Ce qu’il faut retenir
Faustin-Archange Touadéra sollicite, le 28 décembre, la confiance des Centrafricains pour un troisième mandat. Malgré le boycott annoncé d’une partie de l’opposition, le chef de l’État met en avant le retour progressif à la sécurité et l’ouverture soutenue d’investissements russes et émiratis.
Bangui revendique une baisse des exactions de groupes armés, attribuée à la coopération militaire avec Moscou et au déploiement constant de contingents bilatéraux. L’économie, encore sous perfusion, profite néanmoins d’un rebond minier et d’un encadrement budgétaire suivi par Abou Dhabi.
Calendrier électoral sous tension
Le scrutin présidentiel et législatif est fixé durant la trêve des fêtes, une période jugée risquée par les ONG, en raison des difficultés logistiques sur les axes ruraux. L’Autorité nationale des élections assure disposer des matériels et d’une couverture sécuritaire robuste.
Plusieurs plates-formes de l’opposition, dont la COD-2020, dénoncent toujours un fichier électoral incomplet et la non-révision de certaines circonscriptions enclavées. Elles conditionnaient leur participation à un audit indépendant que la Cour constitutionnelle, saisie en urgence, a déclaré hors délais.
Bangui-Moscou, un partenariat assumé
Depuis 2018, la présence d’instructeurs russes, agréés par l’ONU, s’est muée en un maillage sécuritaire plus dense, appuyé par des sociétés militaires privées. « Il n’existe pas d’alternative efficace à court terme », confie un conseiller présidentiel, vantant un coût jugé maîtrisable.
Le Kremlin assure la maintenance de plusieurs hélicoptères d’appui et participe à la formation des bataillons d’élite FACA. En retour, Bangui a octroyé des permis miniers dans l’Ouham et la Lobaye, tout en signant un protocole énergétique couvrant la modernisation de la centrale de Boali.
Cette convergence russo-centrafricaine, scrutée par Paris et Washington, s’accompagne d’un volet soft power, incluant radios communautaires, bourses universitaires et programmes de traduction de manuels scolaires en sango. Les autorités affirment y voir une diversification bienvenue, non un alignement exclusif.
Contexte
La République centrafricaine sort d’une décennie d’instabilité aiguë, marquée par le coup d’État de 2013 et l’avancée de la coalition CPC stoppée aux portes de Bangui en 2021. L’état d’urgence a été levé mais l’insécurité routière persiste au nord-ouest.
Sur le plan macroéconomique, le PIB devrait progresser de 3,5 % selon la BEAC, aidé par un ruissellement des cours de l’or. Les autorités signalent cependant une inflation vivrière supérieure à 7 %, poussée par les retards d’approvisionnement sur le corridor camerounais.
Scénarios de scrutin
Premier scénario, un vote se déroulant sans incidents majeurs et sanctionné par une victoire dès le premier tour. La présidence y voit la confirmation d’un mandat sécuritaire, propice à l’ancrage d’investisseurs des Émirats arabes unis dans les infrastructures routières.
Deuxième option, un taux d’abstention élevé lié au boycott, fragilisant la légitimité interne tout en maintenant le soutien extérieur, notamment de la CEMAC. Les analystes notent que l’Union africaine privilégie la stabilité et pourrait encourager un dialogue post-électoral élargi.
Troisième hypothèse, des incidents localisés ravivent la contestation. Les forces bilatérales russes et rwandaises demeureraient en appui, sous mandat onusien, pour sécuriser Bangui. Les marchés redoutent alors une suspension d’aides budgétaires, limitant la capacité de l’État à payer fonctionnaires et bourses.
Le point juridique/éco
La Cour constitutionnelle a validé la réforme de 2023 supprimant la limitation à deux mandats. Le texte est adossé à une jurisprudence de la sous-région qui laisse à chaque peuple la faculté de définir son ordre institutionnel. Aucun recours n’est désormais pendant.
Côté finances, le budget 2024 table sur une hausse des recettes fiscales de 18 %, portée par la douane de Beloko et un meilleur recouvrement des droits d’exploitation forestière. Le FMI suit une facilité élargie de crédit, assortie d’une clause de bonne gouvernance.
Les investisseurs internationaux interrogent la soutenabilité de la dette, encore modérée à 55 % du PIB. Or, l’exportation d’électricité vers le Congo-Brazzaville, via l’interconnexion en projet sur l’Oubangui, pourrait améliorer les flux de devises tout en renforçant l’intégration sous-régionale.
Et après ?
Une victoire de Touadéra ouvrirait une phase de consolidation administrative. L’Élysée, tout en réduisant son dispositif militaire, maintient son enveloppe d’aide au développement axée sur l’agriculture. Bangui souhaite transformer cette assistance en partenariats agro-industriels avec la diaspora centrafricaine.
Les autorités veulent également capitaliser sur le numérique, avec l’ambition de connecter sept préfectures au haut débit d’ici 2026 grâce à un financement mixte BAD-Emirats. Un campus technologique pilote est planifié à Bambari, adossé à des formations d’ingénieurs en cybersécurité.
À moyen terme, la question de la réconciliation nationale restera centrale. L’initiative Sant’Egidio, relancée en octobre, propose un dialogue de proximité dans chaque préfecture. « Aucune armée étrangère ne remplacera la parole », assure un évêque de Bossangoa, misant sur la participation civique.
Sur le plan diplomatique, Bangui espère décrocher, début 2024, un siège d’observateur au sein du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine. Le ministère des Affaires étrangères y voit un levier pour présenter son modèle de sécurisation partenarial.
