Un aggiornamento attendu au cœur du second quinquennat
La lecture, le 7 août, par la porte-parole présidentielle Tina Salama de l’ordonnance instituant le gouvernement Suminwa II a clos plusieurs semaines de spéculation dans la capitale congolaise. Pour Félix Tshisekedi, qui entame juridiquement son deuxième mandat, il s’agissait de donner une matérialité institutionnelle à ses promesses d’« union sacrée », formule souvent invoquée mais encore dépourvue de traduction administrative claire. En 2021, la première équipe Suminwa avait été conçue dans l’urgence d’un contexte sanitaire tourmenté. Trois ans plus tard, le chef de l’État revendique une architecture « élargie et inclusive », autrement dit une coalition suffisamment large pour stabiliser l’hémicycle et rassurer les partenaires extérieurs, sans pour autant sacrifier la lisibilité d’action.
Une géographie ministérielle élargie et ses usages
Avec 57 portefeuilles, dont six vice-premiers ministres et un ministère d’État supplémentaire, la nouvelle mouture impressionne par son volume. Les observateurs soulignent la réactivation d’un ministère délégué aux Congolais de l’étranger, signe de la volonté de capter une diaspora considérée comme ressource financière et lobby d’influence. L’entrée de figures issues de petites formations régionales, comme celle d’Éliane Bekina au Tourisme, illustre en outre la recherche d’un équilibre territorial que beaucoup jugeaient indispensable après la flambée des violences à l’Est. « Nous devions éviter le sentiment d’abandon dans certaines provinces », justifie un conseiller de la présidence sous couvert d’anonymat.
Opposition : entre réalisme parlementaire et critique de façade
Si l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS) revendique la cohérence d’une majorité reconduite, les rangs d’Ensemble pour la République de Moïse Katumbi dénoncent déjà un « gouvernement de ralliement » façonné pour diluer la responsabilité politique. Martin Fayulu, voix persistante de la contestation post-électorale, s’interroge sur la pertinence budgétaire d’un cabinet « aussi pléthorique qu’inégalitaire » (déclaration radio captée à Kinshasa). Pourtant, plusieurs députés proches de l’opposant admettent qu’un vote de confiance négatif paraît improbable, conscients de l’usure populaire causée par le blocage institutionnel de la décennie précédente.
Les marges de manœuvre face aux urgences sécuritaires
Au-delà de la politologie arithmétique, la solidité du Suminwa II sera jugée sur sa capacité à pacifier le Nord-Kivu et à relancer l’économie hors revenus miniers. La nomination de Michel Mwangi au portefeuille Défense, réputé pour sa rigueur lors des négociations de Nairobi, rassure plusieurs chancelleries africaines. Sur le plan financier, la reconduction de Nicolas Kazadi aux Finances vise à maintenir le dialogue amorcé avec le FMI, dont les dernières lettres d’intention conditionnent d’importants décaissements destinés aux infrastructures nationales. Les diplomates occidentaux notent toutefois que la cohérence inter-ministérielle devra se mesurer à la rapidité d’absorption des fonds, éternelle faiblesse congolaise.
Vers un test grandeur nature de la coalition présidentielle
Le nouveau cabinet dispose d’une fenêtre de six mois pour transformer la bienveillance initiale en crédit politique durable. Les jeux régionaux, y compris la concurrence portuaire avec le Congo-Brazzaville voisin, invitent Kinshasa à privilégier une gouvernance lisible, propre à séduire investisseurs et partenaires de sécurité. « La population nous jugera sur la maîtrise de l’inflation et la réhabilitation des routes, pas sur la longueur du protocole », concède la Première ministre Judith Suminwa, déterminée à faire mentir les sceptiques. Reste que l’ampleur de la coalition impose un art consommé de la médiation interne, art que le président Tshisekedi entend incarner en personne lors des conseils interministériels hebdomadaires.