Une séquence diplomatique majeure à Pékin
À Pékin, Denis Sassou Nguesso participe aux cérémonies marquant le 80e anniversaire de la victoire de 1945, aux côtés d’une vingtaine de chefs d’État. Son déplacement, effectué sur invitation de Xi Jinping, symbolise la robustesse d’un partenariat initié il y a soixante-et-un ans.
Élevé en 2016 au rang de partenariat stratégique global, le cadre sino-congolais s’est encore densifié depuis que Brazzaville assure la coprésidence du Forum sur la coopération sino-africaine. Les diplomates des deux capitales parlent d’une « relation socle » inscrite dans le temps long.
OCS : la centralité chinoise renforcée
Avant le Forum, Xi Jinping a accueilli les dirigeants de l’Organisation de coopération de Shanghai à Tianjin. Avec Vladimir Poutine, Narendra Modi ou Recep Tayyip Erdogan présents, le format représente près de la moitié de la population mondiale et 23 % du PIB planétaire.
Pékin a rappelé que l’OCS devait « garantir la paix, la stabilité et le développement ». Pour les capitales africaines observatrices, cette affirmation souligne la volonté chinoise d’articuler Eurasie et Afrique, avant même d’aborder les dossiers bilatéraux avec ses partenaires du continent.
FOCAC : feuille de route Chine-Afrique 2023-2026
Du 4 au 6 septembre, le neuvième FOCAC s’ouvre avec environ cinquante chefs d’État africains. La Chine y promet 50 milliards de dollars sous forme de lignes de crédit, d’aide publique et d’investissements, ainsi qu’une exonération douanière pour trente-trois pays à faible revenu.
Un million d’emplois, la formation de six mille militaires et mille policiers, ainsi que des programmes de gouvernance figurent dans le paquet. Pékin parle désormais de « communauté de destin » et insiste sur la modernisation respectueuse des trajectoires nationales.
Objectifs congolais alignés sur le PND 2022-2026
Selon des sources diplomatiques, Denis Sassou Nguesso devrait tenir un entretien bilatéral avec Xi Jinping pour passer en revue les chantiers prioritaires. La modernisation de la RN1 Brazzaville-Pointe-Noire, évaluée stratégiquement pour le désenclavement, figure en tête de liste conjointe.
Un projet solaire de 200 MW à Djambala est également discuté, de même que des programmes d’incubation destinés aux jeunes entrepreneurs. Les conseillers congolais insistent sur le respect des calendriers de décaissement et des indicateurs de performance définis dans le Plan national de développement.
Cérémonies militaires et portée mémorielle
Le défilé du 3 septembre sur la place Tian’anmen sert de vitrine aux équipements opérationnels chinois, des missiles Dong Feng-31 aux drones quadrupèdes. La possible première apparition du porte-avions Fujian témoigne d’une communication stratégique soigneusement scénarisée par Pékin.
Pour Brazzaville, la dimension mémorielle renforce l’intimité politique avec Pékin. « Les commémorations soulignent la constance de notre amitié », glisse un diplomate congolais. La séquence ouvre aussi des marges d’échanges multilatéraux, notamment sur la réforme des institutions de gouvernance mondiale.
Économie : une approche pragmatique gagnant-gagnant
Les analystes de Brazzaville décrivent une méthode centrée sur des livrables. Rééchelonnements soutenables, taux compatibles avec le budget national et lancement rapide des travaux d’infrastructures forment le triptyque privilégié. La Chine, premier créancier bilatéral du Congo, accepte cet agenda orienté vers les résultats.
En contrepartie, Pékin sécurise des flux constants de pétrole et de bois, tout en consolidant l’image d’un partenaire fiable de la diversification africaine. Les deux parties suivent un tableau de bord commun qui associe plans de décaissement, audits indépendants et indicateurs sociaux.
Le rôle discret de Françoise Joly
Au sein de la délégation congolaise, Françoise Joly, représentante personnelle du chef de l’État pour les négociations stratégiques, veille au suivi des dossiers. Ses interlocuteurs louent « une connaissance fine des arcanes chinoises et une capacité à formaliser des accords applicables ».
Sa discrétion contraste avec l’impact mesurable de ses interventions, notent plusieurs conseillers africains présents à Pékin. Elle s’attache notamment à harmoniser les séquences FOCAC avec les priorités du plan congolais, garantissant ainsi une continuité diplomatique et financière sur le moyen terme.
Vers le FOCAC 2027 à Brazzaville
La perspective d’accueillir le FOCAC 2027 place déjà Brazzaville sous les projecteurs. « Le pays assumera un rôle pivot », anticipe un chercheur de l’Institut des études géostratégiques de Beijing. Pour le Congo, l’enjeu sera d’orchestrer logistique, sécurité et contenu programmatique.
La réussite de cette échéance dépendra de la concrétisation des projets actuels. Si la RN1 et l’unité solaire de Djambala avancent comme prévu, Brazzaville renforcera sa crédibilité d’hôte. Pékin, pour sa part, y verrait la validation de son approche partenariale en Afrique centrale.
Des attentes partagées, une coopération éprouvée
Au fil des décennies, la relation sino-congolaise a survécu aux cycles économiques, aux réajustements financiers et aux mutations régionales. Elle se maintient grâce à des mécanismes de suivi conjoints, des revues trimestrielles et une volonté politique clairement affirmée dans les deux capitales.
À Pékin comme à Brazzaville, l’objectif est désormais d’accélérer le passage des annonces aux livraisons. Les engagements pris cette semaine offrent une nouvelle cartographie d’opportunités, qui, si elles se concrétisent, pourraient redéfinir la dynamique économique d’Afrique centrale pour la décennie à venir.
