Une administration redessinée, miroir d’une volonté réformatrice
La réunion tenue récemment à Kinshasa par le secrétaire général à l’Aménagement du territoire, Dieudonné Menzu, a créé un rare instant de transparence administrative. Devant les directeurs et chefs de service, le haut fonctionnaire a dressé le bilan de ses dix-huit mois de gestion, rappelant la situation « sans embellissement » héritée en novembre 2022. Le propos s’inscrivait moins dans l’autosatisfaction que dans la démonstration d’une méthode : diagnostiquer, restructurer, puis projeter.
Cette méthode a conduit à la révision des structures organiques : les directions centrales sont passées de huit à onze, signe d’une spécialisation accrue. Au même rythme, une loi cadre, promulguée le 1ᵉʳ juillet 2025, offre désormais un socle juridique à une politique territoriale de long terme. L’administration, jusque-là fragilisée, se dote ainsi d’outils normatifs capables d’encadrer les futures opérations de lotissement, de régulation foncière et de planification urbaine.
Indicateurs de performance et crédibilité institutionnelle
Les diplomates observent avec attention la mise en place d’indicateurs objectifs, rareté encore dans certaines bureaucraties de la région. Le renforcement des effectifs, passés de 731 à 2 293 agents mécanisés, ainsi que la promotion de onze directeurs par ordonnance présidentielle, témoignent d’un souci de capital humain. L’administration entend rompre avec une tradition de stagnation en privilégiant la formation continue et la déconcentration des décisions – deux leviers indispensables pour la viabilité d’un schéma national d’aménagement.
La mobilisation des partenaires n’a pas été en reste. CAFI et le FONAREDD, avec l’appui du PNUD, ont rejoint une « task force » technique qui crédibilise le processus auprès des bailleurs. Dans un contexte régional où la finance climat rebat les cartes de l’influence, l’accès à ces guichets constitue un atout stratégique que Brazzaville suit de près, soucieuse d’aligner ses propres feuilles de route aux meilleures pratiques.
Le Bassin du Congo comme laboratoire de coopération
Si l’action de Dieudonné Menzu se déroule en République démocratique du Congo, ses répercussions dépassent les frontières. Les schémas nationaux à venir nourrissent l’idée d’un corridor écologique et économique s’étendant de Kinshasa à Brazzaville, voire jusqu’aux ports de Pointe-Noire et de Matadi. À l’heure où le président Denis Sassou Nguesso plaide régulièrement pour une gouvernance concertée du Bassin, l’exemple de Kinshasa ouvre des pistes de synergies appréciées par les partenaires internationaux.
Le potentiel agricole et le capital forestier, objets de deux grandes études livrées cette année, constituent les prémices d’une cartographie régionale harmonisée. L’ambition de réduire les conflits d’usage de l’espace trouve un écho favorable auprès des chancelleries, soucieuses de prévenir toute rivalité foncière susceptible de fragiliser la stabilité politique de l’Afrique centrale.
Horizons stratégiques et prudence diplomatique
Les défis, toutefois, demeurent logistiques, budgétaires et sécuritaires. Les réseaux routiers intérieurs restent lacunaires et la superposition de titres miniers, forestiers et coutumiers appelle une ingénierie juridique d’une rare finesse. L’administration Menzu en est consciente et prévoit une série de textes d’application, en concertation avec les ministères sectoriels, pour sécuriser investisseurs et communautés locales.
« Nous voulons un pays aménagé, compétitif et exempt de conflits », a-t-il déclaré, résumant une vision partagée par nombre d’acteurs économiques, y compris ceux domiciliés de l’autre côté du fleuve. Dans les cercles diplomatiques, l’on voit poindre un mouvement vertueux : la modernisation de l’aménagement du territoire pourrait devenir un levier discret de cohésion sous-régionale, sans effacer les particularismes politiques de chaque capitale.
C’est précisément dans cette prudence que réside la force du dossier. En combinant réforme interne et ouverture aux initiatives communes du Bassin du Congo, Kinshasa contribue à un climat de confiance dont Brazzaville, attachée à la préservation d’un dialogue constant, pourrait être l’un des principaux bénéficiaires.
Vers une diplomatie de la cartographie partagée
À moyen terme, l’élaboration d’un schéma national numérisé, corrélé aux infrastructures transfrontalières, offrirait une base factuelle à toute négociation bilatérale. Des couloirs de transport fluvial aux zones économiques spéciales, c’est sur l’autel des données territoriales fiables que se joue déjà la prochaine décennie de coopération. Les bailleurs européens et asiatiques, eux, scrutent la réduction du risque foncier, condition sine qua non d’un engagement massif.
En définitive, le processus piloté par Dieudonné Menzu incarne davantage qu’un chantier administratif. Il esquisse une diplomatie de la planification, capable d’embrasser les exigences environnementales, sociales et financières d’un Bassin du Congo appelé à rester un pivot géostratégique. Pour les observateurs, l’enjeu n’est pas de célébrer un homme, mais de mesurer la solidité d’une architecture institutionnelle naissante, dont la stabilité bénéficiera à l’ensemble de la sous-région.
