Ce qu’il faut retenir
Depuis New York, António Guterres alerte : réduire les financements VIH exposerait des millions de vies. Les progrès sont réels mais fragiles. Droits humains, prévention et traitements doivent rester la triple priorité afin de tenir l’engagement d’éradiquer la menace sanitaire à l’horizon 2030.
Journée mondiale sida 2025 : un thème ambitieux
Placée sous le slogan « Surmonter les perturbations, transformer la riposte au sida », l’édition 2025 veut capitaliser sur les leçons de la pandémie de Covid-19. Les interruptions de services observées en 2020 ont montré combien les communautés devraient être rendues plus résilientes, notamment en Afrique subsaharienne.
Financer la prévention, maillon sous-estimé
Dans son allocution, le secrétaire général constate qu’à peine un quart des budgets dédiés au VIH est affecté à la prévention primaire. « Chaque dollar investi en amont évite des dépenses exponentielles en traitement », rappelle-t-il, citant l’ONUSIDA. Les experts estiment qu’un triplement des fonds préventifs permettrait d’éviter 1,6 million de nouvelles infections annuelles.
Traiter toutes les personnes vivant avec le VIH
La disponibilité accrue des antirétroviraux a déjà réduit de moitié la mortalité liée au sida depuis 2010. Le défi reste l’adhésion continue au traitement, surtout chez les jeunes. Le patron de l’ONU plaide pour des plateformes numériques de suivi, des tests en autotest à domicile et des cliniques mobiles adaptées aux réalités rurales.
Droits humains au cœur de la stratégie
António Guterres insiste : « Aucune réponse ne sera efficace si la stigmatisation persiste ». Les travailleurs du sexe, personnes LGBTQI+ ou usagers de drogues demeurent souvent exclus des systèmes de santé. Intégrer la non-discrimination dans les lois nationales constitue, selon lui, un accélérateur de santé publique et de cohésion sociale.
Afrique centrale : cap sur l’accès universel
Le bassin du Congo a enregistré une baisse de 37 % des nouvelles infections depuis 2010, grâce à des campagnes communautaires, au dépistage rapide et à la gratuité élargie des traitements. À Brazzaville, le Programme national de lutte contre le sida mise sur des relais jeunes et un maillage de laboratoires régionaux.
Le point éco : des ressources à consolider
Le Fonds mondial et PEPFAR financent près de 60 % de la réponse VIH en Afrique centrale. Cependant, la part des budgets nationaux progresse. Au Congo, l’allocation budgétaire santé a été maintenue malgré la conjoncture, un signal favorable pour la durabilité des programmes, relèvent des analystes de la CEMAC.
Scénarios d’ici 2030
Selon l’ONUSIDA, atteindre l’objectif 95-95-95 (dépistage, traitement, charge virale indétectable) d’ici fin 2027 placerait le monde sur une trajectoire d’élimination. À l’inverse, un recul des financements de seulement 10 % pourrait engendrer 1 million de décès supplémentaires au cours de la prochaine décennie.
Contexte : les chiffres clés
En 2023, 40 millions de personnes vivaient avec le VIH et 630 000 sont décédées de maladies associées. L’Afrique subsaharienne concentre deux-tiers des nouvelles infections, mais également la plus forte progression en matière d’accès aux antirétroviraux, avec 83 % des personnes dépistées sous traitement.
Voix d’experts
Pour la docteure Marie-Odile Nzuzi, épidémiologiste à l’université Marien-Ngouabi, « la prévention passe par l’éducation sexuelle complète dès le collège et l’adoption de politiques fiscales incitatives pour les entreprises qui investissent dans la santé communautaire ». Elle souligne l’importance des approches différenciées selon le genre et l’âge.
Le rôle des communautés
Les réseaux de personnes vivant avec le VIH servent de vigies : distribution de tests, accompagnement psychologique et plaidoyer. Au Congo-Brazzaville, l’association Arc-En-Ciel développe des podcasts en langues nationales pour démystifier la maladie, initiative saluée par l’ONU-Femmes pour son impact sur les jeunes femmes rurales.
Innovation et technologie
La recherche progresse vers des traitements injectables longue durée et vers un possible vaccin mosaïque en phase avancée d’essais. Le partenariat entre l’Institut Pasteur et le Centre congolais de recherche médicale doit permettre de tester localement des biothérapies adaptées au sous-type VIH-1 circulant en Afrique centrale.
Cartographie interactive des services
Une carte numérique, mise à jour par le ministère congolais de la Santé avec l’appui de l’OMS, géolocalise chaque point de dépistage et de distribution de médicaments. Cet outil, accessible hors ligne, réduit le temps de trajet moyen vers un centre spécialisé de 52 minutes à 28 minutes en zone périurbaine.
Le point juridique
La dépénalisation partielle de la transmission non intentionnelle du VIH, adoptée en 2022 au Congo-Brazzaville, a renforcé la confiance des usagers envers les services de santé. Les juristes observent une corrélation directe entre sécurisation du cadre légal et hausse du dépistage volontaire.
Diplomatie sanitaire
Au conseil d’administration d’ONUSIDA, Brazzaville défend une approche régionale fondée sur l’intégration des chaînes d’approvisionnement. Cette diplomatie sanitaire consolide la position du Congo comme acteur fédérateur entre la CEEAC et les bailleurs internationaux.
Et après ? Mobiliser le secteur privé
Les entreprises extractives et télécoms s’engagent via des programmes workplace, distribution de préservatifs et sessions de sensibilisation. Les économistes rappellent qu’un salarié sous traitement régulier présente une productivité supérieure de 25 % à celle d’un employé non pris en charge, argument majeur pour les décideurs.
Scène culturelle et lutte contre le sida
Musiciens, peintres et cinéastes congolais consacrent des œuvres à la mémoire des disparus et à la prévention. Le festival « Rouge ruban » de Pointe-Noire mêle concerts et dépistage gratuit, attirant chaque année plus de 10 000 participants, selon les organisateurs.
Visages de la riposte
Edwige, 24 ans, raconte son diagnostic précoce grâce à un autotest distribué dans son lycée. « Je me suis sentie protégée, pas jugée », dit-elle. Son témoignage illustre l’effet des campagnes jeunes-vers-jeunes, que les autorités entendent étendre à toutes les préfectures dès la rentrée prochaine.
Ligne d’horizon
La communauté internationale possède aujourd’hui les outils pour transformer la courbe de l’épidémie. Reste à sécuriser les budgets, à protéger les droits et à innover. António Guterres conclut : « En investissant maintenant, nous pouvons offrir à la prochaine génération un monde libéré du sida ».
