Antananarivo au cœur de la diplomatie régionale
Antananarivo déploie sa traditionnelle effervescence diplomatique. Dès l’aube, les cortèges officiels convergent vers le Centre international des conférences. Les chefs d’État de la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC) entament un huis clos dont les résultats pourraient redéfinir les équilibres économiques du sud du continent.
Le sommet, quarante-cinquième du genre, s’ouvre dans un contexte marqué par la volatilité des cours des matières premières, la transition énergétique mondiale et la persistance de foyers d’instabilité sécuritaire. D’entrée, les délégations fixent le secteur minier comme priorité absolue de leurs échanges stratégiques.
Mines stratégiques et objectifs de diversification
Selon le secrétariat de la SADC, la région recèle près de la moitié des réserves mondiales de cobalt, 25 % du cuivre et des gisements croissants de terres rares. L’intention des chefs d’État est claire: transformer localement ces ressources plutôt que de les exporter brutes.
Le président malawite Lazarus Chakwera avance qu’« une chaîne de valeur intégrée créera des emplois et consolidera notre autonomie technologique ». Point nodal du projet, le corridor logistique Beira-Lobito intéresse des partenaires asiatiques, mais les capitales insistent pour que les contrats intègrent strictes clauses de contenu local.
Les experts rappellent pourtant que 70 % des minerais sont exportés par mer sans traitement préalable, faute d’électricité fiable. Madagascar propose une initiative conjointe sur les énergies propres, associant hydroélectricité, solaire et interconnexions régionales, destinée à sécuriser la puissance nécessaire aux futures fonderies.
Congo oriental: quête de désescalade
L’offensive de groupes armés dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri a jeté, selon Kinshasa, plus de 6 millions de civils sur les routes. La présidence congolaise plaide pour une extension du mandat de la force régionale et une levée d’embargos jugés obsolètes.
Le chef de l’État angolais João Lourenço, médiateur désigné, a présenté une feuille de route en trois volets: cessez-le-feu, cantonnement des combattants et mécanisme conjoint de vérification. Pretoria et Dar es-Salaam affichent leur soutien, tandis que Gaborone propose un contingent logistique supplémentaire.
Des diplomates présents décrivent des échanges francs mais constructifs. Un délégué namibien confie que « chacun mesure désormais le coût économique d’une crise prolongée ». Les discussions se poursuivent autour des sanctions ciblées et du rôle de la Mission des Nations unies, dont le budget sera renégocié en septembre.
La posture de Brazzaville face aux défis régionaux
Bien que non membre de la SADC, le Congo-Brazzaville a dépêché une délégation conduite par le ministre des Affaires étrangères Jean-Claude Gakosso. Brazzaville entend partager son expérience du Dialogue inter-centrafricain et réaffirmer sa disponibilité à accueillir de futures tables rondes régionales.
Le président Denis Sassou Nguesso, contacté par visioconférence, a insisté sur « l’indivisibilité de la sécurité continentale » et appelé à un alignement des initiatives de la CEEAC avec celles de la SADC. Des observateurs saluent cette démarche de cohérence qui pourrait réduire la fragmentation institutionnelle.
Quel levier pour l’intégration économique?
La Zone de libre-échange continentale africaine demeure le cadre de référence. Toutefois, seuls six États de la SADC ont finalisé leurs schedules tarifaires. Les patrons de chambres de commerce redoutent que les lenteurs administratives prolongent la dépendance aux marchés extérieurs, notamment pour les intrants industriels.
En réponse, la Banque africaine de développement propose une facilité de 1,5 milliard de dollars pour moderniser les postes frontières et uniformiser les procédures douanières. L’Afrique du Sud souhaite que le dispositif privilégie les PME régionales afin d’éviter une captation des subventions par de grands groupes multinationaux.
Le Zimbabwe propose parallèlement un portefeuille de solutions numériques, dont un guichet unique virtuel soutenu par la Commission économique de l’ONU pour l’Afrique. Ce projet pilote devrait réduire de 40 % les temps de dédouanement transfrontaliers.
Les négociateurs insistent également sur la mobilité. Un accord cadre visant à reconnaître mutuellement les visas d’affaires pourrait être signé. « Accélérer la circulation des cadres est la condition sine qua non de l’industrialisation », martèle la ministre botswanaise du commerce, signalant un possible consensus sur ce dossier.
Regards d’experts sur la trajectoire de la SADC
Pour l’économiste zambien Graciano Mukuka, la crédibilité de la région reposera sur la capacité à industrialiser le lithium et le nickel indispensables aux batteries. « Le monde veut des chaînes d’approvisionnement sûres, profitons-en », observe-t-il, évoquant des négociations avancées avec plusieurs constructeurs européens.
De son côté, l’universitaire mauricien Asha Ramtohul insiste sur l’inclusion de la société civile dans le suivi des engagements. Elle plaide pour que l’observatoire publie des indicateurs genre-sensibles afin de mesurer l’accès des femmes aux emplois miniers et logistiques.
L’analyste mozambicain Dércio Cassoma souligne toutefois la nécessité de réformer les systèmes fiscaux nationaux pour éviter la concurrence destructrice. Selon lui, une harmonisation graduelle des royalties minières faciliterait les investissements tout en sécurisant les recettes publiques nécessaires aux objectifs sociaux énoncés par les chefs d’État.
À huis clos, les leaders se sont accordés sur la création d’un observatoire régional du contenu local, rattaché à l’Université de Maurice. Le communiqué final, attendu lundi soir, devrait entériner ce mécanisme et fixer la prochaine réunion à Kinshasa, signe d’une diplomatie régionale en mouvement.
