adaptées au secteur informel, qui représente plus de 70 % de l’emploi urbain. Dans le même temps, les organisations communautaires sont appelées à renforcer la promotion de la santé. On songe à étendre les comités de veille mis en place pendant la pandémie, lesquels ont prouvé leur efficacité pour la traçabilité des contacts et la diffusion de messages de prévention.
Résilience climatique et infrastructures de proximité
Situé au cœur du bassin du Congo, le pays subit de plein fouet les inondations récurrentes et l’augmentation des maladies vectorielles. Le Conseil propose donc une cartographie des zones à risque associée à un plan de construction d’unités de soins primaires surélevées, capables de rester opérationnelles même en période de crue. Les éclairs de chaleur de 2023 ayant provoqué une hausse de 20 % des consultations pour pathologies respiratoires, la question de la climatisation verte des hôpitaux est également sur la table. Dans une perspective plus globale, le ministère souhaite intégrer l’analyse d’impact sanitaire dans chaque projet d’infrastructure nationale, de la route Pointe-Noire-Ouesso au Port en eau profonde de Banana.
Cap sur l’efficience systémique
Au terme des trois jours de travaux, les acteurs se sont accordés sur un calendrier serré : publication d’un décret renforçant le statut juridique du Conseil avant la fin de l’année, adoption d’un budget rectificatif dédié dès la prochaine session parlementaire et lancement pilote de la Couverture santé universelle sur deux districts en 2026. « Nous travaillons de concert pour transformer nos ambitions en actions concrètes », souligne une nouvelle fois Jean-Rosaire Ibara. Les partenaires techniques, notamment l’OMS et la Banque africaine de développement, saluent la montée en cadence d’un processus qui associe désormais société civile, secteur privé et corps diplomatique. En filigrane, Brazzaville envoie un signal clair : la santé s’impose comme un vecteur de stabilité, de cohésion nationale et d’attractivité pour l’investissement international. Le pari est ambitieux, mais il répond à une conviction partagée : lorsqu’un système de santé tient ses promesses, c’est l’ensemble de la société qui gagne en résilience.