Ce qu’il faut retenir
À partir du 23 octobre 2025, les Mauritaniens sollicitant un visa américain tourisme-affaires devront verser jusqu’à 15 000 $ de garantie, placée sur Pay.gov après validation consulaire. La mesure procède du décret 14159 « Protéger le peuple américain de l’invasion ».
Le dispositif, présenté par l’ambassade des États-Unis à Luanda, provoque un vif débat sur la discrimination et les répliques possibles. Bamako a déjà annoncé un principe de réciprocité, tandis que Nouakchott temporise, observée de près par ses voisins sahéliens.
Garanties financières américaines: un bouleversement
Le point juridique/éco : la caution est remboursable, mais son montant équivaut à presque cinq fois le revenu annuel moyen en Mauritanie selon la Banque mondiale. Elle constitue donc un filtre économique plus qu’un filet sécuritaire, estiment plusieurs avocats mauritaniens interrogés à Nouakchott.
La Maison-Blanche inscrit la mesure dans une logique de « responsabilité des voyageurs ». Pourtant, de nombreux think tanks à Washington reconnaissent en aparté une finalité dissuasive, destinée à réduire les risques de sur-séjour et de demandes d’asile ultérieures.
Les chancelleries africaines entre prudence et fermeté
À Bamako, la réaction a été immédiate : « Nous appliquerons la réciprocité sans délai », a déclaré Abdoulaye Diop, chef de la diplomatie malienne. Cette posture contraste avec le silence officiel de la Zambie et de la Tanzanie, qui consultent encore leurs partenaires régionaux.
Pour la Mauritanie, la décision est plus délicate. Des sources diplomatiques indiquent que Nouakchott souhaite préserver la coopération sécuritaire antiterroriste avec les États-Unis tout en évitant « une concession perçue comme un précédent » pour ses ressortissants.
Nouakchott entre prudence et souveraineté
Le ministre mauritanien des Affaires étrangères, Mohamed Salem Ould Merzoug, a réuni début mai le Conseil national de sécurité pour évaluer les risques d’escalade. Aucun communiqué n’a filtré, mais un diplomate confie que « toutes les options sont sur la table, y compris la réciprocité modulée ».
Dans la presse locale, des voix plaident pour un canal de dialogue bilatéral afin d’obtenir une exemption partielle, à l’image du traitement accordé récemment aux Philippines. Mais d’autres courants politiques appellent à une réponse ferme pour défendre la dignité nationale.
Impact socio-économique pour les Mauritaniens
Selon l’Association des agences de voyages mauritaniennes, le nombre de visas B1/B2 délivrés aux citoyens du pays flirte avec 1 800 par an. « Une caution de 15 000 $ réduira ce flux de 70 % », anticipe son président, Cheikhna Mint Ahmed.
Les entrepreneurs qui fréquentaient les foires texanes de l’industrie halieutique redoutent une perte de marchés. Du côté académique, plusieurs étudiants planifient déjà des destinations alternatives, notamment Casablanca et Dakar, où les universités américaines délocalisent certains programmes.
Scénarios 2025 pour la mobilité sahélienne
Scénarios : si Nouakchott opte pour la réciprocité, les ressortissants américains devraient s’acquitter d’une caution équivalente. Cette piste pourrait toutefois décourager l’investissement dans les secteurs minier et énergétique, décrypte l’économiste Sidy Ould Bah.
Un second scénario miserait sur la négociation. La Mauritanie pourrait demander un assouplissement pour les catégories professionnelles stratégiques, en échange d’une coopération plus poussée sur le contrôle des flux migratoires au nord du pays.
Et après ? Le jeu diplomatique s’élargit
Et après ? La question dépasse Nouakchott. L’Union africaine, via son commissaire Bankole Adeoye, envisage de placer la problématique des cautions sur l’agenda du prochain sommet, afin de formuler une réponse continentale coordonnée.
Des analystes rappellent que la politique migratoire américaine reste sensible aux signaux collectifs. En 2019, la levée partielle du « travel ban » avait suivi une mobilisation conjointe de plusieurs capitales africaines. Les mois à venir diront si la Mauritanie choisira la voie de la coalition ou de la négociation bilatérale.
