La vitrine culturelle africaine à Paris
Au-delà de la splendeur des lumières parisiennes, le gala tenu le 5 août dans la grande salle des pas perdus de l’UNESCO a offert une tribune rare à l’expression artistique africaine. Portée par Brigitte Touadéra, Première dame de la République centrafricaine, la manifestation a réuni des troupes de danse, de chant polyphonique et de poésie contemporaine qui ont tour à tour déployé un récit de paix et de résilience. L’initiative confirme l’intérêt croissant de l’agence onusienne pour les acteurs non étatiques du continent, perçus comme des relais essentiels de la diplomatie culturelle. En invitant dix orphelins de Bangui à se produire devant un parterre d’ambassadeurs, Mme Touadéra a souligné le lien intime qu’entretiennent culture et inclusion sociale, deux thèmes au cœur de l’Agenda 2063 de l’Union africaine.
Une coopération sino-centrafricaine sous le prisme du soft power
Co-organisateur de la soirée, le gouvernement de la République populaire de Chine a affiché une stratégie de rayonnement artistique parfaitement assumée. Concert d’instruments traditionnels, calligraphie en direct, mise en avant des arts martiaux : chaque séquence a dessiné les contours d’une diplomatie douce qui ajoute aux partenariats sécuritaires et économiques déjà structurants en Afrique centrale. Pékin trouve dans la scène culturelle un levier pour rendre tangible son discours sur la « communauté de destin », tandis que Bangui y voit l’occasion de diversifier ses soutiens internationaux dans un contexte encore fragile. L’équilibre est soigneusement entretenu : les représentants chinois ont salué « la richesse insoupçonnée des patrimoines centrafricains », quand la Première dame a salué « l’hospitalité millénaire » du partenaire asiatique.
Le rôle croissant des Premières Dames dans l’agenda multilatéral
Depuis une décennie, les conjoints de chefs d’État africains investissent l’espace multilatéral avec des programmes ciblés. L’impact cumulé de Sylvia Bongo, Antoinette Sassou Nguesso ou Aïssata Issoufou dans les domaines de la santé maternelle ou de l’alphabétisation a inspiré le modèle de la Fondation Cri du Cœur. À Paris, Mme Touadéra a rappelé que « la culture est plus qu’un divertissement : c’est un vecteur de paix. » Son discours s’est inscrit dans la lignée des initiatives régionales telles que le Fonds de solidarité culturel d’Afrique centrale, plateforme soutenue par Brazzaville pour harmoniser les politiques patrimoniales. Cette convergence renforce la visibilité de l’Afrique centrale dans les enceintes internationales, longtemps dominées par les diplomaties du Maghreb et de l’Afrique australe.
Brazzaville, Bangui et la géométrie variable des convergences
Si la République du Congo n’était pas partie prenante de l’organisation technique du gala, son influence y était palpable par la présence discrète d’une délégation du ministère congolais de la Culture, venue observer les meilleures pratiques en matière d’ingénierie culturelle. Depuis le lancement en 2021 du Plan national de développement culturel porté par le président Denis Sassou Nguesso, Brazzaville mise sur une diplomatie d’image capable de compléter le succès des forums pétroliers et forestiers. Le rapprochement avec Bangui, déjà visible dans la gestion concertée de la commission mixte de la Sangha, gagne désormais le registre symbolique. Les deux capitales partagent une même conviction : la paix durable passe aussi par la valorisation des identités.
Jeunesse, résilience et narration régionale
Dans l’enceinte solennelle de l’UNESCO, la chorégraphie d’ouverture évoquant l’hospitalité bantoue a reçu une ovation qui va bien au-delà du simple engouement artistique. Elle consacre une nouvelle étape de la narration régionale d’Afrique centrale, où les défis sécuritaires s’accompagnent d’un besoin urgent de modèles positifs pour la jeunesse. Les orphelins de Bangui, devenus le temps d’une soirée des ambassadeurs culturels, incarnent cette résilience. Au sortir de la représentation, un diplomate congolais reconnaissait que « la culture donne un visage humain aux négociations souvent arides ». La remarque résume l’esprit de l’événement : réconcilier l’exigence stratégique avec l’expression sensible des peuples.
Perspectives pour la diplomatie culturelle en Afrique centrale
Les retombées du gala se mesureront dans la durée, notamment à travers la circulation prévue de l’exposition itinérante « Voix de l’Oubangui », appelée à s’arrêter à Brazzaville dès le premier trimestre 2025. Le Centre international de civilisation bantu, institution panafricaine hébergée par le Congo, a déjà proposé un accompagnement scientifique afin de documenter les performances collectées à Paris. Une telle synergie augure une montée en puissance du soft power régional susceptible de renforcer la cohésion sociale et de consolider l’influence des États concernés dans les forums globaux. Comme l’a rappelé la Première dame de Centrafrique dans son adresse, « que le vent de la paix souffle toujours », invitation que Brazzaville, fidèle à sa tradition de médiation, ne manquera pas de relayer sur la scène internationale.
