Washington scelle une étape diplomatique majeure
Sous les dorures du département d’État, le ministre rwandais des Affaires étrangères Olivier Nduhungirehe et son homologue congolaise Thérèse Kayikwamba Wagner ont apposé leurs signatures au bas d’un accord que nombre d’acteurs qualifiaient encore hier d’« improbable ». L’initiative, facilitée par le secrétaire d’État américain Marco Rubio, consacre la reconnaissance mutuelle de l’intégrité territoriale et prévoit la cessation immédiate des hostilités entre les forces régulières et les groupes armés opérant dans l’est de la République démocratique du Congo. L’accord s’inscrit dans une séquence diplomatique plus large, amorcée lors des discussions de Luanda et de Nairobi, et marque la première formalisation bilatérale directe entre Kinshasa et Kigali depuis plus d’une décennie.
Un dispositif sécuritaire inédit au cœur du texte
Le cœur juridique du document réside dans la création d’un Mécanisme permanent de coordination conjointe de la sécurité, doté d’un état-major binationational et d’équipes mixtes de vérification déployées sur les axes Rutshuru–Goma et Bukavu–Cyangugu. Les deux capitales s’engagent à neutraliser les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) ainsi que toute milice affiliée, tandis que Kigali accepte de lever ses « mesures défensives » une fois la traçabilité du désarmement certifiée. Les signataires s’obligent également à cesser tout soutien militaire ou logistique à des acteurs non étatiques. S’il ne rompt pas avec la kyrielle de cessez-le-feu annoncés depuis 2021, le texte confère cependant une assise institutionnelle plus robuste grâce à la clause de contrôles trimestriels menés conjointement par la MONUSCO et l’Union africaine.
Impacts humanitaires et espoirs pour la région des Grands Lacs
Les conséquences humaines du conflit demeurent vertigineuses : plus de 7,8 millions de déplacés internes recensés par l’ONU, des corridors humanitaires régulièrement obstrués et un tissu socio-économique exsangue dans les Kivu. L’accord de Washington prévoit la sécurisation immédiate de vingt-deux points de passage humanitaires, le retour volontaire des réfugiés et la relance de projets transfrontaliers d’infrastructures. « La paix est un choix mais également une responsabilité », a rappelé la cheffe de la diplomatie congolaise, insistant sur la nécessité de traduire les engagements en retombées tangibles pour les communautés qui « regardent, et n’attendent plus que des promesses ». À Kigali, la presse gouvernementale souligne pour sa part le bénéfice sécuritaire qu’un effacement durable des FDLR représenterait pour les provinces frontalières.
Résonances géopolitiques pour Brazzaville et l’Afrique centrale
Si l’accord concerne au premier chef la RDC et le Rwanda, il résonne fortement de l’autre côté du fleuve Congo. Brazzaville, qui a souvent joué le rôle discret de médiateur entre capitales voisines, salue déjà « un jalon déterminant pour la stabilité du bassin du Congo ». Le président Denis Sassou Nguesso, animateur régulier des Concertations de haut niveau sur la paix en Afrique centrale, voit se dessiner un environnement sécuritaire plus propice à la coopération économique sous-régionale, notamment en matière d’interconnexion énergétique et de corridors ferroviaires. Pour les diplomates basés à la CEEAC, l’apaisement entre Kinshasa et Kigali pourrait libérer des ressources politiques au profit de dossiers essentiels tels que la transition tchadienne ou la lutte contre la piraterie dans le golfe de Guinée.
Perspectives de mise en œuvre et rôle des partenaires internationaux
L’accord prévoit une phase test de cent-vingt jours, jalonnée d’étapes de désengagement militaire et de redéploiement administratif dans les zones libérées. Washington s’est engagé à financer la composante technologique du centre conjoint de données, tandis que l’Union européenne envisage un appui budgétaire ciblé sur la réintégration des combattants démobilisés. Pékin, déjà présent dans le Katanga minier, observe le processus avec prudence, conscient que la stabilisation pourrait entraîner une renégociation de certains contrats d’infrastructures. Pour les analystes, la clé résidera dans la capacité des parties à maintenir la transparence sur le financement des opérations et à impliquer la société civile, afin d’éviter que le mécanisme de vérification ne devienne un simple exercice de style.
En dépit des incertitudes, l’esprit du texte trace une voie praticable vers la décrispation régionale. Il rappelle, en creux, qu’aucun acteur, fût-il étatique ou non, ne pourra durablement capitaliser sur l’économie de guerre. S’il se concrétise, le pacte de Washington pourrait constituer un précédent utile pour d’autres foyers de tension sur le continent, à l’image des pourparlers menés sous les auspices du président Denis Sassou Nguesso dans le cadre de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs. La communauté internationale mesure désormais l’ampleur de la tâche : transformer la signature de vendredi en architecture de paix auto-portante, apte à résister aux soubresauts politiques et aux convoitises économiques.