Ce qu’il faut retenir
On 2 octobre 2023, le Conseil constitutionnel camerounais a confirmé la victoire du président Paul Biya avec 53,66 % des suffrages, loin devant ses huit concurrents. À 90 ans, le dirigeant s’apprête à entamer un huitième mandat de sept ans.
Ses partisans saluent la « continuité » et la stabilité, tandis que les candidats d’opposition dénoncent de présumés dysfonctionnements logistiques. Le taux de participation officiel, 54,4 %, montre une mobilisation moyenne dans un contexte de sécurité encore fragile aux confins anglophones.
Une victoire annoncée de longue date
Observateurs et chancelleries s’attendaient à un résultat favorable au chef de l’État, dont l’appareil politique, le RDPC, reste solidement implanté jusqu’aux villages. Plusieurs enquêtes d’opinion publiées avant le vote plaçaient déjà le sortant loin devant.
La campagne, brève et fortement encadrée par l’administration, a mis l’accent sur les grands travaux d’infrastructures routières et hydrauliques lancés durant le mandat précédent, ainsi que sur la promesse d’une accélération de la décentralisation.
Les chiffres derrière le scrutin
Sur plus de 7,1 millions d’électeurs inscrits, 3,9 millions ont déposé un bulletin, selon les données consolidées par Elections Cameroon. Le président obtient 2,09 millions de voix, tandis que son principal challenger, Maurice Kamto, récolte 1,35 million.
Le Conseil constitutionnel a invalidé 18 000 bulletins pour irrégularités mineures, chiffre jugé non déterminant. Les observateurs de l’Union africaine estiment que le cadre juridique « répond globalement aux standards », tout en recommandant une clarification du fichier électoral.
Opposition et marge de manœuvre
Le Mouvement pour la Renaissance du Cameroun évoque des recours symboliques, conscient de la solidité institutionnelle autour du chef de l’État. « Nous poursuivrons la bataille par la sensibilisation citoyenne », a déclaré Maurice Kamto devant la presse locale.
Pour l’instant, aucun appel massif à manifester n’a été lancé; les leaders se concentrent sur la préparation du double scrutin législatif et municipal prévu l’an prochain. Les forces de l’ordre demeurent déployées de façon dissuasive.
Regards croisés de la sous-région CEMAC
Dans les capitales voisines, la confirmation de Biya est perçue comme un gage de continuité. À Brazzaville, plusieurs analystes soulignent la « stabilité convergente » entre les présidents Paul Biya et Denis Sassou Nguesso, pilier des médiations régionales depuis deux décennies.
La CEMAC, qui finalise la mise en place du passeport biométrique commun, voit dans ce nouveau mandat l’occasion de relancer l’harmonisation douanière et le projet d’autoroute Yaoundé-Brazzaville, identifié comme corridor prioritaire par la Banque africaine de développement.
Les enjeux économiques du septennat
Malgré une croissance attendue de 4 % en 2024, l’économie camerounaise demeure exposée aux chocs pétroliers et à la volatilité des cours du cacao. Le gouvernement mise sur la puissance du port en eau profonde de Kribi pour diversifier les recettes.
Les bailleurs multilatéraux encouragent également la poursuite des réformes budgétaires et la rationalisation de la dette publique, jugée soutenable. Plusieurs accords de financement vert, dont un avec l’Initiative pour les forêts d’Afrique centrale, devraient appuyer la transition énergétique.
Sécurité et diplomatie régionale
Sur le front sécuritaire, les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest restent marquées par la crise anglophone. Yaoundé évoque une « stratégie de dialogue progressif » couplée à des opérations ciblées contre les groupes armés qui entravent le transport du bois.
Au Sahel, le Cameroun maintient un contingent dans la Force multinationale mixte contre Boko Haram. Cette présence est saluée par N’Djamena et Abuja. Brazzaville, de son côté, discute d’un renforcement des échanges de renseignements pour sécuriser la boucle logistique CEMAC.
Le point juridique
Le système électoral camerounais s’appuie sur la loi de 2012, modifiée en 2019, qui confie l’organisation des scrutins à Elecam tout en réservant au Conseil constitutionnel le contentieux post-électoral. Ce schéma réduit la politisation directe des tribunaux ordinaires.
Toutefois, plusieurs ONG locales suggèrent d’introduire la représentation proportionnelle pour rééquilibrer la compétition et d’abaisser le cautionnement exigé aux candidats, fixé à 30 millions de francs CFA. Le gouvernement a promis une consultation multipartite avant fin 2024.
Scénarios macroéconomiques
Selon le FMI, un scénario de base sans réformes supplémentaires plafonnerait la croissance à 3,8 % et maintiendrait le taux de pauvreté autour de 37 %. Le scénario volontariste, intégrant l’industrialisation du gaz, pourrait hisser la croissance à 6 %.
Les autorités camerounaises disent viser une trajectoire intermédiaire, misant sur l’amélioration du climat des affaires et la construction de deux centrales solaires de 50 MW chacune. La coopération avec l’Agence française de développement et Eximbank Chine sera déterminante dans le financement.
Et après ?
La prestation de serment devrait intervenir dans les prochaines semaines au palais de l’Unité. Le chef de l’État promet une équipe gouvernementale rénovée, avec davantage de profils issus de la jeunesse et de la diaspora technique, sans rupture brutale.
Les investisseurs surveilleront la composition du futur cabinet économique et la cadence des réformes. Les partenariats Sud-Sud, notamment avec le Congo-Brazzaville et la Guinée équatoriale, pourraient s’intensifier autour de l’agro-industrie et des infrastructures numériques à haut débit.
Les cercles financiers anticipent une euro-obligation verte de 750 millions de dollars, première en Afrique centrale, pour refinancer des infrastructures résilientes et soutenir l’agriculture durable.
