Diplomatie parlementaire au premier plan
On 18 septembre 2025, le président de l’Assemblée nationale du Congo, Isidore Mvouba, a accueilli l’ambassadeur du Tchad, Abdelkerim Ahmadaye, quatorze mois après l’arrivée de ce dernier à Brazzaville. La rencontre, cordiale et dense, confirme la vitalité d’une diplomatie parlementaire souvent discrète mais stratégique.
L’échange s‘inscrit dans la continuité de la 16ᵉ conférence africaine des présidents d’Assemblées, tenue en avril 2025 à Brazzaville, durant laquelle le Tchad s’était fait représenter par sa deuxième vice-présidente, la jeune législature n’ayant pas encore adopté ses textes de base.
Un message venu de N’Djamena
Portant la voix de son homologue tchadien, l’ambassadeur a remis un message personnel à Isidore Mvouba. Le président de l’Assemblée du Tchad y exprime son intention d’effectuer prochainement une visite d’étude à Brazzaville, afin de s’inspirer du fonctionnement institutionnel congolais.
Ce geste illustre la reconnaissance d’une expertise parlementaire congolaise acquise au fil des révisions constitutionnelles et des réformes internes. En retour, le bureau de l’Assemblée nationale du Congo y voit l’opportunité de consolider un réseau régional de partage d’expériences et de bonnes pratiques.
Une amitié forgée dans la proximité
Devant la presse, Abdelkerim Ahmadaye a déclaré que les relations entre le Tchad et le Congo « sont au beau fixe ». La formule, simple, résume des liens historiques, familiaux et amicaux souvent rappelés par les deux capitales, qui partagent le même héritage de l’Afrique équatoriale française.
« Brazzaville est notre seconde capitale coloniale collective », a-t-il ajouté, soulignant une intimité géographique et politique rarement égalée dans la sous-région. Cet attachement identitaire constitue un socle culturel sur lequel les responsables entendent bâtir une coopération multisectorielle rafraîchie.
Brazzaville, carrefour des convergences
La capitale congolaise, déjà hôte d’organisations régionales, joue une fonction de plaque tournante diplomatique. Les audiences successives accordées par Isidore Mvouba renforcent cette vocation, offrant à Brazzaville un rôle de passerelle entre l’Afrique centrale sahélienne et les façades maritimes du Golfe de Guinée.
Pour l’ambassadeur, se sentir à Brazzaville « comme à N’Djamena » n’est pas qu’une image. L’aisance relationnelle accélère les dossiers techniques, qu’il s’agisse de transport des personnes, d’échanges commerciaux ou de programmes de formation, autant de chantiers évoqués durant l’entretien de septembre.
Relancer la filière viande
Le diplomate a rappelé qu’à une époque le Tchad approvisionnait Brazzaville, Pointe-Noire, Bangui et Libreville en viande. La conversation a porté sur la nécessité de réactualiser cette coopération agro-pastorale, dans un contexte où la demande urbaine reste soutenue sur l’ensemble du corridor.
Les interlocuteurs ont souligné que la spontanéité des échanges familiaux facilite la circulation du bétail, tout en reconnaissant l’importance d’un encadrement sanitaire modernisé. Une relance de la filière passerait par une actualisation des protocoles vétérinaires et des infrastructures de conservation.
Coopération universitaire exemplaire
Abdelkerim Ahmadaye a exprimé sa gratitude envers l’Université Marien Ngouabi, unique université publique du Congo, qui a formé de nombreux cadres tchadiens. Pour Brazzaville, cette réussite souligne la portée régionale de son système d’enseignement supérieur et conforte la vocation panafricaine du campus.
L’ambassadeur et le président de l’Assemblée ont envisagé de renforcer ces passerelles académiques par des séminaires conjoints et des mobilités professorales. Un tel axe, compatible avec l’autonomie des universités, soutiendrait la création de compétences communes et la circulation des innovations.
Perspectives sectorielles
Au détour des échanges, les deux responsables ont évoqué de « divers domaines » sans préciser publiquement le calendrier. L’expression, volontairement large, laisse entendre que l’agriculture, l’énergie ou la logistique pourraient également être examinées par des équipes techniques dans les prochains mois.
Pour Isidore Mvouba, chaque partenariat sectoriel consolidé sert la diversification économique prônée par les autorités congolaises. Du côté tchadien, la conquête de débouchés maritimes via les ports congolais représente un atout, tout comme l’accès à des expertises institutionnelles rodées.
Ce qu’il faut retenir
La visite de l’ambassadeur Abdelkerim Ahmadaye rappelle que la diplomatie ne se limite pas aux sommets présidentiels. En mobilisant le canal parlementaire, Brazzaville et N’Djamena bâtissent une relation fondée sur l’apprentissage mutuel, l’hospitalité et la relance de coopérations économiques éprouvées.
Les échanges sur la filière viande, sur la formation universitaire et sur la future visite du président de l’Assemblée tchadienne constituent des jalons concrets. Leur mise en œuvre dépendra toutefois de l’agenda des commissions mixtes et des arbitrages budgétaires, indicateurs classiques du sérieux diplomatique.
Et après ?
D’ici la venue annoncée du président de l’Assemblée du Tchad à Brazzaville, les deux chancelleries travaillent à formaliser un programme mêlant sessions plénières, visites de terrain et rencontres avec les opérateurs privés. L’objectif est de traduire la cordialité politique en projets mesurables.
Les observateurs retiennent que la relation Tchad-Congo évolue sans bruit mais avec constance, portée par des responsables qui se disent « chez eux » de part et d’autre. Une approche douce, parfois sous-estimée, qui alimente néanmoins un partenariat à la fois pragmatique et affectif.
Un forum économique bilatéral pourrait être annoncé en marge de la visite, signe de la volonté d’impliquer le secteur privé dans l’élan parlementaire.