Satellite et haut débit : priorité congolaise
L’Agence de régulation des postes et des communications électroniques vient de dépêcher en France une équipe d’ingénieurs et de juristes afin de muscler son savoir-faire sur les satellites en orbite basse, maillon jugé décisif pour connecter chaque localité congolaise au haut débit.
Cette mission, pilotée par la Direction des réseaux et services de communications électroniques, illustre la volonté de l’Arpce d’anticiper la soudaine accélération technologique et de garantir que le Congo-Brazzaville exploite pleinement les futures constellations commerciales en cours de déploiement.
Ce qu’il faut retenir
Trois enseignements clés ressortent : la maîtrise du spectre satellitaire, la sécurisation des transmissions et l’ajustement du cadre réglementaire. Autant de briques sans lesquelles les ambitions de couverture numérique universelle fixées par les autorités resteraient théoriques.
Contexte d’un secteur en mutation
Le marché congolais des télécommunications connaît, comme ailleurs sur le continent, une explosion de la demande data. Les plateformes mobiles absorbent la majorité du trafic, mais les zones rurales restent faiblement desservies, faute d’infrastructures terrestres coûteuses et de retours sur investissement rapides.
Les satellites de nouvelle génération promettent d’inverser cette équation en offrant des latences réduites et des débits comparables à la fibre. Encore faut-il aligner la régulation, coordonner les fréquences et former les équipes nationales à dialoguer d’égal à égal avec les opérateurs orbitaux.
Cap sur une régulation modernisée
Sous la houlette de l’expert Didier Verhulst du cabinet Cogicom, la délégation a examiné les obligations techniques que doivent remplir les constellations LEO pour opérer sur le territoire : gestion dynamique des faisceaux, contrôle d’interférences et mécanismes d’arrêt d’urgence en cas de dérive orbitale.
Les juristes de l’Arpce ont, pour leur part, planché sur l’évolution des licences, le partage de responsabilités en matière de cybersécurité et la clause d’accès universel imposée aux opérateurs internationaux, un chantier appelé à nourrir les consultations publiques à Brazzaville.
Visite stratégique à Rambouillet
Au téléport de Rambouillet, fleuron français du contrôle satellitaire, les ingénieurs congolais ont observé le cheminement physique d’un signal, depuis l’antenne au sol jusqu’au satellite et retour vers l’usager final. Une immersion concrète qui ancre la théorie dans la pratique quotidienne de la régulation.
Les salles sécurisées, les multiples paraboles et les procédures ISO rencontrées sur place renforcent l’idée que la souveraineté numérique dépend aussi de la maîtrise locale de centres terrestres capables de surveiller, en temps réel, la qualité et la résilience des liaisons.
Dialogue avec Eutelsat-OneWeb
Lors des échanges tenus à Paris, Eutelsat, nouvel actionnaire de OneWeb, a détaillé son calendrier de mise en service commerciale en Afrique centrale. Le groupe s’appuie sur des satellites volants à 1 200 km d’altitude, rassurant sur la couverture, même dans les forêts septentrionales.
L’Arpce a mis en avant la nécessité d’intégrer dès maintenant les plateformes HAPS, ces dirigeables stationnés dans la stratosphère, dans le même continuum réglementaire afin d’éviter les zones grises dont pourraient profiter des acteurs moins scrupuleux.
Selon les représentants d’Eutelsat, le coût d’une antenne utilisateur pourrait descendre sous la barre des 300 dollars à maturité industrielle, un argument que la délégation juge décisif pour généraliser l’accès aux petites exploitations agricoles et aux startups.
Scénarios d’extension du haut débit
Au retour, les experts congolais envisagent plusieurs scenarii. Le premier préconise l’interconnexion rapide des chefs-lieux départementaux via stations solaries compactes, de sorte à désengorger les réseaux hertziens actuels. Les coûts seraient mutualisés avec les opérateurs privés déjà titulaires de licences mobiles.
Un second scénario table sur des hotspots communautaires adossés aux écoles et centres de santé, de manière à réduire la fracture numérique dans les zones à faible pouvoir d’achat. Les satellites LEO fourniraient le backhaul, tandis que le Wi-Fi rayonnerait sur les villages.
Le point juridique et économique
Du côté réglementaire, la formation a rappelé qu’une attribution transparente des fréquences demeure indispensable pour attirer l’investissement étranger. Les enchères devraient tenir compte de la rareté orbitale tout en ménageant un quota pour les futurs acteurs locaux, gage d’émulation industrielle.
Sur le plan financier, l’accès universel pourrait être soutenu par un fonds dédié, alimenté par une redevance minime sur chaque gigaoctet satellitaire vendu. Une approche évoquée par Serge Abel Ongani, convaincu qu’un modèle mutualisé réduira la charge budgétaire de l’État.
Et après ?
Benjamin Mouandza résume la feuille de route immédiate : finaliser un guide technique sur les obligations de reporting des constellations, lancer une consultation publique et préparer, d’ici peu, les tests de compatibilité sur le spectre en bande Ku avec les opérateurs déjà présents.
À moyen terme, l’Agence vise une montée en puissance des stations terriennes locales, condition sine qua non pour garder la main sur les données transitant par le pays, protéger les citoyens et offrir aux entreprises un service fiable, compétitif et en phase avec l’économie numérique.
En misant sur la formation continue et le dialogue avec les champions orbitaux, le Congo-Brazzaville se positionne pour transformer un défi technique en opportunité inclusive, alignée sur les priorités fixées par les autorités pour un développement durable, connecté et souverain.