Un différend administratif sous haute surveillance
Le bras de fer entre le ministère des Sports et la Fédération congolaise de football, relancé par la réouverture récente des droits de la FECOFOOT, illustre la complexité de la gouvernance sportive au Congo-Brazzaville. Entre nécessités réglementaires et attentes populaires, la question mobilise désormais observateurs et diplomates.
Au cœur du débat, l’accès aux stades nationaux, fermés à plusieurs compétitions mais ponctuellement ouverts à des événements culturels. Si certains dénoncent une forme de blocage, les autorités rappellent de leur côté les impératifs de sécurité, de maintenance et de planification budgétaire.
Contexte institutionnel et juridique
La levée, en juillet 2025, de la suspension de la FECOFOOT par la Fédération internationale a redonné à l’instance congolaise pleine compétence pour organiser les compétitions nationales. Le ministère, gardien légal du patrimoine sportif, conserve néanmoins le pouvoir de police sur les infrastructures publiques.
Des juristes soulignent que la règle congolaise impose une autorisation écrite pour toute manifestation dans un équipement classé d’intérêt national. « Les stades restent propriétés de l’État ; leur mise à disposition relève d’une convention », rappelle Me Élise Matsoua, spécialiste du droit du sport à Brazzaville.
La position du ministère des Sports
Contacté par plusieurs médias locaux, le cabinet du ministre Hugues Ngouélondélé avance trois raisons principales aux fermetures temporaires : la nécessité de finir des travaux de conformité CAF, l’évaluation technique des pelouses synthétiques vieillissantes et la montée en vigilance sécuritaire avant la saison des pluies.
Le ministère rappelle également les investissements consentis depuis 2019, notamment les rénovations du stade Massamba-Débat et la construction de nouvelles enceintes régionales. « Nous partageons l’objectif de relancer la compétition, mais dans des conditions répondant aux standards internationaux », précise une note interne consultée par Radio Congo.
S’agissant des concerts autorisés, l’entourage du ministre assure que les jauges sont limitées et que les scènes n’exigent pas la même homologation sportive. Cette explication, soutenue par certains organisateurs culturels, n’a pas encore convaincu l’ensemble des clubs de première division.
Les arguments de la FECOFOOT et des clubs
Dans un communiqué publié le 22 août 2025, le comité exécutif de la FECOFOOT « exprime son incompréhension » face au refus persistant d’accès aux infrastructures. L’instance rappelle que quinze matches de coupe et dix rencontres de championnat ont déjà été reprogrammés, grevant son calendrier.
Plusieurs présidents de clubs estiment que l’absence de compétition régulière fragilise la sélection nationale A’. « Nos joueurs manquent de rythme avant les éliminatoires de la CAN 2026 », observe Ange Diawara, dirigeant du Racing Club de Brazzaville, appelant à une solution concertée dans les meilleurs délais.
La FECOFOOT soutient que les diagnostics techniques pourraient être menés en parallèle des matches, comme pratiqué dans plusieurs pays voisins. Elle propose un protocole partagé incluant visites hebdomadaires, consignes de sécurité renforcées et fonds de solidarité pour la remise à niveau des pelouses.
Conséquences sportives et économiques
Selon une estimation de la chambre de commerce de Brazzaville, chaque journée de championnat génère en moyenne 120 millions de francs CFA de retombées directes pour les vendeurs ambulants, les transports urbains et les hôtels. La suspension prolongée représente donc un manque à gagner significatif.
Sur le plan sportif, les Diables Rouges A’ ont quitté le dernier CHAN au stade des quarts, malgré un potentiel salué par la presse panafricaine. Le sélectionneur Isaac Ngata évoque « des jambes lourdes faute de compétition domestique », tout en se disant confiant dans le vivier national.
Les sponsors étudient quant à eux les clauses de résiliation anticipée. Certaines sociétés de télécommunication, partenaires majeurs depuis 2018, craignent une visibilité réduite. « L’attrait commercial d’un championnat figé diminue », confie un cadre qui souhaite garder l’anonymat.
Options de médiation et perspectives
Conformément aux orientations du Plan national de développement, le Premier ministre Anatole Collinet Makosso a récemment insisté sur la nécessité de concilier excellence sportive et bonne gouvernance. Une réunion tripartite Ministère-FECOFOOT-Primature serait, selon nos informations, envisagée pour la première quinzaine d’octobre.
La représentation nationale pourra également jouer les facilitateurs. Plusieurs députés de la commission des affaires culturelles et sportives se disent prêts à auditionner les parties afin d’identifier un compromis durable, à l’image du modèle de gestion partagée adopté par le Sénégal en 2022.
À plus long terme, la Banque africaine de développement étudie un programme régional d’appui aux infrastructures sportives. Brazzaville pourrait en bénéficier, sous réserve d’un mécanisme clair de gouvernance cofinancé par le secteur privé et encadré par le ministère chargé des Finances.
Dans l’immédiat, joueurs, supporters et décideurs espèrent un déblocage rapide des stades, symbole de cohésion nationale. Le dialogue institutionnel engagé offre une fenêtre d’opportunité : il appartient désormais aux acteurs de transformer cette phase d’alerte en levier de relance pour le football congolais.
Dans les chancelleries occidentales présentes à Brazzaville, on observe ce dossier avec intérêt, y voyant un indicateur de la capacité congolaise à équilibrer rôle de l’État et autonomie fédérale, élément déterminant pour de futurs partenariats sportifs ou programmes d’échanges universitaires.